“Prenez très au sérieux les choses, je suis prêt à abandonner le projet plutôt que de faire courir une catastrophe écologique pour la population”. “C'est une mer qui va se déchaîner sur la région, c'est pour cela qu'on ne peut pas être approximatif !” lance le Président sur un ton ferme. Le chef de l'Etat s'est montré, hier, très intransigeant par rapport aux failles et insuffisances du projet du barrage de Béni Haroun de la wilaya de Mila qui a constitué sa seconde halte à l'est du pays. Recevant des explications du chef de projet dans la matinée d'hier en compagnie du ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni et du ministre des Ressources en eau, Abdelmalek Sellal, le chef de l'Etat qui a écouté l'exposé sur le barrage pendant quinze minutes a réagi tout de suite lorsque le responsable en question a parlé d'infiltrations. “C'est une infiltration, donc, c'est une imperfection dans le travail !” “C'est en 2007 qu'on dit qu'on ne peut pas réaliser un projet datant de 1968 ?” “Vous pouvez mettre des drains sans faille, sans faute et sans infiltration !” fera remarquer le Président. Expliquant l'impératif de mettre des “drains” pour soulager les fondations, le chef de projet n'a pas tardé à recevoir une mise au point du Président. “Vous savez très bien que je ne parle pas de drains, mais plutôt d'infiltrations”. Continuant son exposé, le chef de projet soulignera qu'une équipe de professionnels est en train de mener actuellement des expertises à ce propos. Et au Président d'interroger : “Cet ouvrage aura coûté combien à l'Algérie ?” Près de trois milliards de dollars ! “On ne peut pas débourser 3 milliards de dollars et dire que nous allons faire les choses approximativement”, martèlera le Président avant de lancer : “Soit on peut, soit on ne peut pas !” Reconnaissant “l'incertitude de maîtriser les infiltrations”, le chef de projet s'est vu une fois de plus réprimandé par le premier magistrat du pays. “Sommes-nous les premiers à faire un tel barrage pour avoir ce genre de problèmes ?” “Il y a la technique qui se trouve en Russie, en Chine et aux USA”. Le chef de projet qui a enchaîné en disant au Président que des expertises sont en cours actuellement, et qu'il est fait appel aux étrangers, fera face à l'intransigeance du président de la République. “Prenez très au sérieux les choses, je suis prêt à abandonner le projet plutôt que de faire courir une catastrophe écologique à la population”. “C'est une mer qui va se déchaîner sur la région, c'est pour cela qu'on ne peut pas être approximatif !” lance le Président sur un ton ferme. Devant les menaces de l'hôte de Mila, le chef de projet indiquera que “nous n'avons pas de problèmes de sécurité, nous avons pris des mesures tant pour sécuriser le projet que la population”. Et à Bouteflika de revenir à la charge : “J'ai besoin de technique étrangère, il faut la ramener.” Si le responsable du projet indique que “nous avons fait appel à des expertises”, le ministre des Ressources en eau qui a voulu, lui aussi éclaircir les choses au Président, a indiqué qu'“au niveau communal, il y a des études et des expertises”. Et à Bouteflika de répliquer sans un temps de latence : “Je ne fais pas confiance à la technique au niveau communal et ce, au niveau de tous les secteurs”, non sans expliquer que “l'évolution technique dans le monde est telle que la technique au niveau communal est insuffisante”. Evoquant les infiltrations de la rive gauche du barrage, le ministre des Ressources en eau notera que des expertises sont engagées pour connaître le point de perforation pour le traiter et monter le niveau du remplissage du barrage (non suffisamment rempli). “On verra s'il faut des drains ou non”, note le ministre avant que le Président ne précise : “On laisse tomber les drains parce qu'il n'y aura pas de mesures suffisantes de sécurité pour un ouvrage de cette importance.” “Je vous demande de laisser le communal faire son travail et de vous adresser à des entreprises internationalement connues pour régler ce problème”, recommandera-t-il encore avant d'arguer que “quand on a dépensé 3 milliards de dollars, on ne peut pas faire des économies de bouts de chandelles”. Evoquant en outre la station de pompage, le chef de projet parlera de deux pompes prototypes. “Je n'ai pas compris le fait d'aller vers des prototypes, c'est-à-dire s'il y a la moindre panne, il faut aller vers des pièces de rechange qui n'existent pas sur le marché et qui doivent être fabriquées spécialement pour le prototype”. Le chef de projet en tentant de donner des explications en évoquant “les deux pompes…”, aura une fois de plus à donner des précisions au président de la République qui l'interrogera : “Ces deux pompes est-ce qu'elles existent sur le marché ?” -“Non, elles n'existent pas !” répond le chef de projet. “Ces deux pompes sont fabriquées par Alstom elle-même”, répondra le vis-à-vis du Président qui sera vite interrompu par ce dernier. “Oui mais pourquoi prendre des pompes prototypes alors qu'il y a d'autres solutions techniques”. Et au responsable du projet d'indiquer que l'étude d'une variante d'un pompage étagé compte tenu de la géologie du terrain a été engagée, mais que la réalisation d'une pompe est problématique compte tenu de la nature du terrain. “Je reste donc moi prisonnier de pompes qui peuvent tomber en panne et mettre tout un système en panne pour 6 ou 7 wilayas”, répliquera le chef de l'Etat. En définitif, le chef de projet reconnaîtra que les remarques du Président étaient pertinentes. “La solution, M. le Président, qui a été retenue, c'est celle que vous avez proposée, la solution, je dirais, n'a pas été suffisamment étudiée, celle qui consiste à faire un pompage par étage, je suis sûr que nous pouvons le faire et j'en ai discuté hier avec le ministre, nous allons engager rapidement une étude pour voir la faisabilité de la chose. C'est vrai qu'avec ce système, nous ne serons pas retenus par des pièces de rechange. On va essayer de maintenir quelques équipements et adapter le terrain, les équipements et les ouvrages avec d'autres stations de pompage”. Sellal dira à son tour qu'Alstom sera, pendant 10 ans, responsable de la gestion. Et de souligner l'impératif de trouver des solutions en 2008. “Pourquoi renvoyer à 2008 ?” lancera Bouteflika. “C'est le lancement des avis d'appel d'offres”, notera le ministre avant d'être interrompu par le Président. “C'est important de donner de l'eau à la population, il est impossible de la lui retirer. On lui donne cette eau, elle est poreuse, la population ne comprend pas ce que cela veut dire une panne au niveau de la panne, ce sont des choses sérieuses, on ne peut pas jouer avec des milliards de dinars”. N. M.