L'objet de la présente contribution est de poser objectivement les liens entre la relative aisance financière à travers l'importance des réserves de change et le pouvoir d'achat des Algériens, analyse inséparable de la compréhension des mutations mondiales et de la régulation de l'économie locale. La quatrième raison est l'inflation importée. Mais la question qui se pose est de savoir pourquoi lorsque le taux d'inflation mondial allait vers zéro en 2009 cela n'a pas eu d'impacts ni aux producteurs ni aux consommateurs algériens. Le dérapage du dinar a gonflé artificiellement les recettes fiscales voilant l'importance du déficit budgétaire et gonflant le fonds de régulation des recettes calculées en dinar algérien, les taxes au niveau des douanes s'appliquant à un dinar dévalué ayant largement contribué à la hausse des prix au profit de couches rentières. Cette injustice sociale et la hausse des prix expliquent en partie les émeutes qui éclatent quotidiennement un peu partout en Algérie (9 000 contestations violentes enregistrées à travers le pays depuis janvier 2010, selon la mise au point de la DGSN en juin 2011 reprise par l'agence officielle APS) pouvant être annonciatrices d'une grave explosion sociale montrant le divorce Etat-citoyens du fait que tant les partis politiques dont d'ailleurs le FLN/RND/MSP avec tous leurs satellites n'ont enregistré que 13% des voix par rapport aux inscrits durant les dernières élections législatives et les 80 000 associations créées administrativement vivant du transfert de la rente, sont incapables d'encadrer et de mobiliser, laissant la confrontation directe forces de sécurité/citoyens. Aussi invoquer une évolution positive du revenu global entre 2000/2010 d'environ 31% (cela est incontestable du point de vue du chiffre global) comme le fait le ministre du Travail, c'est ignorer cette évidence, la concentration du revenu au profit d'une minorité, car un chiffre global a peu de signification, données que remettent en cause les déclarations du ministre de la Solidarité qui annonçait triomphalement une distribution de plus en plus élevée des couffins lors du dernier ramadhan -plus de 1,5 million de couffins auraient été distribués en 2011. Certes, le SNMG algérien est passé de 6.000 DA à 18 000 DA à octobre 2011, mais en dépit de cette augmentation, une interrogation s'impose : comment est-ce qu'un Algérien, qui vit au SNMG, 150 euros par mois au cours officiel, moins de 80 euros au cours du marché parallèle, soit entre 3/4 euros par jour, alors que le kilo de viande coûtait en juillet 2011 plus de 10 euros, fait face aux dépenses contraintes et incontournables (alimentation, transport, santé, éducation? 70% des salariés algériens perçoivent moins de 25.000 dinars nets, consacrant 80% de ce modeste revenu aux produits de première nécessité qui connaissent une hausse des prix continue. Cette dégradation du pouvoir d'achat est renforcée par la dévaluation cyclique du dinar. Il est admis maintenant par tous qu'une famille où un seul travaille avec 4/5 enfants à charge a besoin d'un revenu net minimum de 36.000 dinars. Hélas cela est impossible si l'on veut une dérive inflationniste généralisée qui pénaliserait les plus pauvres car source de concentration de revenus au profit des revenus variables. Pour l'instant l'inflation est comprimée transitoirement par des subventions toujours grâce aux hydrocarbures pour calmer le front social, source de gaspillage car mal gérés et mal ciblés, permettant d'ailleurs des fuites hors des frontières (Maroc, Tunisie, frontière saharienne) des produits de première nécessité du fait de la distorsion des prix. Pourtant, le constat sur le terrain est que jamais, entre 2007/2011, la concentration des revenus au profit d'une minorité de couches rentières aux dépens des producteurs de richesses, et la corruption n'ont été aussi importantes. Cela explique que certaines mesures gouvernementales de subventions et de discours sur l'austérité n'ont pas d'impact de mobilisation. Elles suscitent au contraire un rejet général où tous les segments de la société veulent une part de la rente des hydrocarbures immédiatement. Paradoxalement, la crise du logement (même marmite, mêmes charges) et des distributions de revenus sans création de valeur (bien que la destination des transferts sociaux, somme colossale 10% du PIB entre 2009/2011, ne concerne pas toujours les plus défavorisés) permettent à une famille de disposer de plusieurs revenus reportant dans le temps provisoirement les tensions sociales dans la mesure où toute nation ne distribue que ce qui a été préalablement produit si elle veut éviter le suicide collectif. 