Cela fait des années que la population de la wilaya de Annaba n'a pas vu la neige. D'où, samedi et dimanche, la ruée de milliers de personnes des deux sexes et de tout âge sur les hauteurs de l'Edough, recouvert d'un manteau blanc qui lui sied si bien. Un blanc cotonneux qu'il a perdu au fil du phénomène du réchauffement climatique ces dernières années. Tant et si bien que petits et grands désespéraient de voir les monts de l'Edough avec sa capitale Seraïdi enneigés. Désespéraient aussi de sentir le vent d'un froid glacial souffler dans les oreilles des habitants de la ville de Annaba. Jusqu'à dimanche, jour du Mouloud Enabaoui, événement religieux fêté dans la piété et la ferveur, pluie, neige et vent froid violent n'ont pas cessé. Un temps qui a incité les responsables de l'action sociale et les associations caritatives de Annaba à faire la tournée des lieux occupés par les sans-domicile fixe pour leur prise en charge dans des lieux chauds et pour leur restauration. Un temps véritablement hivernal qui ne semble pas avoir dissuadé la population de Annaba de se déplacer sur Seraïdi pour goûter au plaisir qu'offre la neige. Dépassé les 200 mètres de hauteur par rapport au niveau de la mer, c'est-à-dire un peu plus loin que Makkam Echahid, la poudreuse est là, bien présente. Il n'y a qu'à se baisser pour charger le capot de chaque véhicule ou, en ce qui concerne les enfants en bas âge bien emmitouflés, confectionner un bonhomme de neige avec autour du cou, le châle de maman et le béret de papa. Cette ambiance n'est pas faite pour permettre aux agents de la commune de Seraïdi, appuyés des moyens humains et matériels de l'armée, de la Protection civile et des communes avoisinantes (El Bouni-Annaba), d'apporter leur concours. Tous devaient coordonner leurs actions pour dégager la route et briser l'isolement dans lequel vivent depuis 48 heures les habitants de Séraïdi et Aïn Barbar. Rien n'y fit. Même les appels des élus de l'APC de Séraïdi invitant les visiteurs à ne pas utiliser leurs voitures et à emprunter le téléphérique sont restés vains. C'est par des centaines de véhicules et des milliers de femmes, d'hommes et d'enfants que la route de Seraïdi a été bloquée. Des niveleuses et autres engins ont été utilisés pour dégager la route mais en vain, car gênés par le stationnement anarchique des deux côtés et même au beau milieu de la chaussée par des véhicules abandonnés par leurs conducteurs partis à la conquête de la neige. Face à ce qui ressemblait à un déferlement de personnes, les éléments de la Gendarmerie nationale, apparemment pris par l'euphorie populaire et le bonheur visible sur le visage des enfants, ont fermé l'œil. La même ambiance est relevée sur l'autre voie d'accès de Seraïdi. Il s'agit de celle Chetaïbi/Séraïdi où la neige s'est installée sur les hauteurs pour remplacer le vert du maquis par le manteau blanc de la neige. Cependant, tout un chacun restait à l'écoute de ce qui se passait du côté des plages les Sables d'or de Chétaïbi où jusqu'à hier après midi, la Protection civile, aidée par la marine nationale, les gardes-côtes et l'armée, n'est pas arrivée à sauver 3 pêcheurs. Ils étaient bloqués depuis vendredi soir sur un rocher à plus de 100 m de la côte. Ils s'y étaient rendus pour s'adonner à leur loisir favori : la pêche à la ligne. N'ayant pas préalablement pris connaissance de la teneur du bulletin météo spécial émis annonçant une forte intempérie avec d'importantes chutes de neige, de pluie et vents violents, ces 3 pêcheurs avaient été pris au piège sur un rocher par une mer en furie. Ils avaient été transportés par le propriétaire d'une barque. Ce dernier avait été sollicité par les «naufragés» par téléphone portable à l'effet de revenir pour les ramener sur la terre ferme. Face à cette mission pratiquement impossible car hautement périlleuse face à une mer très menaçante, le 4e pêcheur a préféré alerter la gendarmerie de Chetaïbi. Depuis la nuit de samedi à dimanche donc, tous les moyens humains et matériels ont été utilisés par la Protection civile avec ses hommes grenouilles et la marine nationale pour tenter de les sauver. Vainement puisque jusqu'à l'heure où nous mettons sous presse, l'opération de sauvetage se poursuit. Vents violents et très mauvaise visibilité aidant, la tentative d'un sauvetage par hélicoptère a été écartée. Bien que la radio locale Annaba FM multiplie les appels à la prudence et aux automobilistes de ne pas se rendre sur les hauteurs de Séraïdi, le rush s'est poursuivi. Il faut dire que 40 cm d'épaisseur de neige, c'est du rarement vu depuis l'indépendance même si en 2005, l'espace d'un jour, les hauteurs de l'Edough avaient été couvertes d'une fine couche de neige. Ce qui avait entraîné une même ambiance de déferlement de milliers de citoyens pour la photo souvenir sur la poudreuse.