Canicule, football, polémique locale et lancements de projets socioéconomiques. Chronique sétifienne de la 9e visite du président de la République dans la capitale des Hauts-Plateaux. Abdelaziz Bouteflika est depuis hier en visite de travail et d'inspection dans la capitale des Hauts-Plateaux. La 9e depuis 1999. Si le programme présidentiel soutenu, mais étalé sur trois jours pour “cause de canicule sévère” focalise sur la pose des premières pierres, des inaugurations de projets et d'infrastructures socioéconomiques ou culturelles ou encore des bains de foule dans toute la wilaya, les Sétifiens, eux, s'interrogent sur l'objet de cette visite. Chacun y va d'ailleurs de son interprétation et estime au passage que le chef de l'Etat est “amoureux” de la ville ou de ses belles el-amriyates. Du moins une. La gardienne du temple, en l'occurrence la belle qui trône majestueusement depuis 1898 sur la place principale de la ville. Œuvre de Francis de St-Vidal, Aïn El-Fouara aura droit à une escale particulière de son hôte. Le Président entamant, après s'être désaltéré à sa fameuse source, enchanteresse pour beaucoup et qui lui imputent d'ailleurs cet attachement particulier, un parcours de près de 800 mètres jusqu'au siège de la wilaya. Une place qui focalise d'ailleurs l'attention des gens de Sétif depuis des jours et des jours et fait courir dans la ville rumeur sur rumeur. De mémoire de Sétifiens, rarement un sujet n'a autant canalisé l'attention de la ville. Il ne s'agit pas de la visite présidentielle, mais de ce qu'elle charrie avec elle. L'imaginaire populaire, la vox populi et surtout un inaltérable sens de l'humour se concentrent sur un objet insolite. Un arbre. Pas les platanes ou les acacias qui font la beauté de la place et de la rue de Constantine depuis des lustres, mais plutôt un arbre que la wilaya aurait commandé de Chine et qui était censé remplacer l'horloge du rond-point du 8-Mai-1945, face au siège de l'institution marquant ainsi la visite présidentielle. Jeunes et moins jeunes ont focalisé pendant des jours dessus et sur son socle en marbre noir d'à peu près 4 mètres carrés. Cet arbre est devenu bien malgré lui une légende urbaine. Et qui se retourne contre les responsables locaux qui évitent d'aborder le sujet. Il serait un “palmier” de “12 mètres” en “bronze” et son prix vaudrait son pesant d'or. “Trois milliards”, pour un directeur d'école. “Trois milliards l'arbre et un milliard le socle”, dira un commerçant. Les Sétifiens estiment en moyenne que le coût de cet arbre varierait entre “3,6 milliards et 4 milliards”. De quoi susciter des interrogations et surtout des polémiques selon les cas, le prix de revient du mètre carré étant jugé excessif. “Avec trois ou quatre milliards, vous pouvez avoir trois ou quatre villas à Sétif”, expliquera une habitante. Pour un notable, on pourrait loger “une dizaine de familles en comptant 360 millions par appartement”. Au prix du mètre carré des logements sociaux participatifs, il s'agirait plutôt d'une vingtaine de familles. La veille de la visite présidentielle, cet arbre n'avait toujours pas été installé et des dizaines de badauds ont veillé tard espérant voir l'objet mythique. Au final, l'arbre n'a pas fait son apparition pour le bain de foule. Son socle ayant servi pour un lâcher de ballons colorés et pour porter une troupe folklorique durant le passage du Président. Le palmier n'aurait pas encore été livré de Chine, où il serait en transit actuellement en Italie. Les Sétifiens ne désespèrent pas et annoncent son arrivée probable pour le 4 ou le 5 juillet prochain. À voir ! “Menine ichouffe Ahmed”. Un autre sujet qui fâche actuellement à Sétif. À l'image du dicton populaire local, la ville, en belle courtisane, s'est refait une beauté. Façades rafraîchies, trottoirs refaits et routes retapissées de bitume. La nuance étant que les travaux sont pour les gens de la ville faits pour le chef de l'Etat et juste là où peut porter son regard. Il suffit parfois de faire le tour d'un établissement scolaire à l'entrée