Avant-hier, El Khabar avait rendu publique l'instruction interministérielle réglementant l'application des articles 39, 40 et 42 de la loi du chahid et du moudjahid, qui traite aussi de leurs ayants droit. En fait, le texte d'application n'inspirait pas plus de commentaire que d'habitude. Difficile d'ailleurs de démêler la part de légitimité, de l'opération clientéliste et de la culture de prébende dans ce genre de mesures. Et puis cela aurait manqué d'à-propos que de commenter une directive traduisant une loi en vigueur depuis neuf ans. À moins que ce ne soit la publication médiatique de l'instruction qui est en retard. Et puis la fusion du système de dédommagement et de reconnaissance de la nation envers les veuves de chouhada et leurs ayants droit, les moudjahidine et leur descendance, dans une même loi rendait difficile de faire la part des choses entre ce qui se justifie, moralement et socialement, et ce qui relève de l'allocation politique des ressources. Il n'est d'ailleurs pas impossible que la concomitance fût sciemment prévue pour empêcher une claire lecture des différentes mesures décidées à l'avantage de ce qu'il est convenu d'appeler “la famille révolutionnaire”. Mais quand hier, à l'ouverture du congrès de l'Organisation nationale des enfants des moudjahidine (Onem), son secrétaire général a appelé “à l'unité entre les enfants de moudjahidine, afin de donner l'exemple de sacrifices (au pluriel) et d'amour pour le pays”, il nous a renvoyés à cet ordre d'application de la loi 99-07. Bien sûr, on pourrait s'étonner que le pays en soit encore à spéculer sur la manière de payer la dette de son émancipation à ses libérateurs. N'a-t-il pas eu tout le temps d'organiser sa reconnaissance en près d'un demi-siècle de souveraineté ? Même si l'on peut se poser la question sur l'insuffisance des pensions, licences, agréments et priorités octroyés et sans cesse renouvelés à ces catégories de citoyens, il n'est pas question ici d'épiloguer sur les histoires de retraite avancée de sept ans ou d'échelons supplémentaires pour les fonctionnaires d'entre eux prévus par l'instruction en question… En la matière, il y a mieux : les “nommés par décret” qui peuvent prétendre à la retraite à 100% indexée après dix ans d'activité sous le statut du décret ! La famille révolutionnaire n'est pas plus choyée que la famille des cadres “nommés” ! Le plus frappant parmi ces mesures, c'est la dispense de concours et d'examens de promotions dans la Fonction publique. Cet avantage ne vaut plus tellement pour les fils de chahid, logiquement parvenus en fin de carrière, pour ceux qui ne sont pas encore à la retraite, mais vaut surtout pour les fils de moudjahidine. Et pour longtemps puisqu'il en naît certainement encore. Le législateur a peut-être trouvé quelque rationalité à cette étrange dérogation, mais elle reste anachronique dans ce qu'elle signifie : la possibilité, pour un ayant droit, d'occuper une fonction sans avoir à prouver une meilleure qualification que ses concurrents. À ce propos, et si l'Onem, profitant de son congrès, se prenait au mot et fera un sacrifice identifiable ? Celui de renoncer à cette prime à l'incompétence qu'on veut offrir à ses membres. Juste pour mériter, en plus de leurs privilèges sociaux, leurs positions professionnelles. M. H. [email protected]