3.- Solution : dépasser le blocage d'ordre systémique L'Algérie exporte 98% d'hydrocarbures et importe 75% de ses besoins (ménages et entreprises) avec une participation des entreprises créatrices de richesses de moins de 20% au produit intérieur brut car le secteur BTPH étant lui-même irrigué par la dépense publique via les hydrocarbures et ce, malgré un dinar dévalué montrant que le blocage est d'ordre systémique. Les chiffres officiels sont fortement biaisés de 6% de valeur ajoutée hors hydrocarbures, du taux de chômage comme démontré précédemment, si l'on soustrait les sureffectifs dans les administrations et les entreprises publiques, les emplois fictifs et la sphère informelle et du taux d'inflation compressé artificiellement. Pour preuve, la facture des importations des produits alimentaires selon le Centre national de l'informatique et des statistiques des douanes (Cnis), en date du 24 juillet 2011, s'est élevée à 4,83 milliards de dollars pendant le premier semestre 2011, contre 3,02 milliards de dollars durant la même période en 2010, les achats ayant augmenté de plus de 99,61%. Où en est l'évaluation du programme de développement agricole qui a coûté au Trésor public des dizaines de milliards de dollars ? Une situation qui trouve son origine dans une ouverture économique qui s'est faite sur fond de rente pétrolière avec la facilité de tout acheter sur le marché international, y compris la ressource humaine étrangère du fait que le poste services est passé de 4 milliards de dollars à plus de 11 milliards de dollars entre 2010/2011, marginalisant l'élite locale, existant des liens dialectiques entre la logique rentière et l'extension de la sphère informelle spéculative, ce qui a plombé toute démarche tendant à dynamiser des secteurs à forte valeur ajoutée dans le cadre de la concurrence internationale et industrialiser le pays. Aussi, les ajustements futurs tant économiques que sociaux dans les très prochaines années (2015/2020), comme c'est le cas actuellement en Grèce, avec plus d'intensité pour l'Algérie, seront très douloureux avec des risques de tensions sociales vives, et il est temps de dire la vérité dans le cadre d'un sacrifice partagé supposant une lutte sans faille contre la corruption qui prend une dimension dangereuse. Plus on retarde les réformes, plus les ajustements seront plus douloureux car en économie le temps ne se rattrape jamais. D‘où l'importance d'un discours de vérité. Selon les experts avertis et sans démagogie, dans 16 ans pour le pétrole et 25 ans pour le gaz, tenant compte du nouveau modèle de consommation énergétique mondial qui se met en place progressivement, de la forte consommation intérieure et de la rentabilité financière (coûts élevés en Algérie) seront épuisés à moins d'un miracle, la population algérienne étant actuellement de 36 millions et sera alors de 50 millions sans hydrocarbures. Mais ce ne sera pas un drame. Pour preuve l'Indonésie était un pays exportateur important les années passées et est devenu un pays émergent bien qu'importateur net. J'ai une grande confiance en le génie algérien qui évolue favorablement à l'étranger, s'agissant de lever le blocage qui est d'ordre systémique. Pour peu que des réformes hardies politiques, économiques, sociales et culturelles soient menées dans le cadre d'une large concertation, la transition peut se réaliser. Mais je ne peux concevoir cette transition dans un cadre fermé. Au moment de la consolidation des grands espaces, je ne puis concevoir l'émergence de pôles de savoir et d'entreprises compétitives sans l'intégration maghrébine au sein de l'espace euro-méditerranéen et africain. Espérons une transition démocratique pacifique, car imaginons une crise politique en Algérie à l'instar de certains pays arabes (Tunisie, Egypte, Libye). Dans ce cas, le risque est le gel des 154 milliards de dollars déposés à l'étranger. La rente des hydrocarbures n'est pas éternelle, d'où l'importance d'un débat démocratique, pour plus de transparence, évitant le manque de visibilité et de cohérence dans la gouvernance tant politique que socioéconomique, sur la trajectoire 2011/2020. Le développement hors hydrocarbures de l'Algérie face à la mondialisation, pose la problématique de la gestion de la rente des hydrocarbures ainsi que celle de l'utilisation des réserves de change, propriété de tout le peuple algérien. (Suite et fin) Professeur