de la ville pour se rendre compte que les façades donnant sur le parcours présidentiel ont bel et bien été repeintes, ou les routes goudronnées. Pas celles qui n'auront pas droit au regard bleu azur. Il n'y a pourtant pas que des points à polémique durant cette visite. Pour preuve, les Sétifiens pas rancuniers ont vite fait d'oublier l'épisode de l'aéroport du 8-Mai-1945 de Sétif qui devait être baptisé initialement du nom de Hadj Lakhdar, annulé à la dernière minute face à la fronde locale, d'autant que différents projets inspectés durant cette visite porteront à l'avenir le nom de martyrs ou d'anciens moudjahidine de la ville et de la région. Une réhabilitation tardive, mais appréciée par les natifs de la région comme une reconnaissance aux hommes. Notamment dans le cas des chouhada Ali Saâdallah, Lakhdar Dilmi, les frères Tahar et Mohamed Salah Aïdoudi, Ahmed Mahnaoui, Rachid Kahloul ou encore des anciens moudjahidine, Ahmed Rouabah, Mouloud Kacem Naït-Belkacem, Ahcène Bouderbala, Youcef El-Aloui, Mustapha Merarda. Entre le noir et le blanc, le cœur balance, mais celui de la ville et de ses jeunes bat incontestablement pour l'Entente. Une rencontre est d'ailleurs programmée, demain probablement, avec les Aigles qui viennent d'aligner la Coupe arabe et le championnat national. L'Entente qui a offert son sacre au peuple algérien et à l'Algérie veut symboliquement offrir la coupe et le ballon de la finale ainsi qu'un maillot de l'ESS portant toutes les signatures des joueurs à Abdelaziz Bouteflika. Loin des joggings et des baskets, le costume sera de rigueur à la salle omnisports du complexe du 8-Mai-1945 et la fête sera totale pour les Sétifiens amateurs de foot. Au-delà du chômage local, des opportunités d'emploi ou des perspectives, les Sétifiens attendent impatiemment le lancement des travaux du grand stade dont la ville doit être dotée depuis des années. On annonce des capacités supérieures à 60 000 supporters et des infrastructures modernes, il se ferait sous appel d'offres international. “Ils le méritent”, dira un ministre. Le Président doit d'ailleurs poser la première pierre et lancer le projet du futur complexe sportif devant abriter un grand stade. Le chef de l'Etat doit poursuivre encore sa visite aujourd'hui et demain à Sétif. Le chef de l'Etat interpelle Benbouzid Le président de la République a jugé “injuste et anormal” que des élèves ayant un bon cursus annuel soient recalés pour avoir échoué au brevet d'enseignement fondamental conditionnant l'entrée au lycée. “C'est une anomalie et une injustice qu'un élève qui travaille toute l'année avec une bonne moyenne soit recalé pour avoir échoué au BEF. Avant ce n'était pas comme ça”, dira le chef de l'Etat interpellant directement à ce sujet le ministre de l'Education nationale. Ce dernier expliquera qu'il s'agit des coefficients qui font que le résultat du BEF est multiplié par 3 dans la moyenne de passage. Boubekeur Benbouzid dira néanmoins sa satisfaction du taux de réussite à cet examen sachant que sur les 96 000 candidats plus de 300 ont eu une moyenne supérieure à 18 sur 20. Ce qui augure, selon lui, d'un taux de réussite au bac avoisinant les 70% d'ici à 4 ans. Ghoul à El-Kala la semaine prochaine Le ministre des Travaux publics doit se rendre la semaine prochaine au Parc national d'El-Kala. Omar Ghoul veut calmer les esprits et la polémique née du passage de l'autoroute Est-Ouest par la région. “Nous sommes ouverts à toute solution qui puisse améliorer et donner un peu plus dans le cadre de l'intérêt général”, dira le ministre en marge de la visite présidentielle à Sétif. Il sera accompagné d'experts scientifiques et environnementaux ainsi que des membres de l'observatoire, installés pour contrôler les impacts sur l'environnement, et qui regroupe les ministères des Travaux publics, de l'Environnement et de l'Agriculture. “Il est chargé du suivi et du contrôle des mesures préventives d'impacts sur la faune, la flore et l'eau, qui découlent de l'étude de réalisation”, dira le ministre. S. S.