C'est en qualité de professeur d'université (bibliothéconomie) et d'éditeur (Libris) que M. A. Terrar a exposé hier, au centre de presse d'El Moudjahid, une rétrospective exhaustive de l'état des lieux dans le domaine de l'édition. En remontant jusqu'à l'ère coloniale, le professeur a surtout voulu situer la responsabilité même si les pouvoirs publics n'ont pas su accorder l'importance voulue à la culture après l'indépendance du pays. Selon, le conférencier, l'année 1966 verra la création de la Sned, après la fermeture de la maison d'édition Hachette. Les droits d'auteur sont réglementés dès 1973 et des subventions sont décrétées de 1966 à 1975 par le biais d'une politique de soutien de l'Etat au prix du livre. À ce propos, le conférencier illustrera ses déclarations par des chiffres éloquents : “de 1966 à 1975, pas moins de 475 titres ont été mis sur le marché avec une moyenne de 200 000 exemplaires pour 50 titres par an. Aujourd'hui, lorsqu'une maison d'édition livre 3 000 exemplaires, le sommet est atteint”, dira M. Terrar En 1973, l'OPU (Office des publications universitaires) est créé. En 1991, l'OPU importe massivement 2 800 titres en millions d'exemplaires. Cependant, face à des moyens limités, l'entreprise a failli. Durant les années 1982 et 83, la Sned fut partagée en 4 entreprises: l'ENAL (1983) l'ENAMEP (1982) l'ENAG (1983) et l'ENAFEC (1983). À ce jour, seule l'Enag (Entreprise nationale des arts graphiques) demeure. Pour l'Enal, selon le conférencier, son personnel pléthorique (400 personnes) et son endettement ont eu un effet néfaste sur l'édition. La baisse de la production, générée par la baisse des moyens financiers, ajoutées aux taux d'intérêt en hausse, au désengagement de l'Etat, de la rupture de l'effort économique et social, couplé à la chute du portefeuille de devises, a abouti à la récession dans le monde du livre et à l'effondrement de la Sned. En 1996, la politique d'ajustement structurel initiée par le FMI aboutit à la dévaluation du dinar. La Sned est dissoute, c'est la fin du monopole et la suppression de l'Etat éditeur et diffuseur. Les réformes dans ce domaine permettent au secteur privé de s'investir dans ce créneau. C'est alors que le privé, selon M. Terrar, découvre la complexité du secteur. Sur les plans économique et culturel, le livre devient inaccessible. M. Terrar considère que l'origine de la crise remonte à la colonisation. “En 1888, 2% de la population algérienne est alphabétisée. En 1915, 5% et en 1954, 15% “, souligne le conférencier en affirmant que “la politique scolaire coloniale de l'époque avait pour objectif de franciser les indigènes en leur dispensant les principes de base lire écrire compter (selon Jules Ferry). En 1936, l'enseignement de la langue arabe est interdit. (Seules les zaouïas, à travers l'apprentissage du Coran pratiquaient cette forme d'alphabétisation).” Selon le conférencier, le désenchantement est patent. “Les comportements sont “pénuristes” et inégalistes. L'importation du conteneur prime face à l'absence de l'Etat, l'absence de programmes culturels et de toute action des pouvoirs publics”. Face à l'inertie du réseau de la lecture publique, et à l'amertume des librairies qui se reconvertissent, pour certains, en pizzerias, M. Derrar ose croire, qu'un jour, naîtra un droit nouveau : celui pour chaque citoyen de pouvoir obtenir un livre gratuitement. Nora Sari