Deux carrières flamboyantes, deux monuments de la chanson kabyle. Adulés l'un et l'autre, Lounis Aït Menguellet et Akli Yahiatene se vouent l'un pour l'autre un immense respect. Si le milieu artistique est riche de jalousies, de coups tordus, de querelles et de haines, entre ces deux-là, il n'y a eu que de l'affection. Leur public n'a pas eu souvent le bonheur de les découvrir ensemble. Peut-être une seule fois dans les années 1980 à l'université de Oued Aïssi, à Tizi Ouzou. Pourtant, habitués qu'ils sont des scènes algériennes et parisiennes, les occasions n'ont certainement pas manqué pour réunir ces figures, certes séparées par l'âge, mais unies par le talent et l'humilité. La chanson kabyle va cesser de souffrir de cette carence. Ses deux monuments se produiront ensemble le dimanche 7 mai sur la très célèbre scène du Zénith, à Paris, une scène où Cherif Kheddam a célébré, en décembre dernier, ses 50 ans de carrière, et que Lounis connaît si bien pour s'y être produit à plusieurs reprises. La dernière remonte à avril 2005. Le concert-événement du 7 mai est l'œuvre d'Iboudarène, la maison de production de Yahiatene, et de la société de communication KMC qui y travaillent depuis janvier dernier. Lorsque l'idée a été soumise à l'un et à l'autre, chacun y a adhéré avec le plus grand enthousiasme. Signe qu'entre eux, point d'inimitié. Rencontre entre deux générations, le concert sera aussi un rendez-vous avec le grand art à un moment où la chanson kabyle verse dans la médiocrité : indigence textuelle et rythmes répétitifs et chaotiques sont devenus ses nouvelles marques de fabrique. Elle semble avoir emprunté les travers du raï en investissant les cabarets et les boîtes de nuit. Il n'y a ni mélodie ni souffle poétique. Pourvu que cela fasse remuer le popotin ! Lounis et da Akli vont remettre les pendules à l'heure de la belle métaphore. À 73 ans, da Akli va apporter la preuve que l'âge n'a pas tari son inspiration. Ni altéré sa puissante voix. Au public, l'auteur de l'immortel el Menfi réserverait quelques inédits qui vont témoigner de cette vitalité. Il n'entend pas rater son premier grand rendez-vous au Zénith. Grâce à la radio Beur FM, le public peut déjà échanger avec eux. Arrivés samedi à Paris, ils se sont livrés à cet exercice de communion qui peut révéler des surprises. Ainsi, Lounis s'est-il, par exemple, fait reprocher un manque d'engagement politique. “Si tu es trop jeune, on va te le dire et si tu as oublié, on va te rafraîchir la mémoire”, a répondu Aït Menguellet en expliquant qu'aujourd'hui, la politique a ses professionnels qui n'étaient pas en si grand nombre lors des années de plomb. En ce temps-là, les artistes avaient plus facilement accès aux prisons qu'aux studios d'enregistrement. yacine KENZY