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Une illustration du cancer de l'économie de la rente (II)
Publié dans La Nouvelle République le 23 - 09 - 2012

Sonatrach fait vivre la majorité de la société algérienne : 98 % d'exportation et 70 à 75% d'importation des besoins des entreprises publiques et privées, ainsi que les besoins des ménages et une dépense publique estimée entre 2004 et 2014 à plus de 500 milliards de dollars dont une grande fraction en devises. Grâce à l'aisance financière générée par les hydrocarbures, le gouvernement, au nom de la paix sociale, généralise les subventions, objet de la présente contribution, sujet rarement abordé alors qu'il constitue une donnée stratégique pour l'avenir du pays.
Les subventions de la santé et du transport Pour le système de santé, les subventions supportées par l'Etat sont importantes. En effet, une hospitalisation coûte entre 7.000 et 12.000 DA par jour selon les administrations des structures sanitaires. Un montant qui couvre l'intervention, les examens et les IRM. Le patient paye 100 DA pour une hospitalisation et 50 DA pour une visite médicale dans un CHU, un dispensaire ou un centre sanitaire. Le coût d'une hospitalisation dans le secteur privé varie entre 15.000 et 20.000 DA par jour, celui d'un accouchement entre 35.000 et 40.000 DA et 70.000 DA et plus pour une césarienne. Le montant est largement supérieur pour des interventions pointues fluctuant entre 150.000 et plus de 500.000 dinars. Pour le transport, il n'y pas uniformité devant distinguer le transport par rail subventionné des autres moyens de transport. Dans une déclaration à l'APS le 18 janvier 2010, les subventions de l'Etat au profit de la Société nationale des transports ferroviaires (SNTF) sont passées de 2,5 à 8,5 milliards de dinars, mais, en dépit de ce soutien, le déficit global de l'entreprise se situe à 47 milliards de dinars, selon le directeur général de cette entreprise frappée par les effets pervers de la crise économique en ce sens que ses clients potentiels, ArcelorMittal et Ferphos, ont connu des chutes de leurs exportations se répercutant directement sur les recettes de l'entreprise. Pour Air Algérie, les tarifs appliqués à destination de Paris ont oscillé entre 243 et 353 euros pour la classe économique alors que le même billet pour la même destination à partir de Rabat sur la compagnie Royal Air Maroc, est de 187 à 248 euros. Pour les autres compagnies aériennes comme Air France, Aigle Azur et Iberia, le billet Rabat-Paris varie entre 287 et 314 euros. Pour le transport routier de voyageurs, on assiste à des conflits permanents du fait du bas tarif et de la confusion de l'interprétation de l'ordonnance 95-06 et du décret 96-39 où l'un parle d'une limitation à 0,25 centimes/km pour un service de ramassage et l'autre affirme que tous les tarifs sont libres et soumis à la concurrence sauf ceux spécifiques et stratégiques, ce qui revient à dire que les subventions sont supportés indirectement et en partie par les transporteurs privés. Selon l'Organisation nationale des travailleurs algériens (ONTA), l'augmentation demandée n'excède pas 2,6 dinars par kilomètres, en rappelant que la dernière révision de la hausse des prix des transports remonte à 1996. Les subventions pour le soutien à l'emploi Les subventions s'appliquent également au logement social où le prix du mètre carré dans les grandes agglomérations varie de 40.000 à 300.000 DA, non supportés par les bénéficiaires, ce qui occasionne un transfert de rente. Un logement social revient à l'Etat, selon l'endroit, entre 3 et 4 millions de dinars, le terrain inclus. Pour les 100.000 logements sociaux qui ont été programmées pour 2012, l'Etat devrait supporter, selon certains experts, 30 milliards de dinars. Quant au logement promotionnel aidé d'un prix réel de 6 millions de dinars, l'Etat le cède à environ 3 millions. Pour l'aide à l'emploi où l'entreprise qui recrute bénéficie d'importantes facilités financières et fiscales, d'importants abattements sur la cotisation à la Sécurité sociale à leur charge, soit l'équivalent de 25 % de l'assiette globale de cotisation. A titre d'exemple, pour un salaire de 15.000 DA, l'employeur ne contribue qu'à hauteur de 21 %, soit 3.000 DA seulement et 12.000 DA sont pris en charge par le Trésor public. Pour financer la retraite, l'employeur