Au préalable, je remercie Nessma TV pour cette invitation et mes salutations cordiales à l'ensemble des téléspectateurs du Moyen-Orient et du Maghreb et particulièrement aux téléspectateurs algériens. Je suis algérien, et l'Algérie est la prunelle de mes yeux. Sonatrach, depuis des années, n'a pas découvert de réserves rentables substantielles tant du pétrole et du gaz importants, car pouvant découla pétrochimie dont la commercialisation est contrôlée par quelques firmes au niveau mondial. Cette règle juridique de la dominance de Sonatrach dans le capital social est inopérante. Cette filière nécessite pour sa rentabilité de grandes capacités de production, sans compter que les pays du Golfe ont déjà amorti les installations, l'Algérie partant avec un handicap, des coûts d'amortissement élevés et un marché forcément limité. Reste la piste des énergies renouvelables dont un Conseil des ministres en 2011 a prévu un programme qui vise à produire, à l'horizon 2030, 40% de l'électricité à partir des énergies renouvelables, devant se traduire par l'installation d'une puissance de 12 000 mégawatts en solaire et en éolien. Mais un partenariat, soit dans le cadre de Desertec ou d'autres, est nécessaire et ne doit être conçu que dans le cadre du Maghreb. Sans risque de me tromper, l'investissement sera limité pour ne pas dire nul avec cette règle pour les petits gisements et l'aval. Sonatrach, depuis des années, n'a pas découvert de réserves rentables substantielles tant du pétrole et du gaz importants, car pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement. Suite à ce constat, le Conseil des ministres a adopté le 17 septembre 2012 des amendements relatifs à l'ordonnance n°06-10 du 29 juillet 2006 modifiant et complétant la loi n°05-07 du 28 avril 2005. Je précise que l'Algérie détient 2,37% des réserves mondiales prouvées de gaz naturel, contre pour le pétrole, 1% selon certaines statistiques de janvier 2011. Selon les statistiques internationales les réserves pétrolières de l'Algérie seront épuisées à l'horizon 2020. Pour le gaz naturel, selon les extrapolations de l'organisme de régulation CREG, la consommation intérieure devrait passer de 35 à 50 milliards de mètres cubes gazeux à l'horizon 2017. Mais ce calcul ayant été fait avant que ne soient décidées les coupures d'électricité en 2012, le doublement des capacités électriques (une enveloppe de près de 20 milliards d'euros pour soutenir le programme d'investissement de la Sonelgaz, visant à installer une capacité électrique supplémentaire de 12 000 MW d'ici à 2016) privilégiant les turbines à gaz et des centrales fonctionnant au gasoil dans le Sud, allant donc vers plus de 60/70 milliards de mètres cubes gazeux en cas de non-rationalisation des coûts de l'énergie, incompressible si l'on veut un réel développement intérieur. A cela s'ajoute le volume exportable extrapolé tant à travers les canalisations que pour le GNL, 85 milliards de mètres cubes gazeux donnant un épuisement à l'horizon 2030; si l'Algérie sera sans pétrole et sans gaz conventionnel dans un proche horizon au moment où la population approchera 50 millions d'habitants, l'énergie étant au cœur de la sécurité nationale, cela explique les amendements à la recherche de nouveaux gisements. Le contenu des amendements et cette loi seront-ils efficaces ? Ces amendements ne s'appliquent pas aux gisements actuellement en production, qui restent soumis au régime fiscal en vigueur ayant donc un dualisme fiscal dont il conviendra de mesurer l'opérationnalité, pour les nouveaux gisements découverts, le gouvernement pratiquant un dégrèvement fiscal en fonction de l'investissement réalisé. Le projet de loi attribue à l'entreprise nationale Sonatrach, le droit exclusif en matière de transport d'hydrocarbures par canalisations, et lui garantit la majorité dans les partenariats, aussi bien dans la production que dans la transformation des hydrocarbures et maintient la règle des 51%-49%. Comme il y a lieu de signaler que le taux de profit dans les canalisations est inférieur de 30% en moyenne par rapport aux grands gisements de l'amont. Sonatrach continuera donc à supporter les surcoûts au niveau des canalisations. La taxation des superprofits au-delà de 30 dollars dans l'actuelle loi ne répondait plus à la situation actuelle du marché où le cours dépasse les 90/100 dollars depuis plus de deux années. Dans ce cadre, l'annonce d'un assouplissement fiscal était nécessaire, car l'Algérie n'est pas seule sur le marché mondial face aux importantes mutations énergétiques qui s'annoncent, mais des concurrents qui veulent attirer les compagnies. En effet, reste la contrainte des 49%-51%. Si pour l'amont gazier et pétrolier pour les grands gisements, la règle des 49%-51% peut être applicable, pour les gisements marginaux, cette règle risque de n'attirer que peu d'investisseurs sérieux. La non-soumission des grandes compagnies, l'expérience du retrait de la Chine au niveau de la raffinerie d'Adrar, Sonatrach supportant toute seule dorénavant les surcoûts, doit être méditée. Egalement, il ne faut pas s'attendre à un flux d'investissement étranger avec ces amendements pour la prospection dans l'offshore et surtout le gaz non conventionnel (réserves prouvées selon le rapport de l'AIE de 2011, 6 500 milliards de mètres cubes gazeux) qui requiert des techniques de pointe à travers le forage horizontal maîtrisé par quelques firmes. En Algérie, comme je l'ai suggéré dans plusieurs contributions locales et internationales, un débat national s'impose du fait des risques de pollution des nappes phréatiques au sud du pays, 200 produits chimiques injectés dont 20%, selon un rapport du département américain, pouvant provoquer le