Pull gris sur chemise blanche, le verbe rare mais taquin, Cheb Mami affiche un large sourire. Ce n'est pas tout à fait la fin du cauchemar, mais le bonheur est déjà là. Perceptible dans sa manière de saluer la petite poignée d'amis venus célébrer les retrouvailles samedi après-midi à Paris. Le maître de cérémonie est Me Khaled Lasbeur, l'un des trois avocats du raïman. C'est dans son cabinet dans le quartier distingué de Neuilly-sur-Seine que tout se passe. L'avocat a l'air tout émoustillé. La mise en liberté de Mami, après plus de 3 mois de détention provisoire, est sa victoire. Trois jours après la confrontation organisée le 26 janvier dernier dans le bureau de la juge d'instruction chargée du dossier, Me Lasbeur assurait déjà à Liberté que l'affaire évoluait “positivement et favorablement”. Il savait donc de quoi il parlait... Dans son attitude, il y a de la jubilation. “Maintenant, c'est toi mon manager”, décrète Mami dans l'hilarité générale. Subitement, il s'agace. Et son visage ferme. Quelqu'un lui glisse dans l'oreille que la mise en liberté de Mami est le fruit d'une tractation politique. Le résultat de la rencontre entre le président Bouteflika et le président de l'Assemblée nationale française. L'avocat se redresse et prend l'assistance à témoin. Réplique : “En France, il est impensable qu'un homme politique puisse intervenir pour influencer un juge d'instruction sauf à se retrouver lui-même poursuivi”, explique-t-il d'un ton solennel. “Aucune immixtion d'un homme politique n'est possible dans la justice quels que soient les faits ou leur auteur, surtout lorsque l'affaire se trouve entre les mains d'un juge d'instruction, magistrat du siège inamovible et souverain, capable de convoquer un homme politique très haut placé pour la manifestation de la vérité”, ajoute-t-il. Et de conclure que le chef de l'Etat, instruit de ces principes, ne se serait jamais avisé d'évoquer une affaire personnelle avec un homme politique étranger. Mami écoute attentivement l'argumentaire. Sa libération n'est donc pas le fruit d'une intervention politique, mais de son attitude au cours de l'instruction. Il n'a à aucun moment modifié sa version des faits alors que celles de son accusatrice et de son manager Michel Lévy auraient varié au gré des auditions. Le prince sait que son image a été passablement écornée par cette affaire. D'autant que le délit de violence contre les femmes est de nature à laisser des traces auprès de son large public. Ses rares expressions sont pourtant enveloppées de tendresse. Lorsqu'il a été interpellé fin octobre, sa réaction fut de la compassion. “La pauvre, c'est de ma faute si elle en est là”, aurait-il dit aux policiers qui lui présentaient un mandat d'amener. Il n'a jamais nié la liaison. Ni la paternité. Mais on a pris pour un aveu l'expression de cette compassion. En fait, il a continué à soutenir être totalement étranger à ce scénario qui a conduit son accusatrice à subir une tentative d'avortement. Sa remise en liberté est le signe que sa ligne de défense est juste. Il ne craint pas la suite de l'instruction. À la prison de la Santé, il n'a pas eu l'inspiration pour composer quoi que ce soit. Durant les trois mois de détention, les muses ne se sont pas présentées à lui. Mais la carrière va continuer. Et tout de suite. Dans les prochains jours, il va relancer la campagne de promotion de son dernier album. Puis une autre campagne pour un concert envisagé dans un mois et demi à La Cigale, à Paris. L'essentiel n'est pas de drainer un grand public. Mais de se rappeler à tous par une campagne d'affichage. De réoccuper la scène. Après un accident de parcours ? Y. K.