L'Afrique se porte vraiment mal et, apparemment, rien n'y fait. Ni les résolutions de sa toute nouvelle organisation, ni les exhortations de la communauté internationale, ni même les interventions étrangères. Comme un radeau ivre, le continent est travaillé par toutes sortes de conflits : instabilités politiques, violences ethniques, mutineries et putschs militaires, ingérences extra-nationales, guerres de frontières, milices financées par des multinationales et activités de seigneurs de guerre (pour compte d'autrui ou leur propre compte). Persuadés que le pouvoir est au bout du fusil, ces multiples protagonistes ont même inventé ces soldats enfants pour qui kalachnikov ou RPG sont de simples jouets. Au Libéria et au Sierra Leone, des gamins sont dressés pour semer la terreur et tuer par plaisir. Jamais, on aurait imaginé que l'Afrique irait aussi loin et aussi vite dans la déchéance. Pourtant, que n'a-t-on tenté pour essayer d'en désamorcer l'engrenage. Les dirigeants africains ont pensé faire sortir l'OUA de son immobilisme en la remplaçant par l'UA, oubliant que l'esprit de l'UE est un processus qui s'est fondé non pas sur le volontarisme et des résolutions de sommet mais sur des règles démocratiques. La communauté internationale, de son côté, a initié de multiples démarches pour essayer d'arrêter la descente aux enfers des peuples africains, sans qu'elles aboutissent. Les missions africaines ou extra-africaines pour tenter de sortir les dialogues politiques africains de l'impasse finissent très souvent à la trappe. Les forces d'interposition ne servent pas à grand-chose et l'on se demande à quoi servirait la force africaine que la France veut organiser avec l'approbation de ses partenaires africains du club France-Afrique, la bénédiction des Américains, le soutien du G8 et de l'ONU. Paris, tirant les leçons de sa toute récente expédition en Côte-d'Ivoire, a créé une force d'intervention d'urgence européenne pour ne plus souffrir d'accusations néo-coloniales. Les parachutistes français dépêchés à l'Ituri, région du nord-est de la république du Congo où sont rassemblés tous les ingrédients du chaos africain (carnages fratricides, génocides ethniques, viols collectifs, pillages, exodes, famines, épidémies et responsabilités des Etats voisins) ont beau porter un brassard de l'UE, aux yeux des africains, l'action de la France reste toujours soupçonnée. Et puis qu'attendre vraiment des forces européennes, quand on sait que la Monuc (mission des nations unies) a jeté le gant, non pas faute de mandat clair, mais devant la division de tous les acteurs régionaux. L'Ituri, comme le reste du congo, est truffé de minerais recherchés que convoitent également ses voisins. Comme pour accréditer cette fatalité qui frappe le continent, la Mauritanie vient de subir un sérieux coup de butoir : le président Ould Taya a fait l'objet d'une tentative de putsch. Candidat à sa propre succession aux présidentielles de novembre, il est accusé par son opposition de maintenir un pouvoir répressif. Ould Taya est pris à partie par des islamistes et des baathistes mauritaniens qui lui reprochent son ouverture occidentale et l'établissement de relations diplomatiques avec Israël. Près de la moitié des mauritaniens vivent au-dessous du seuil de pauvreté. Cette situation est, en elle-même, le catalyseur même de la crise qui affecte le pays. Ceci est valable pour toute l'Afrique. Le Nepad qui prend part à tous les forums de riches a identifié tous les maux africains, traçant même un plan d'action au Canada (2002). Mais, pour l'heure, cela ne reste qu'un plan et une justification aux voyages pour ses concepteurs. Pour forcer les grandes puissances, il faut que les dirigeants africains s'appliquent à eux-mêmes ces principes de bonne gourvernance et de respect des droits de l'homme qu'ils louent en face d'étrangers. D. B.