L'horreur a été poussée à son paroxysme le 8 mai 1945, d'après les témoins oculaires qui se sont exprimés plusieurs années après. Sassi Benhamla, président de l'Association du 8 Mai 1945 de Guelma, est parmi ceux qui ont été formels quand ils avaient témoigné de l'horreur. Pour lui, le colonialisme avait poussé sa machine de répression à ses extrêmes, durant les deux premières semaines de mois de mai 1945 dans la région de Guelma. Cet ancien militant du Parti du peuple algérien (PPA) raconte dans ce récit comment des cadavres d'Algériens durent jetés dans les fours de chaux à la veille de la venue de la commission dite Tubert. «Dès l'annonce de la constitution de la commission d'enquête, présidée par le général Tubert, les milices et les services de sécurité se sont attelés à dissimuler des cadavres en les jetant dans des fours à chaux», a d'emblée indiqué le président de l'Association du 8 Mai 1945. «Les historiens doivent savoir que les villes et villages martyrisés par le colonisateur durant les massacres du 8 mai 1945, avaient vécu ces évènements différemment, à cause de l'absence de liaisons entre eux», a encore souligné ce témoin des évènements de Guelma. C'est ainsi que Benhamla, premier responsable de la cellule du Parti du peuple algérien (PPA) à Guelma, a illustré son propos à partir de ce qu'il avait vécu dans sa ville natale, en endossant la responsabilité de ces crimes au sous-préfet André Achiary, en poste, à cette époque, dans cette localité. C'est dans ce contexte que Benhamla, un militant infatigable de la vérité sur les massacres du 8 mai 1945 qui, malgré son âge avancé et sa maladie, continue à dénoncer ce crime que la colonisation cherche à occulter, a expliqué que tout a commencé quand, à la veille de la fête du 1er Mai, le sanguinaire Achiary interpella, par le biais des services de sécurité, les dirigeants du PPA de Guelma pour leur signifier qu'il leur était interdit d'organiser tous. Seule une marche pour fêter la fin de la Seconde Guerre mondiale, en parallèle à la marche prévue par les officiels. Et de préciser : «Nous ignorions à ce moment-là que la police avait tiré sur les manifestants du 1er mai à Alger.» Dans son récit, Benhamla situe le début des provocations d'Achiary, un sous-préfet inconditionnel de la colonisation, lorsqu'il avait précédé à l'arrestation de Abdelmalek Ouartsi, responsable à Guelma du PPA et des Amis du manifeste pour les libertés (AML). Agissant sous la couverture des AML, raconte encore Benhamla, un rescapé des massacres du 8 mai 1945, le PPA était en réalité le principal organisateur des manifestations du 1er mai à Guelma. Il y avait comme une odeur de poudre en l'air, selon ce témoin, car selon ses précisions, Archiary avait commencé à armer les ultras (milices civiles) dès le 16 avril 1945. La répression sanglante commença à Guelma dès le 8 mai 1945 à 16 heures, se rappelle Benhamla. Le crime était préparé, depuis au moins un mois, selon le témoignage de ce militant de Guelma du PPA. Les gendarmes armés se tenaient déjà devant les manifestants, agissant sous les ordres d'Achiary qui se tenait derrière eux. La première victime fut le martyr Boumaza qu'une balle atteignit, dès les premiers coups de feu. La suite est connue : des milliers de morts. Une véritable boucherie perpétrée sous les ordres du sinistre Achiary. Les colons continuaient à semer la mort, au-delà du 8 mai 1945. Benhamla raconte que dès le début de la deuxième semaine du mois de mai, les autorités coloniales distribuèrent des armes dans les casernes militaires. Le 10 mai, selon lui, neuf personnes furent froidement exécutées dans la caserne, parmi eux le fils du kadi de la ville qui fut fusillé devant son père. Benhamla garde l'image d'un enseignant ultra qui fut d'une sauvagerie inouie, raconte-il. Il fut derrière les exécutions sommaires d'Algériens venus de plusieurs régions en plein ville de Guelma. Cet enseignant sanguinaire opérait, selon Sassi, en faisant exécuter des Algériens qu'il avait auparavant listés. Dans son œuvre macabre, il prenait le soin de mettre sur sa liste macabre les noms de ses anciens élèves. A partir du 11 mai, Guelma était un véritable terrain de chasse à l'homme. Benhamla raconte que les milices avaient d'abord libéré les prisonniers et fait sortir les malades des hôpitaux avant de les exécuter en plein ville. Ce fut une boucherie indescriptible, se souvint encore l'un des derniers témoins du massacre de Guelma. Il se rappelle également la carrière de pierre, appelée carrière Tive. C'est là que les milices acheminaient des Algériens arrêtés dans les localités, villages et douars environnants, et les achevaient froidement. Les dépouilles étaient jetées dans des fosses profondes avant qu'elles ne soient brûlées. Les habitants de Guelma sentaient l'odeur de la chair brûlée, se remémore encore ce témoin de l'horreur perpétré par le colonialisme contre des civils sans armes à Guelma quelque temps seulement après la libération de Paris de l'occupation nazie.L'imagination meurtrière des milices sanguinaires fut poussée jusqu'à son paroxysme quand elles décidèrent de mettre les cadavres dans des fours à chaux du fameux Djebel El-Boumba. Elles cherchaient, raconte Benhamla, à dissimuler les traces de leur ignoble crime, à la veille de la venue de la mission d'enquête à Guelma (commission Tubert). Près de 12 000 Algériens furent froidement exécutés à Guelma, lors de ces évènements qui ensanglantèrent l'Algérie. Ces massacres furent aussi le véritable déclencheur d'une colère qui s'étendra sur l'ensemble du territoire national. Ce fut le 1er novembre 1954, une révolution populaire pour l'indépendance, au cours de laquelle Guelma la martyre fut une haute place du combat libérateur du peuple algérien.