L'activité industrielle en Algérie a fléchi au 1er trimestre 2007, comparativement au trimestre précèdent, aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé. C'est ce que révèle une enquête d'opinion réalisée auprès de 780 chefs d'entreprise industrielle (380 publiques et 400 privées) par l'Office national des statistiques (ONS). L'enquête, qui porte sur le type et le rythme d'activité industrielle et non sur les productions, indique que 62% du potentiel de production du secteur privé ont connu un taux d'utilisation des capacités de productions inférieur à 75%. Dans le secteur public, en revanche, près de 40% du potentiel de production installé ont utilisé leurs capacités de production à moins de 75%. Cette enquête vient rappeler la triste réalité de la contrebande et de la contrefaçon qui sont en train de prendre des proportions alarmantes. Sans raccourci, il est loisible de comprendre la non-utilisation de tout le potentiel de production par nos entreprises publiques et privées à travers, également, le décryptage qui voudrait qu'elles fassent face à une concurrence déloyale que leur livrent les tenants de la contrebande et de la contrefaçon. Ces deux fléaux constituent une menace de plus en plus pesante sur pratiquement, toutes les industries du pays. Nombreuses sont les sources, du reste crédibles, qui estiment que les produits de contrebande et de contrefaçon représentent plus de 50% du marché algérien. Dans le secteur du textile par exemple, il flirte avec la barre des 80%, asphyxiant complètement la production nationale. Une production qui ne peut plus faire face, en matière de coût, à la concurrence des produits contrefaits importés frauduleusement et qui inondent littéralement le marché. La production cosmétique nationale sur ce même registre n'en mène d'ailleurs pas large, se réduisant chaque année comme peau de chagrin, pour cause de grosses méventes. La raison : la Chine, la Turquie, Dubaï… constituent, aujourd'hui, une destination privilégiée des gros importateurs algériens. Et il est communément admis que la contrefaçon dans ce bassin d'importation représente 70% de la production. Ce n'est pas tant le contrôle aux frontières algériennes qui fait défaut, mais parce que les services de contrôle sont tout simplement débordés par une contrebande presque générale et qui fait feu de tout bois. Des produits de contrebande, donc de contrefaçon, qui trouvent un terrain fertile dans le millier de marchés informels recensé officiellement par le ministère du Commerce et dont certains, comme celui de Tadjenanet (Mila), celui d'El-Eulma (Sétif) ou d'El-Hamiz brassent à eux seuls l'équivalent du chiffre d'affaires de toutes les petites et moyennes entreprises du pays, dans des transactions ou la production nationale est quasiment absente. C'est une réalité : en matière de prix, la production nationale dans de nombreux créneaux comme le textile, la chaussure, la maroquinerie, la dinanderie, la tapisserie… ne peut pas soutenir la comparaison avec les produits de contrebande contrefaits. Ces derniers qu'on le veuille ou non présentent, paradoxalement un rapport qualité prix avantageux. Dans la filière électrique, celle ayant trait, par exemple à l'installation domestique (interrupteurs, prises, disjoncteurs, et fils électriques), les professionnels du secteur affirment qu'elle est touchée par la contrefaçon à hauteur de 80%. Une contrefaçon qui attire la clientèle parce qu'elle propose à des prix dérisoires ou en tout cas moindres, une imitation quasi parfaite de produits de grandes marques mondialement connues, même si ceux-ci remplissent une fonction plutôt aléatoire et surtout dangereuse dont le citoyen n'est souvent pas dupe. À titre indicatif, nous disent les gens du métier, un disjoncteur importé de Chine ou de Turquie ne coûte à tout cassé que 50 dinars dans le marché informel, alors qu'un disjoncteur fabriqué par une entreprise algérienne, selon les normes internationales, pour le moins cher est cédé à 180 dinars. On peut ainsi multiplier les exemples pour les parfums, les chaussures, l'habillement, les produits en plastique, les tissus, les meubles..., c'est-à-dire l'essentiel de la production des petites et moyennes entreprises algériennes publiques et privées. Celles-ci, faut-il en convenir, ont un besoin impérieux du partenariat étranger pour plus de performances sur le volet qualité, mais aussi en termes de coût de production. Et en ce sens, la frilosité des investisseurs étrangers dans le secteur de la petite et moyenne industrie peut s'expliquer aussi (surtout ?) par l'inondation du marché national de produits de contrebande contrefaits. En effet, même officiellement, on reconnaît que plus de la moitié du marché national dans nombre de filières industrielles, reste la part de l'informel, essentiellement nourri de contrefaçon. Autrement dit l'Algérie dispose actuellement d'un marché où de larges pans échappent à tout contrôle. Reste à signaler que le programme présidentiel s'est proposé le défi d'arriver à créer 100 000 entreprises à l'horizon 2009. Sauront-elles résister aux coups de butoir de l'économie informelle ? On se pose la question. Zahir Benmostepha