Aguemoune. Vendredi 9 heures du matin. Le village des parents de Zidane a beaucoup de peine à contenir les milliers de personnes qui convergent depuis le lever du jour vers ce hameau haut perché sur une colline. Des barrières métalliques ferment tous les accès menant vers la villa de Smaïl Zidane, le père de Zinedine. Il faut montrer patte blanche et un badge en bonne et due forme si l'on ne veut pas se faire refouler. Un impressionnant cordon de sécurité est déployé tout le long de la route de Tichy jusqu'au village d'Aguemoune. Zidane doit arriver d'Alger par hélicoptère et se poser à l'aéroport de Béjaïa, avant de rallier la maison parentale. Il a une chance insolente, la pluie a fait place à un soleil radieux. À 11h30, Zidane n'est toujours pas arrivé car plusieurs haltes ont été prévues pour rendre visite à la famille. Des milliers de personnes sont à présent prises en otages. Agemoune se révèle décidément un si petit village pour une si grande star. À midi, un frisson parcourt la foule et une clameur monte. Il arrive. Les reporters, à présent plusieurs centaines, sont sur le pied de guerre. Ils se disputent les meilleures places y compris sur les arbres. Lorsque le cortège s'immobilise enfin sur la minuscule place du village, Zizou a beaucoup de peine à s'extraire de la voiture. Aussitôt dehors, il est assailli de toutes parts. Le service d'ordre est très vite dépassé. À deux mètres de lui, nous voyons visiblement Zidane s'énerver au point de faire le ménage autour de lui. Ses parents sont bousculés. La maman malmenée de toutes parts pleure. Le papa est dans un tel état d'énervement qu'il finit par lâcher une bordée d'injures à l'adresse de toute cette faune de reporters, de paparazzi et d'obscurs officiels. Les autres membres de la délégation sont bousculés et piétinés et les gardes du corps ont d'énormes difficultés à les soustraire à cette furia. Ils rejoignent enfin la maison familiale gardée comme la banque fédérale américaine. Un peu plus bas, à l'entrée du village, les gendarmes contiennent tout aussi difficilement les milliers de fans qui réclament de voir Zizou. Au bout d'une heure et demie passée avec les membres de sa famille, l'ancien capitaine des Bleus doit repartir. Cette fois, pour le sortir de ce guêpier sans encombres, de nouveaux renforts de gendarmes sont arrivés et de nouvelles barrières métalliques sont érigées. On tente de canaliser la foule. Le cortège encore une fois s'ébranle difficilement au milieu des clameurs d'une foule frustrée de ne pas voir son héros. Zizou repart à Alger en hélicoptère. Il aura finalement vu très peu de cette Kabylie des ancêtres qui n'a fait que l'apercevoir. Trop peu de temps, trop d'amour. Sur le chemin du retour, le cortège des voitures et des piétons s'étire sur des dizaines de kilomètres. Aguemoune retrouve peu à peu son calme et sa solitude. Visite éclair à Béjaïa Autre ville, la veille, même scénario. Ils étaient des milliers de citoyens à se masser sur les trottoirs pour tenter d'apercevoir, ne serait-ce que furtivement, Zinedine Zidane, venu à Béjaïa pour une visite éclair en ce jeudi pluvieux. Entamée à l'hôpital Khelil-Amrane vers 11h du matin et menée au pas de charge, la visite de la mégastar s'est caractérisée autant par une cacophonie au niveau de l'organisation que par une ferveur populaire rarement constatée sous ces latitudes. Habitué à filer droit au but, Zidane, au milieu d'un essaim bourdonnant de reporters, a zappé tout le protocole mis en place à son intention. Les notabilités alignées en rang d'oignons ont à peine le temps de l'apercevoir que déjà il s'engouffre dans le hall de l'hôpital dont les portes se referment aussitôt. Au bout de 45 minutes de visite auprès des malades du service pédiatrie, Zidane ressort au milieu d'une cohue indescriptible et d'une grande bousculade. Il a toutes les peines du monde à rejoindre sa voiture au milieu d'une meute de reporters et de paparazzi. Pour espérer l'approcher, il faut franchir des barrières métalliques, échapper à la vigilance de cordons entiers de policiers stressés, percer l'épaisse muraille de journalistes et de photographes qui l'entourent avant d'affronter sa garde prétorienne composée de gardes du corps personnels auxquels se sont points les services de sécurité de la Présidence. Ils se saisissent de tous ceux qui s'approchent de la star d'un peu trop près comme d'un cas de patates pour les jeter au loin sans ménagement. L'exploit de l'approcher, seule Rahil, jeune et jolie fille de 24 ans, l'a réussi. Elle a pu lui arracher une photo faite avec son portable et un autographe. Lorsque le cortège quitte l'hôpital Khelil-Amrane pour celui de Frantz-Fanon, situé en haute ville, des milliers de citoyens, notamment des jeunes, suivent le mouvement. Au niveau de la place Ifri, la foule est si dense qu'elle bloque le boulevard et la circulation. Au vieil hôpital, ils sont déjà des centaines à l'attendre de pied ferme, et les services de sécurité ne semblent pas avoir prévu une telle affluence tant ils donnent l'air d'être dépassés. La foule grossit d'une minute à l'autre. Ils veulent tous voir Zidane qu'ils réclament à cor et à cri. On frôle l'émeute. À Frantz-Fanon, le footballeur en retraite ne visite qu'un seul service dont l'accès est strictement filtré. Il repart aussitôt au milieu des clameurs d'une foule frustrée de ne l'avoir pas vu. Direction l'aéroport de Jijel pour reprendre l'avion sur Alger. D. A.