Abdelaziz Bouteflika avait déclaré, en septembre dernier, qu'il était «prêt à abandonner le projet plutôt que de faire courir une catastrophe écologique et un drame à la région». Alerte à l'est du pays! Le Beni Haroun, la plus grande infrastructure hydraulique de l'Algérie, suscite de grosses inquiétudes après la constatation, hier, «d'importantes» fuites d'eau au niveau du tunnel de transfert des eaux de ce barrage. La première alerte a été donnée le 5 septembre dernier, par le président de la République, lors d'une tournée à l'est du pays, qui l'a conduit au chantier de Beni Haroun. Abdelaziz Bouteflika avait déclaré qu'il était «prêt à abandonner le projet plutôt que de faire courir une catastrophe écologique et un drame à la région». Première réaction à chaud de la part des responsables de l'hydraulique: arrêter temporairement le pompage à partir de la grande station du douar El Bidi vers le barrage-réservoir de l'oued Athmania (Mila). C'est justement sur le canal de transfert que le problème est survenu. A en croire le département des Ressources en eau, des «poches» d'air ont été constatées sur le canal de transfert, mais «dire que ces mêmes fuites seraient à l'origine des secousses telluriques enregistrées hier, dans la région de Mila est prématuré», indique-t-on, hier, au ministère des Ressources en eau. Quoi qu'il en soit, des contacts ont eu lieu, dès les premiers instants de l'incident, avec le Centre algérien de recherche en astronomie, astrophysique et géophysique (Craag), pour «mettre les choses au clair». Les mises en garde ont été données à l'avance. Abdelmalek Sellal avait déjà signalé qu'avec une pression de pompage de 80 barres, la moindre fuite pourrait causer une déflagration énorme, voire même un drame. Cela s'était-il produit hier? Abdelmalek Sellal répondra simplement par un «non». La région de Mila a été frappée, en tout cas, dans la journée d'hier, par trois secousses telluriques. La dernière, enregistrée à 12h50 (11h50 GMT), a été d'une magnitude de 4 sur l'échelle de Richter, se référant à un bulletin spécial diffusé par le Craag. Une première secousse, d'une magnitude 3,3 a été enregistrée à 8h44 (07h44 GMT) à 13 km au sud-est de Mila, tandis qu'une deuxième, de magnitude 2,5, a été ressentie à 12h36 (11h36 GMT) à 8km au sud-est de l'oued Athmania. Ces trois secousses n'ont pas fait de victimes ni de dégâts. Mais des «poches» d'air sur le canal de transfert qui sert à acheminer les eaux de Beni Haroun vers le barrage-réservoir de l'oued Athmania (Mila) pourraient être à l'origine, même si le ministre ne confirme pas, pour l'instant, cette hypothèse. Quoi qu'il en soit, la possibilité d'une corrélation entre l'activité sismique enregistrée dans la région au cours de ces derniers jours et les secousses telluriques d'hier ainsi que l'apparition des fuites n'est pas à écarter. Selon les analyses de certains responsables de l'hydraulique, la déperdition de l'eau, en raison de ces mêmes fuites, a atteint 35% du volume pompé qui est de 12,5m3 par seconde. L'arrêt momentané du pompage qui devrait durer deux mois, soit le temps nécessaire pour mener les travaux de réparation que devra entreprendre la firme italienne (Condotte d'Aqua), ayant réalisé le tunnel, «n'aura aucune incidence sur l'approvisionnement en eau de la population et ce, compte tenu du volume de l'ordre de 16 millions de m3 emmagasinés par le barrage-réservoir de l'oued Athmania», ont affirmé également les services locaux de l'hydraulique. Ces derniers ont précisé que ce volume représente une «réserve d'eau de plus de 3 mois», alors qu'au ministère de l'Hydraulique l'on table sur une autonomie de neuf mois. Une équipe d'experts suisses et belges est attendue dans les prochains jours pour examiner le phénomène des fissures apparues au niveau du tunnel de transfert de Djebel Lakehal, ont ajouté les services locaux de l'hydraulique. Le chef de l'Etat, lors d'une récente visite sur le chantier, a émis des critiques et fait des mises au point à l'adresse des responsables de l'hydraulique. «Nous ne pouvons faire des économies de bouts de chandelles dans un projet de plusieurs milliards de dollars. Nous ne pouvons jouer avec des milliards de dollars», avait averti le président. Et de marteler qu'il ne peut «tolérer ni faute ni faille». Après quoi, la cagnotte déboursée jusqu'ici dans l'accomplissement de cet immense ouvrage -près de 3 milliards de dollars- risque d'être emportée par la crue. Le projet, composé de plusieurs lots dont les transferts vers les cinq wilayas concernées, devrait sécuriser une bonne partie de l'est du pays en eau potable (près de 4 millions d'habitants répartis sur le territoire de six wilayas). Au ministère des Ressources en eau, contacté, hier, par nos soins, le ton est loin d'être celui que l'on utilise lors des grandes catastrophes. Une équipe d'experts suisses et belges est attendue dans les prochains jours pour examiner le phénomène des fissures apparues au niveau du tunnel de transfert de Djebel Lakehal, apprend-on aussi auprès du département de Abdelmalek Sellal.