Présent au 19e Congrès des notaires d'Afrique, qui s'est tenu à Alger du 17 au 19 novembre, le président de l'Union internationale du notariat, Giancarlo Laurini, estime que seul un notariat structuré et réglementé peut garantir une haute sécurité pour toutes formes de transactions ou de constitutions de sociétés. Rencontré hier à l'hôtel El-Djazaïr (ex-Saint-George), avant son départ vers l'Italie dont il est originaire, M. Laurini développe dans cet entretien les grands axes de la rencontre d'Alger et livre ses impressions sur cette profession en Algérie. Liberté : M. Laurini, vous avez participé au 19e Congrès des notaires d'Afrique qui s'est déroulé pour la première fois en Algérie. Quelles sont les attentes majeures d'une aussi importante rencontre pour l'union que vous présidez depuis trois ans et pour le notariat d'Afrique ? Giancarlo Laurini : Je tiens à vous souligner d'abord le caractère opportun que revêt ce congrès annuel pour les notaires d'Afrique. Nous avons évoqué un sujet des plus cruciaux comme le crédit hypothécaire comme outil de développement de toute société, de toute transaction économique ou de constitution de sociétés et autres entités. Nous vivons dans une ère basée sur l'économie de marché où les garanties sont souvent compromises par l'absence d'une réglementation stricte. Ce qui suggère, partant, l'insécurité des biens et des cas d'espèces litigieux en l'absence d'un acte notarié. Ce congrès, comme je le disais, a consacré l'acte notarié comme instrument privilégié de paix sociale. C'est très important de nos jours de relever l'obligation de conformité de tout acte délivré subséquent aux lois. Et seul un acte conforme garantit la paix sociale et la pérennité de toute une société, voire d'une économie. Cela suggère la suprématie de l'acte notarié dans le notariat latin contrairement au système Common Law, dit anglo-saxon. Pourquoi ce système est remis en cause dans le fond comme dans la forme ? Le notariat Common Law ou anglo-saxon permet l'établissement de contrats ou d'actes qui ne se réfèrent pas forcément à la loi. Le vide juridique, comme dans le crédit hypothécaire, influe systématiquement sur toute la société qui subit des contentieux et des conflits qui durent dans le temps et très coûteux pour les parties antagonistes. L'absence de codification mène également à d'autres dérives sur le plan légal. En revanche, le notariat latin, comme cela se fait en Chine, est le moins coûteux, le moins volumineux, plus rapide dans son exécution et plus sûr sur le plan légal. C'est un système qui confirme la suprématie du droit sur tous les précédents qui pourraient surgir et peser sur l'économie et la société. Est-ce que la rencontre d'Alger est justement une opportunité pour lancer un appel à l'ensemble des notaires pour bannir le notariat anglo-saxon et consacrer le système latin ? Oui ! Le système latin exige la suprématie et je le confirme encore une fois. Il y a quelque temps, un professeur européen a conclu que le notariat anglo-saxon chute sur la déréglementation ! Ce qui se passe aux Etats-Unis d'Amérique où le Common Law est appliqué tous azimuts et influe inéluctablement sur l'Europe et l'Afrique. Quand une grande transaction souffre d'un acte garantissant la sécurité d'un crédit et que le débiteur ne possède aucune garantie et ne paye pas son vis-à-vis, le contentieux est immédiatement subi par les banques, les compagnies d'assurances. Et les parties concernées sont, du coup, rentrées en conflit. Aux Etats-Unis d'Amérique le Common Law a abouti à des résultats très graves. Dès lors, et pour parer à tout contentieux, il est conseillé, voire recommandé de développer une économie de marché basée sur le respect des lois. M. Laurini, quelles impressions avez-vous à l'issue de ce congrès du notariat algérien ? Le notariat algérien est très bien structuré. Je dirai bien plus, c'est un notariat fortement structuré car j'ai eu à rencontrer des notaires de haute facture, et sur le plan culturel et sur le plan professionnel. Les notaires algériens ont été bien formés et sont ancrés dans la société. Aussi, ces notaires jouissent d'une notoriété et sont bien placés vis-à-vis de l'autorité politique. J'ai eu à le constater, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, M. Tayeb Belaïz, donne une extrême importance aux notaires et à cette noble profession. Je profite, à l'occasion, pour lui exprimer ma gratitude pour tout ce qu'il a fait et ce qu'il fera pour le notariat en Algérie. Je lui exprime également mes sincères remerciements pour l'accueil chaleureux qu'il m'a personnellement réservé. Un mot sur l'Algérie et sur Alger… C'est pour la première fois que je viens en Algérie. J'ai eu l'agréable surprise de constater que c'est un pays qui fonctionne quotidiennement et où les choses bougent réellement. Pour moi, Alger est une belle capitale par rapport aux autres villes du Maghreb. Une grande ville que je me permets d'appeler la perle de la Méditerranée. J'espère revenir et me faire beaucoup d'amis aussi prestigieux comme le garde des Sceaux, M. Tayeb Belaïz.