cotise à raison de 10 % et le salarié 6,75 %, soit un total de 17,25 %, 82,75 % étant financés par l'Etat. Les assurances sociales, notamment celles relatives à la maladie, à la maternité, à l'invalidité et au décès, sont couverts par l'Etat pour un total de 86 %, sachant que les 14 % restants sont assumés par les cotisations versées par l'employeur (12,5 %) et le salarié (1,5 %). Financées totalement sur le budget de l'Etat depuis 1995, les allocations familiales varient de 300 à 800 dinars par enfant. Enfin, la charge financière du transport, de la restauration et de l'hébergement des étudiants internes sans distinction se répercute sur la gestion des œuvres universitaires comme les frais de la carte d'abonnement annuel de transport universitaire d'un montant de 300 DA et le prix de la restauration, toujours fixé depuis les années 1970 à 1,20 DA le repas. Qu'en sera t-il avec plus de 2 millions d'étudiants à l'horizon 2015-2017 où, uniquement pour le repas, le prix réel dépasse 500 dinars. Cela concerne également les œuvres sociales des CEM et des lycées. Pour des subventions ciblées Les subventions généralisées faussent l'allocation rationnelle des ressources rares et ne permettent pas d'avoir une transparence des comptes, faussent les normes de gestion élémentaires et les prévisions tant au niveau micro que macro-économique, aboutissant au niveau des agrégats globaux (PIB, revenu national) à une cacophonie additionnant des prix du marché et des prix administrés. Elles découragent, car non ciblées, la production locale avec un gaspillage croissant des ressources financières du pays. Se pose alors cette question stratégique : qu'en sera-t-il après les trois années de dégrèvement tarifaire avec l'Europe à l'horizon 2020 et une éventuelle adhésion à l'OMC, les produits énergétiques étant également concernés notamment par la suppression de la dualité du prix du gaz ? Autre question stratégique : l'Algérie peut-elle continuer à fonctionner sur la base de 70 dollars pour le budget de fonctionnement et 40/45 dollars pour le budget d'équipement constitué en majorité par les infrastructures avec des surcoûts exorbitants qui ne sont qu'un moyen de développement, la véritable richesse provenant que des entreprises concurrentielles ? L'Etat pourrait ne pas avoir les moyens de continuer à subventionner certains produits alimentaires au cas où le baril descendrait en dessous de 80 dollars. L'instauration d'une chambre nationale de compensation indépendante permettant des subventions ciblées par un système de péréquation suppose un Etat régulateur fort, mais fort par sa moralité, des compétences, la ressource humaine richesse pérenne et la démocratisation des décisions. Cela implique forcément un réaménagement profond de la logique du pouvoir algérien reposant sur les forces sociales réformistes, le pouvoir actuel étant actuellement assis sur les couches rentières tissant des relations dialectiques avec la sphère informelle spéculative, dépensant sans compter pour une paix sociale fictive grâce aux hydrocarbures qui s'épuiseront dans 20 à 30 ans au moment où la population algérienne sera d'environ 50 millions d'habitants. En 2012, au moment où les pouvoirs publics s'enorgueillissent des 190 milliards de dollars de réserves de change au 1er septembre 2012, dont 83 % placées à l'étranger à un taux d'intérêt fixe de 3 %, un rendement presque nul corrigé par l'inflation mondiale, dépassera-t-on le statut quo actuel suicidaire et changera-t-on, entre-temps, de politique économique pour l'émergence d'une économie hors hydrocarbures et ce, pour le bien-être de l'Algérie et des générations futures, mettant fin au cancer de l'économie de la rente qui se diffuse dans la société par des subvention généralisées et des versements de traitements sans contreparties productives ? Face à la concentration excessive du revenu national au profit d'une minorité rentière renforçant le sentiment d'une profonde injustice sociale, l'austérité n'étant pas partagée, la majorité des Algériens veulent tous et immédiatement leur part de la rente, reflet du divorce Etat-citoyens, quitte à conduire l'Algérie au suicide collectif. Face à l'immoralité, l'Etat fait semblant de nous payer et nous, nous faisons semblant de travailler. Telle est la devise ! (Suite et fin)

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