Elle aura beau s'en défendre, la ministre française de la Justice, Rachida Dati, risque d'apparaître comme “l'Arabe qui cache la forêt de la discrimination politique” en France, premier pays d'immigration en Europe avec, en outre, la plus forte communauté musulmane. Emblème de la volonté du nouveau président Nicolas Sarkozy de promouvoir les “minorités visibles” en lui attribuant un ministère régalien, elle va rester un cas isolé. Au sein de l'armée de conseillers désignés à l'Elysée, aucun immigré n'a été encore incorporé par le président d'origine hongroise. Et depuis dimanche soir, on sait qu'aucun député issu de l'immigration ne siégera sous les ordres du palais Bourbon à l'issue des élections législatives qui viennent de donner une majorité confortable à la droite. Porteur de tous les espoirs, l'Algérien Salem Kacet, un cardiologue de 55 ans, candidat de l'UMP à Roubaix (nord), a finalement été battu par un socialiste au nom très gaulois, Patrick Baert. Premier à réagir à cette bérézina, le Conseil des démocrates musulmans de France a exprimé “sa colère et sa désolation” devant cet oubli qui maintient les Français d'origine immigrée en marge de la vie publique et, de ce fait, soumis à “la marginalité sociale”. Il dénonce aussi “l'incapacité chronique des décideurs de droite comme de gauche à promouvoir la diversité par une politique volontariste”. Pourtant, un record de candidats se sont lancés dans la course, dont une centaine présentée par les partis. En fait, ils ont été investis dans des circonscriptions que les hiérarques des partis savaient irrémédiablement perdues. “Ils ont été délibérément envoyés à l'abattoir”, enrage Chafia Mentalechta, une candidate socialiste originaire de Blida qui ne cache pas sa colère contre les dirigeants de son parti. “Il y a des relents colonialistes durablement installés dans leurs esprits”, accuse-t-elle en rappelant avoir anticipé la déroute depuis un an. Aujourd'hui, elle tente de mobiliser les candidats dans un désir de construire dans la perspective des élections cantonales et municipales de 2008. Du même parti, Akli Mellouli a été désigné par les militants dans une circonscription du Val-de-Marne, près de Paris. Face à un ancien ministre de droite et à l'ancien journaliste vedette, représentant du centre, Jean-Marie Cavada, il a recueilli au premier tour 15,8% des voix. Pendant le dépouillement, des noms d'oiseaux semble avoir fusé. “Certains militants ont été choqués par des commentaires liés à mes origines”, dit-il. Alors que Liberté l'accompagnait dans sa campagne dans la très bourgeoise ville de Saint-Maur, le responsable de la section socialiste n'a pas caché avoir entendu des remarques xénophobes. “Certains me disent que son nom n'est pas adapté à la sociologie de la ville”, nous a répondu Claude Kaar, un retraité aux bleus, diplômé de la prestigieuse école des mines de Paris. Spécialiste des questions sociales ? M. Mellouli, qui travaille au Conseil régional de l'Ile de France, dénonce le “travail d'affichage des partis” fait au détriment d'un “travail en profondeur contre les préjugés”. Pour lui, la désignation par les partis de candidats d'origine immigrée n'a été, en définitive, qu'une “pièce de théâtre”, un “numéro d'illusionnistes”. Chargé des associations d'immigrés au sein de l'UMP, Abderahmane Dahmane estime que les candidats sont servis de “chair à canon législative comme leurs pères ont servi de chair à canon à Monté Cassino”. En attendant que le train des législatives repasse dans 5 ans, il demande que des compétences issues de l'immigration soient incorporées dans les cabinets ministériels. Cela permettra de nuancer la vision des Français “qui ne sont pas prêts à voter pour les candidats de la diversité”, comme l'a souligné au soir du premier tour, l'ancien ministre Azouz Begag. Y. KENZY