Une liberté d'expression souvent entravée, un parlement peu enclin à contester ce que lui propose l'exécutif et mal outillé pour présenter des alternatives crédibles, un processus de décision peu transparent et centralisé, tels sont les traits du système algérien de gouvernance. “Les caractéristiques du système algérien de gouvernance ont à la fois beaucoup évolué et conservé certains traits datant de la période socialiste”, note le dernier rapport “profil pays : Algérie” publié récemment, par le réseau euroméditerranéen des instituts économiques indépendants chargés de l'analyse économique du processus de Barcelone (Femise). Un processus de décision trop centralisé, un parlement peu enclin à contester ce que lui propose l'exécutif et mal outillé pour proposer des alternatives crédibles, une préparation des grands dossiers économiques parfois approximative, un système d'information public chroniquement défaillant doublé d'une rétention de l'information économique, sociale et politique de la part de l'administration, une liberté d'expression souvent entravée, des partis politiques faibles et divisés, tout cela empêche de voir se réaliser les critères d'une réelle bonne gouvernance. “Beaucoup de citoyens pensent que l'Etat est confisqué par une minorité qui monopolise tout ce qui concerne les affaires publiques pour profiter des avantages de la détention du pouvoir”, souligne le rapport qui précise que le processus de décision se caractérise par la centralisation et le peu de transparence — voire il est tout à fait opaque dans certains domaines. Le document note que “les détournements et la corruption sont des maux réels qui affectent sérieusement le pays”. le rapport parle de “pressions subies par les magistrats de la part soit des autorités qui s'immiscent dans le fonctionnement de la justice, soit de personnes privées qui n'hésitent pas à utiliser la corruption”. Les autorités, relève le texte, reconnaissent l'existence de la corruption qui affecte d'ailleurs d'autres services que ceux de la justice dont l'ampleur reste difficile à cerner. La position globale de l'Algérie en deçà des partenaires méditerranéens Après 15-20 ans d'ajustement structurel et 10 ans du processus de Barcelone, comment se positionne l'économie algérienne vis-à-vis des autres régions, des pays de l'Union et des partenaires méditerranéens ? “La position globale de l'Algérie est franchement en deçà de la position moyenne des partenaires méditerranéens (hors Israël)”, relève le document. L'Algérie apparaît certes moins en retard sur le plan de l'implantation d'une économie de la connaissance. Les performances économiques générales ont été, dans la période retenue, largement en retrait de ce que les autres pays ont pu réaliser. Le financement du secteur privé, la faible part des produits manufacturés et un service de la dette encore important (bien qu'en amélioration constante) sont les principaux points noirs, auxquels on peut ajouter un financement par le secteur bancaire domestique à peine moyen, comme le sont le niveau des investissements directs étrangers et l'ouverture globale. Le marché du travail est également dans une situation très difficile, ce qui fait peser de lourds risques sur la société elle-même. Le rapport souligne le développement d'une économie informelle. “Un pan important de l'économique (42% en 2001) échappe ainsi, par son caractère extra-légal, à la régulation institutionnelle”, lit-on dans le texte. Retour sur les marchés financiers Le profil actuel de la dette extérieure et la viabilité à moyen terme de la balance des paiements représentent un facteur favorable au retour de l'Algérie sur les marchés financiers. Bien que l'Algérie n'ait pas aujourd'hui de besoins financiers extérieurs, son retour sur les marchés financiers internationaux doit être recherché comme un moyen de restaurer l'image et la crédibilité de l'économie algérienne et d'améliorer l'attractivité des investissements directs étrangers. “Cela passe par la nécessité préalable d'un “rating pays” à obtenir auprès des grandes agences internationales de notation”, précise le Femise. “Le remboursement par anticipation d'une partie de la dette extérieure peut au demeurant concourir à cet effort pour obtenir un rating satisfaisant”, explique cet organisme. Une fois cette étape franchie, elle devra être suivie aussitôt par le lancement d'une émission obligataire d'un niveau appréciable (au moins 500 millions de dollars) sur le marché international des capitaux ; cela devrait permettre une évaluation par le marché — éclairé par le rating — du risque pays, et donner ainsi une plus grande visibilité pour l'investisseur. Disposant maintenant de marges de manœuvre budgétaires, c'est une stratégie de développement complète qu'il convient de mettre en place, stratégie qu'il est nécessaire de clarifier auprès des agents. Les ressources budgétaires actuelles doivent alors être utilisées pour initier un mouvement qui doit s'auto-entretenir par la suite. C'est en fait une formidable opportunité, à condition de la mettre au service de la stratégie d'ouverture choisie qui doit être l'axe de la politique algérienne dans les années à venir. Le réseau Femise est le réseau euro-méditerranéen des instituts économiques indépendants chargés de l'analyse économique du processus de Barcelone. Il regroupe aujourd'hui plus de 50 instituts de recherche en économie, représentant les partenaires du Processus de Barcelone. Le Cread est membre du Femise. Soutenu par la Commission européenne (DG relations extérieures) dans le cadre du volet régional de Meda, le Femise est co-animé par l'Institut de la Méditerranée (France) et l'Economic Research Forum (Egypte). Meziane Rabhi