D'après la version préliminaire d'un document élaboré par des spécialistes des Nations unies, la base de Guantanamo doit être fermée en raison des nombreuses violations des droits de l'homme. Bien qu'ils n'aient pas eu la possibilité de se rendre sur les lieux, en raison du refus des Américains de les autoriser à approcher les prisonniers, les experts de l'ONU ont présenté un rapport accablant basé sur les témoignages d'anciens détenus, de leurs familles ou de leurs avocats. Ils sont arrivés à la conclusion qu'il faut impérativement fermer le centre de détention de la base militaire américaine de Guantanamo. Selon eux, les gardiens de cette structure pénitentiaire ont commis des actes “équivalant à la torture”. Détenus nourris de force et isolement cellulaire prolongé constituent les exemples des pratiques régulièrement usitées dans ce centre. Le contenu de ce rapport de 38 pages fait état de violation des droits des détenus à bénéficier d'un procès équitable, à la liberté de religion et à la santé. Ses auteurs mettent en cause toutes les techniques spéciales d'interrogatoire autorisées par le Département américain de la Défense. En plus clair, les traitements réservés aux détenus de la prison de Guantanamo “violent leurs droits à la santé mentale et physique et, dans certains cas, représentent des cas de torture”. Ils estiment que les raisons invoquées pour justifier leur détention prolongée contreviennent aux lois internationales. Ils réclament aussi que les détenus cessent d'être renvoyés lorsqu'ils sont libérés vers des pays où ils pourraient être soumis à la torture. Il s'agit du premier document à faire le point sur des investigations lancées par la Commission des droits de l'homme de l'ONU. Ses conclusions s'appuient sur des entretiens avec d'anciens détenus, des documents publics, des informations de presse, des déclarations d'avocats et un questionnaire rempli par le gouvernement américain. Outrés par ce rapport, les Américains l'ont condamné par avance, estimant que le document reposait sur des “on-dit”, aucun enquêteur de l'ONU n'ayant visité la prison qu'abrite cette base. “Lorsque les gens entendront des informations sur ce rapport et quand ils pourront le lire, je les appelle à le faire en tenant compte du fait qu'aucun des auteurs de ce rapport ne s'est rendu à Guantanamo”, a déclaré le porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack. Les avocats du gouvernement américain vont plus loin en affirmant que les prisonniers de Guantanamo ne peuvent invoquer la Constitution américaine. “Un étranger ennemi combattant détenu en dehors des Etats-Unis (...) ne bénéficie pas de la protection constitutionnelle”, selon le gouvernement américain. Une loi promulguée fin décembre instaure, en effet, une procédure spéciale pour Guantanamo, limitant considérablement les recours possibles devant les tribunaux civils. Par ailleurs, mise dans la gêne, l'ONU a cherché, mardi, à prendre ses distances avec le rapport. En effet, le porte-parole de l'ONU, Stéphane Dujarric, a tenu à préciser au sujet du document : “Il a été rédigé par des rapporteurs indépendants désignés par la Commission des droits de l'homme et non par le Haut Commissaire ou le secrétaire général.” K. ABDELKAMEL