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Une huitième édition au-delà des espérances
Publié dans La Nouvelle République le 27 - 09 - 2011

L'immense casbah de Taourirt Amokrane, nichée dans les monts de Larbaâ Nath-Irathen, qui font face à la majestueuse chaîne du Djurdjura a tremblé sous les escouades de chevaux venus de l'Ouest faire une fantasia fantastique au sein du stade de Larbâa Nat Irathen.
Les lieux ont gardé en mémoire ces formidables amazones, cavalières altières qui ont bouté le Turc hors de ces terres sacrées. Mais les galops ne se ressemblaient pas tous du 9 au 16 juillet dernier lors de la huitième édition du festival itinérant Raconte-Arts dédié cette année à l'un de ses fondateurs, Salah Silem, intitulé « Awal Imezwura- Awali Uzekka », (Ecouter la voix des ancêtres, éclairer la voix de l'avenir). L'aventure Raconte-Arts organisé par la Lacd, (Ligue des arts cinématographiques et dramatiques). Cette fête annuelle devient par la force des choses un événement attendu par la plupart des protagonistes et des villageois du cru des montagnes. L'alchimie est claire et précise, soit un animateur culturel chevronné, nous avons nommé : el Hacène Metref. Il s'inspire de ses pérégrinations dans les contrées les plus reculées et les plus riches en événements culturels, la force de l'expérience faisant le reste. Ce cadre de la jeunesse réalise chaque année son exploit à la Sisyphe de renouveler dans un nouveau village l'aventure culturelle. C'était au début, il y a plus de vingt ans, une désormais mythique fête de la poterie qui avait marqué les esprits. Et puis il y a huit ans un festival qui sort des sentiers battus, « Raconte-Arts » qui réunit dans une contrée accueillante tout ce qui compte comme baladins, raconteurs, artistes lyriques, marionnettistes, chanteurs, clowns, sociologues, artistes plasticiens, cinéastes, gens de théâtre, artisans, écrivains, collectionneurs…tous réunis dans un esprit spécifique de baladins et de saltimbanques venus d'ici et d'ailleurs. Pour cette fois, El-Hacène Metref a réuni autour d'un programme chargé un aréopage de personnages hauts en couleur, entre théâtre, contes, projections de films et expositions diverses, il organise en compagnie du comité de village de Taourirt-Amokrane et d'un ensemble d'opérateurs et d'associations culturelles d'Algérie et d'ailleurs un événement qui, nous ne savons par quel miracle, fonctionne. En effet, difficile dans une conjoncture où la culture reste malgré tout la dernière roue de la charrette, où les subventions tombent au goutte-à-goutte comme cette eau si chère du robinet. Vaille que vaille, à force de quêtes villageoises, de dons de particuliers, d'aides officielles malingres et de bonne volonté, la session annuelle passe par plusieurs villages pour assurer la bonne parole et le spectacle. Voilà déjà huit ans que cela dure. Cette fois, l'ombre tutélaire de Denis Martinez s'est frottée à celle de Dda Mohand, mémoire de cette immense colline méandreuse qu'est Taourirt Amokrane, adossée aux monts de Larbaâ Nath-Irathen pour un duo de mots et d'images juste en face de la Tajmaât de ce village insolite aux pavés immémoriaux et pour lequel des femmes farouches se sont défendues contre l'occupant. Les lieux parlent d'eux-mêmes et les secrètes arcatures de ce village mystérieux ne cessent encore de raconter les plus belles histoires. Pour cette fois, Taourirt a bien voulu se faire envahir par cette joyeuse troupe qui s'est emparée de la place et des murs entiers pour décliner dans les plus belles pages quelques histoires épiques dont seuls les artistes savent se faire les magiciens. Entre Martinez et ses envolées poétiques, lancées sur de curieuses pistes écrites dans une quête sans cesse renouvelée et Aïni Iften, superbe conteuse au langage bigarré, clown aux multiples facettes qui fait rire les grands et petits dans un allant empathique génial. Keltoum Staâli, écrivaine journaliste, qui manie le mot et le verbe, accompagnant ces joutes délicates, H'mimiche, clown enjoué découvrant les lieux avec passion, Jorus Mabiala, apportant des notes de musique et de couleurs, chantant et dansant dans toutes les petites ruelles secrètes. Rabah Inasliyen, pour de longues soirées musicales, Idir Ath-El Hadj, mêlant les notes les plus cristallines à un medley musical de bon aloi. Les conteuses, Cristina Alvarez, Lluba Scudieri, le tout dans des déambulations nocturnes à la bougie. Des hommages du comédien Menad Embarek pour des virées sensationnelles dans l'univers secret de Si Mohand U Mhand, des ateliers hétéroclites de masques et autres objets artistiques, avec cet étrange médecin devenu une sorte de Gepetto subtil, le visage enfoncé dans son inspiration et faisant des masques hyper-colorés pour le plus grand plaisir de ce qu'il fut, enfant, quand il s'appelait encore Samir Ousmer, avec une femme poétesse au nom de fleur délicieuse animatrice d'un dazibao charmant décliné en mots divers avec une abeille butineuse de vers, en l'occurrence Doudouche. On s'est souvent demandé ce qui faisait marcher cette insolite cour des miracles, des gens habitués à arpenter les monts et les vallées de ces villages enfouis dans la solitude et qui s'ouvrent alors en corolles pour accueillir la fête. Et un ensemble de personnages hauts en couleur, peu habituels de ces lieux farouches. Pourtant le spectacle continue, Bahaz et son diwan de Blida, tournant et virevoltant par ses énergies g'nawies. Des rappeurs de Timimoun, des anciens étudiants de l'Ecole des beaux-arts d'Azazga, une belle artiste venue de quelques villages voisins, la belle Dassine au prénom de princesse targuie, et la grâce incarnée en Célia Ould-Mohand jouant au violon plusieurs milliers de mètres d'altitude devant une assemblée de gosses conquis. Djillali Defali, bédéiste starifié, faisant ses dédicaces sur quelques marches de la Tajmaât, Djamel Mati faisant face à une assemblée d'irréductibles lecteurs. Oui, voilà une aventure qui fait appel à des centaines d'âmes joyeuses. Que dire du rire de Michel Terral, de Fleur jouant avec le feu et des gens masqués pour un « Ayred » hors du temps (carnaval séculier propre à la culture tmazight). Ils sont effectivement plus d'une centaine à arpenter ces sentiers abrupts d'une culture sauvageonne mais apprivoisée par les autres. Il suffit de voir ce rebelle de Slim Ray, artiste polyvalent, raconter ses épiques pérégrinations de mots et de couleurs. Ils sont des centaines du village, de la ville, d'outre-mer à venir se rencontrer dans une atmosphère vivace, enjouée, toute en contamination positive. Les étincelles ont été porteuses de bonheur, et un travail d'échange culturel immense initié. La culture c'est aussi cela, emmener de la proximité là où le besoin se fait sentir. Que demander de plus? Que la neuvième session puisse se faire, le reste n'est que question d'alchimie…

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