La gendarmerie a pu arrêter tous les auteurs de ce crime immonde après que la jeune victime eut reconnu un de ses agresseurs sur une photo montrée par un des enquêteurs. S. (appelons-là Samira), ne s'était pas un seul instant imaginée que sa fugue allait se transformer en cauchemar. En quittant la domicile familial à Larbaâ sur un coup de tête, la mineure de 17 ans ne savait pas que les loups ne ratent pas une proie fragile. C'est vrai que les escapades, ça lui connaît, mais jusque-là sans gravité. Lundi dernier, elle mijote une virée chez son oncle dans la localité de Béni Messous, après une dispute avec son frère qui, selon elle, lui rend la vie dure. Le papa semble, toujours d'après la version de la jeune fille, être du côté du fils. On la soupçonne d'être un peu frivole. Chose qui ne tarde pas à pousser les deux hommes à lui interdire l'école. Une mentalité bien de chez nos campagnards. Samira refuse cet état de fait et l'exprime par ses petites fugues. La récidiviste monte dans le premier bus vers Alger où elle prend une correspondance pour Beni Messous, à Chevalley. Elle fait la connaissance de C. R., 22 ans, qui remarque son désarroi. Une invitation s'impose. Les deux jeunes s'isolent dans une baraque à l'orée d'un petit bois où ils passent la nuit. La fille subit plusieurs actes contre nature. Le lendemain, C. R. quitte les lieux laissant la fille seule. Elle est rejointe en fin de journée par B. A. (20 ans), A. A. (21 ans), A. M. W. (20 ans) et G. Y. (22 ans). C'est la descente aux enfers. Toute la nuit, elle subira les assauts des quatre personnes sous l'emprise de la drogue. Au lever du jour, trois d'entre eux repartent dans leur quartier, ils sont voisins, où ils font part à leurs potes de la présence d'une fille dans la forêt. Pendant que Samira était restée avec G. Y., cinq autres voyous, G. H. (19 ans), M. S. (22 ans), L. S. (23 ans), G. F. (23 ans) et Z. H. (23 ans) arrivent sur les lieux. Une autre nuit de cauchemar. Des sévices sexuels épuisent la jeune fille. Au petit matin de jeudi, tout le monde décide de rentrer chez soi. Samira est laissée seule, éreintée sur la route de l'hôpital. Elle appelle au secours sa cousine à qui elle raconte l'enfer qu'elle a subi. Son oncle s'empresse de la récupérer et s'adresse au premier commissariat où il est orienté vers la brigade de gendarmerie territorialement compétente. Une enquête qui s'avère d'emblée difficile puisque la fille, non résidente de la localité, ne connaît rien de ses agresseurs. Mais voilà qu'à tout hasard, une photo que lui montre un des enquêteurs lui rafraîchit la mémoire. “C'est lui !” tressaute-elle. C. R., le premier de la bande des malfaiteurs sera convoqué à la brigade de Beni Messous où la malheureuse confirme sa déclaration. Le prévenu reconnaît les faits et avance le nom d'un acolyte. Ce dernier avoue et donnera à son tour d'autres noms. Dix en tout ont abusé de la jeune fille dans des conditions qu'on peut deviner insupportables. Ils sont tous arrêtés et continuent jusqu'à l'heure actuelle de faire l'objet d'interrogatoires. Etant des repris de justice, on s'attend à d'autres révélations. Samira que nous avons rencontrée à la brigade était quelque peu détendue. Elle a eu un long entretien avec la psychologue de la cellule d'écoute du groupement. Des aveux tristes d'une adolescente qui se cherche. L'apparence est plutôt quelconque. Frêle, un visage parsemé d'acné et un regard innocent. À la suite de l'entretien, la psychologue a jugé opportun de la placer dans un centre pour une prise en charge psychologique au vu du choc qu'elle a reçu. Son cas n'est cependant pas isolé. Les mutations que connaît la société algérienne, les chamboulements intervenus dans les traditions à l'origine de la dislocation du noyau familial contribuent à favoriser de tels comportements dramatiques chez les garçons et les filles. ALI FARÈS