Zlatan Ibrahimovic (AC Milan) et Lionel Messi (FC Barcelone) se présentent tous deux dans une forme éblouissante pour leur nouveau duel intergalactique, ce soir, lors du plus attendu des quarts de finale aller de la Ligue des champions. Ibra et Leo, c'est Rimbaud et Verlaine ou les Beatles et les Rolling Stones, l'émulation vertueuse de la concurrence entre d'immenses artistes. Messi est le meilleur, mais le Suédois cette saison est à son sommet. Qui réussira le plus de gestes de grâce à San Siro ? Les deux cultivent des styles très différents. D'un côté, Zlatan, joueur puissant physiquement avec des fulgurances de danseuse, au caractère trempé (on l'appelle «Ibrascible» en Italie), de l'autre, Messi, magicien du ballon respirant la joie de dribbler, et jouant la Ligue des champions comme un enfant disputerait un match dans une cour d'école. Coéquipiers en 2009-2010, ils se sont déjà croisés cette saison en phase de poules, au retour (à l'aller, Ibra était blessé). Le Suédois avait marqué un joli but, l'Argentin un penalty, mais c'est le Barça qui s'était imposé (3-2) dans un match de prestige – les deux étaient déjà qualifiés – et de très haut niveau, prometteur pour aujourd'hui. Ibra à maturité L'avant-match avait été épicé par la biographie de Zlatan. Il y écornait le Barça, où il a passé un an, et traitait Messi de trop gentil petit garçon. Plus de polémique cette fois-ci. Mais Ibra répète souvent : «Je me sens le numéro un». Il est bien plus extraverti que l'Argentin, et le dit sûrement pour se motiver, mais il est incontestablement le meilleur en Italie. A 30 ans, il semble arriver à maturité. Il marque encore plus qu'avant (31 buts cette saison toutes compétitions confondues), et son jeu s'est étoffé. Ibra est devenu passeur, altruiste, fort de son rôle de quasi meneur de jeu avec l'équipe de Suède, et a contribué à l'explosion d'Antonio Nocerino cette saison, buteur à répétition sur ses passes décisives. Comme Messi, il sublime son équipe au point qu'on parle d'«Ibra-dépendance» du Milan. Mais il a une fragilité que l'Argentin n'a pas : il peut «péter les plombs», comme le prouvent ses trois cartons rouges en un an pour insultes à l'arbitre ou mauvais geste. Les palmarès des deux génies n'ont pas le même clinquant, à cause des trois Ligues des champions de Messi, alors qu'Ibrahimovic court toujours après une première C1. Il a joué au Barça la seule des trois dernières saisons où il n'a pas été champion d'Europe ! Mais il jure que la coupe aux grandes oreilles «n'est plus une obsession». Messi, le Jordan du football Et si impressionnants soient les chiffres du géant suédois, ils semblent des décimales comparés à ceux du petit Argentin. Buteur lors des huit derniers matchs, la «Pulga» (la puce) saute de record en record. Auteur de 235 buts sous le maillot «blaugrana», devant César Rodriguez, attaquant des années 1940-1950, Messi est le meilleur buteur de l'histoire du club, à 24 ans ! Intronisé nouveau César du Barça, l'Argentin a aussi détrôné le «Fenomeno», le Brésilien Ronaldo, qui avait réussi 34 buts en une saison de Liga au Barça. Messi totalise désormais 35 réalisations, comme le Madrilène Cristiano Ronaldo, avec qui Messi se livre un mano a mano farouche. En Ligue des champions enfin, où le feu follet argentin évolue comme dans son jardin, Messi a aussi laissé son empreinte en devenant le seul joueur de la compétition à marquer un quintuplé lors du huitième de finale retour face au Bayer Leverkusen (7-1). Son entraîneur Josep Guardiola le compare au mythe du basket-ball Michael Jordan : «Jordan dominait le basket et Messi domine le football. Il y en a peu comme eux qui ont dominé avec autant de facilité leur sport». Mais le fier Ibra ne part pas battu d'avance.