Rien ne va plus en Afrique. Les plaies des guerres ethniques et de conflits de frontières sur fonds d'intérêts très souvent mafieux ne se sont pas encore refermées que le continent est frappé par un nouveau type de crise d'ordre social avec, en filigrane, toute la problématique de la transition vers la démocratie. Les violences qui secouent le Cameroun et le Burkina Faso, après le Kenya, sont l'expression d'un ras-le-bol généralisé des conditions de vie précaires mais aussi de malaise politique. Au Cameroun, l'augmentation du prix de l'essence a mis le feu aux poudres. Bilan : au moins 17 morts en une semaine. Au Burkina Faso, la hausse des prix a également jeté des milliers de jeunes dans la rue. Ailleurs, la situation est également électrique du fait de renchérissement des produits de première nécessité et de l'incapacité des Etats à contenir le double effet de la mondialisation et de l'abandon par ces derniers de leur rôle de régulateur. Dans tous les pays africains, la flambée des prix n'est que le facteur aggravant de malaises politiques. Les protestations pleuvent et sont renforcées par l'essoufflement de régimes qui non seulement ont failli dans leur engagement à éradiquer la pauvreté mais persistent à demeurer en place, quitte à violer la démocratie même dans ses règles procédurières. La “bonne gouvernance” que l'Union africaine a inscrite sur son fronton, pour marquer sa rupture avec l'OUA, devenue un simple syndicat de chefs d'Etat, reste une vue de l'esprit. Sékou Mohamed Diakité, responsable du Conseil national des organisations de la société civile en Guinée, résume bien la problématique à l'Agence de presse française : les populations africaines sont aussi victimes de la mal gouvernance, notamment de la corruption et de la gestion calamiteuse des richesses et revenus nationaux. “Sans réajustement des salaires des travailleurs, le clash est inévitable”, conclut-il. C'est que même dans les pays qui ont enregistré de la croissance, comme au Kenya, le partage des richesses est resté, lui, inéquitable. Pour rester dans l'exemple de ce pays phare de l'Afrique de l'Est, l'explosion sociale a eu lieu en dépit d'indicateurs macro-économiques au vert, les populations des bidonvilles et du pays profond n'ayant pas profité de l'embellie. Et la réélection, contestée par l'opposition, du président Kibaki, s'est vite transformée en crise politique grave avec un millier de morts et plus d'un million de déplacés fuyant les violences qui ont pris des allures génocidaires. Il aura fallu la médiation de Koffi Annan mais surtout les pressions de Washington pour que Kibaki accepte de partager le pouvoir avec l'opposition qui a remporté les législatives. Au Cameroun, le président Paul Biya, en place depuis 1982, tente actuellement de faire passer une révision constitutionnelle pour pouvoir se représenter en 2011. Les manifestations contre la vie chère sont de plus en plus dirigées contre sa volonté de ne pas lâcher le fauteuil. Les Camerounais ont compris qu'ils pouvaient, sans se concerter, provoquer des soulèvements qui déstabilisent le régime en place. Au Burkina, ce sont les mêmes ingrédients et probablement le même scénario en perspective. Les populations rejettent le système Blaise Compaoré bien que celui-ci remporte chaque fois les élections. Ici, comme partout ailleurs en Afrique, le pouvoir, qui n'a pas laissé se construire d'autre alternative à la sienne, abuse de moyens de l'Etat pour perdurer. Dans les pays où existe une forme de vie politique, celle-ci est en général factice, sans aucune prise. Tant et si bien qu'au Sénégal, l'opposition a choisi de boycotter les élections législatives en 2007. En Côte d'Ivoire, où la situation est émaillée de violences, la vie politique est chaotique. La promesse du président d'organiser une compétition démocratique reste une vague promesse. La caricature est le Zimbabwe dont le président Mugabe s'apprête à rempiler pour un autre mandat le 29 mars. En dépit des craintes exprimées par l'opposition, la Communauté de développement d'Afrique (SADC, Afrique australe) vient d'assener que les élections zimbabwéennes seront libres et équitables ! Robert Mugabe, dont la réélection en 2002 a été qualifiée de frauduleuse, brigue à 84 ans un sixième mandat, bien qu'il soit accusé d'avoir ruiné son pays L'inflation dépasse tout entendement, à plus de 100 000% en janvier, l'espérance de vie a chuté en dessous de 36 ans. Le PIB a chuté de 30% en huit ans. L'Afrique est sur une poudrière. Les plus pauvres et ceux qui les rejoignent n'ont rien à perdre, la violence est leur dernier moyen de s'exprimer. La jeunesse africaine pourrait supporter la situation si ses perspectives étaient meilleures. Ce qui n'est pas le cas. D. Bouatta