C'est dans une ambiance assez particulière que les groupes de femmes prennent le chemin des oliveraies pour accomplir ce qu'elles considèrent comme leur tâche favorite en une saison pas très clémente. La saison des olives bat son plein. Dans les douars, les femmes, notamment, sont à l'œuvre, car la cueillette des olives est encore leur affaire. Moins instruites que leurs sœurs des milieux citadins, elles accomplissent néanmoins leur tâche avec patience et un haut sens des responsabilités. Elles prennent la route des oliveraies de très bonne heure. On les voit en ces matinées fraîches de novembre, dès les premières lueurs du jour, sur les routes, marchant en groupes silencieux emmitouflées de châles, des corbeilles de roseau ou d'osier à la main. Qui n'a pas vu ces braves et bonnes femmes se diriger vers l'une de ces nombreuses oliveraies dessinées sur les reliefs du nord de la wilaya de Mila ? Une fois sur les lieux, les femmes d'un certain âge grimpent, courageusement, sur les arbres, alors que les jeunes filles s'arment de gaules, et le travail commence. D'un olivier à un autre, on entend alors les doux chuintement des mains fermées glissant le long des rameaux chargés de fruits et le crépitement feutré des olives qui tombent au fond des paniers. Et pendant que les femmes sur leurs arbres recueillent ce qu'elles arrachent dans la corbeille qu'elles portent passées au bras, les jeunes filles, au sol, s'affairent avec leurs longs bâtons, secouant les branches que les femmes ne peuvent atteindre. Quand le sol se couvre, elles abandonnent leurs gaules et se mettent à glaner les olives et à les recueillir dans des sacs. À certains endroits, on étend préalablement une grande pièce de bâche ou de plastique sous les arbres, ce qui facilite beaucoup l'opération de ramassage. Collation sous les arbres Le soir, en milieu d'après-midi généralement, elles reprennent le chemin du retour, chargées de paniers, de seaux ou de sacs remplis d'olives. Parfois elles se surchargent d'un fagot de branches pour des besoins domestiques. La journée de travail est immanquablement marquée d'une collation prise sous les arbres et d'une courte pause, à la mi-journée. Toutefois la tâche des glaneuses d'olives, comme on dit dans certaines régions, ne s'arrête pas là. La production de l'huile et son long processus font également partie de leur travail. En effet, si l'existence de quelques huileries dans la région contribue largement à la simplification de la dure besogne de transformation des olives, nombreux sont les ménages qui préfèrent toujours produire leur huile à domicile, selon les procédés traditionnels. Une grosse pierre ronde et polie, quelques larges récipients, un trou dans le sol et d'énormes efforts physiques, voilà ce à quoi se réduit toute la chaîne de production domestique. Les olives sont d'abord bouillies dans de larges récipients en terre cuite ou en aluminium, puis égouttées et concassées sous une grosse pierres ronde et polie appelée guergaba. L'opération de concassage exige qu'on entasse les olives sur une large pierre bien plate, avant de les broyer à la guergaba, que les femmes font rouler selon un mouvement oscillatoire. Après le broyage, la pâte d'olive obtenue est placée dans un large récipient, où elle sera piétinée jusqu'à homogénéisation. Les femmes de la maison se relaient sans cesse afin de faire avancer la tâche et se soulager les unes les autres. Une fois la patte bien piétinée, elle est transportée jusqu'à la djabia dans des paniers, des bassines, de seaux… La djabia est un trou d'une certaine profondeur, creusé dans la terre, à proximité d'une source d'eau. Les hommes se chargent de creuser cet ouvrage et d'y canaliser l'eau de source. Les paniers, les bassines et les seaux sont vidés dans le trou rempli d'eau aux trois quarts et l'opération d'extraction de l'huile commence. La femme : indispensable Une femme retrousse, alors, ses robes et descend dans la djabia pour piétiner encore la masse d'olives qui repose au fond du trou tout en fouettant l'eau avec un grand bâton. Et à mesure qu'elle travaille, la pâte d'olives libère sa substance qui monte petit à petit en surface. Quand on aura jugé que la pâte est épuisée, on recueille l'huile qui surnage et on le stocke dans des jarres en terre cuite. Une partie du produit sera généralement donnée aux proches et aux voisins, l'autre sera gardée pour la consommation du ménage. Le reste est mis sur le marché local. Kamel Bouabdellah