cancer, un milliard de mètres cubes gazeux nécessitant 1 million de mètres cubes d'eau douce, et devant forer environ 600 puits moyens pour un milliard de mètres cubes gazeux. Sans compter la durée de vie courte de ces gisements - environ 5 années - pouvant récupérer une moyenne de 20/25% contre 85/90% pour les gisements de gaz conventionnel, et les confits avec des pays riverains se partageant cette nappe dont le Maroc, la Libye et la Tunisie. Cela concerne également l'investissement dans la pétrochimie dont la commercialisation est contrôlée par quelques firmes au niveau mondial, cette règle juridique de la dominance de Sonatrach dans le capital social est inopérante. Cette filière nécessite pour sa rentabilité de grandes capacités de production, sans compter que les pays du Golfe ont déjà amorti les installations, l'Algérie partant avec un handicap, des coûts d'amortissement élevés et un marché forcément limité. Reste la piste des énergies renouvelables dont un Conseil des ministres en 2011 a prévu un programme qui vise à produire, à l'horizon 2030, 40% de l'électricité à partir des énergies renouvelables devant se traduire par l'installation d'une puissance de 12 000 mégawatts en solaire et en éolien. Mais un partenariat, soit dans le cadre de Desertec ou d'autres, est nécessaire et ne doit être conçu que dans le cadre du Maghreb. Sans risque de me tromper, l'investissement sera limité pour ne pas dire nul avec cette règle pour les petits gisements et l'aval. Et l'opérationnalité de la règle des 49-51% régissant l'investissement étranger ? Cette règle ne concerne pas que Sonatrach mais l'ensemble des autres secteurs. Les lois de finances complémentaires 2009/2010 ont profondément modifié le cadre juridique régissant l'investissement, surtout étranger. Concernant l'encadrement de l'investissement étranger dans les services, BTPH et industries, y compris les hydrocarbures, le privé étranger doit avoir au maximum 49% et le local 51%. Lors du Conseil des ministres du 25 août 2010, ces mesures ont été étendues aux banques étrangères complétant l'ordonnance n°03-11 du 26 août 2003, relative à la monnaie et au crédit. Si ces mesures permettent de relancer l'outil de production, cela serait une bonne chose mais dans un environnement concurrentiel, se renforcer sur soi étant une utopie néfaste. Au cours de conférences internationales, mes contacts avec bon nombre d'opérateurs étrangers (USA-Europe, monde arabe notamment) montrent que dans la majorité des cas, les investisseurs sérieux sont réticents à la venue en Algérie avec cette règle restrictive qui répond plus à de l'idéologie qu'à la logique économique. A moins que l'Algérie ne supporte les surcoûts. Ne serait-il pas souhaitable d'avoir d'autres critères : balance devises excédentaire au profit de l'Algérie, apport technologique et managérial et partage des risques ? Le programme du gouvernement veut rapprocher l'Etat des citoyens. Qu'en sera t-il ? J'ai écouté avec attention le programme présenté par le Premier ministre devant le Parlement avant de venir sur votre plateau. Certaines propositions, notamment concernant la moralisation, sont de bonnes intentions. Mais seront- elles réalisées concrètement? C'est là tout le problème. Le dialogue permanent, la liberté de penser, savoir écouter les autres points de vue et surtout les prendre en compte lorsqu'ils sont productifs sont des facteurs essentiels. Des intellectuels, faisant partie de cette modeste catégorie, la presse algérienne notamment privée, qui, il faut le reconnaître, est relativement libre font d'intéressantes propositions, mais sont-ils écoutés? Le dialogue permanent est le fondement de l'Etat de droit et de la bonne gouvernance sans lesquels aucun développement fiable ne peut se réaliser. Imaginez qu'au sein d'une famille le père ou la mère veulent imposer chacun leur point de vue, et en surplus sans écouter les points de vue de leurs enfants. C'est l'éclatement de la cellule familiale. Au niveau d'un Etat, cela favorise le divorce Etat/citoyens, aboutissant à des grèves généralisées, pour ne pas dire risque d'implosion sociale surtout lorsque se généralise l'injustice. La moralité des personnes chargées de diriger le pays est une donnée fondamentale afin d'éviter cette corruption généralisée en Algérie qui menace la sécurité nationale. Au niveau international, le dialogue des cultures est fondamental pour décrisper les relations. Le nouveau Premier ministre algérien peut-il redresser la situation économique ? Les chantiers ne manquent pas pour le Premier ministre. Espérons pour l'Algérie que le gouvernement Sellal dépassera le statu quo actuel suicidaire, ce qui suppose un changement dans l'orientation de la gouvernance et de la politique économique, condition sine qua non de l'émergence d'une économie hors hydrocarbures. En dehors de la personne qui est un ami et que je connais depuis 35 ans, homme de dialogue qui est un homme aimable, je pense qu'il n'y aura pas de changement de cap de la politique économique. Les réformes structurelles ne peuvent être réalisées car déplaçant des segments importants de pouvoir et pouvant créer des clivages et de vives tensions. Abdelmalek Sellal est l'homme de la situation actuelle afin de ne pas trop bousculer les intérêts au sein du pouvoir. Le pouvoir algérien est tétanisé depuis les événements dans les pays arabes en Tunisie, Libye, Egypte, Yémen et en Syrie. De ce fait, Sellal exécutera à la lettre la feuille de route fixée en haut lieu, la paix sociale à tout prix quitte à distribuer la rente sans contreparties productives. Grâce à l'aisance financière générée par les hydrocarbures, le gouvernement, au nom de la paix sociale, généralise les subventions. En Algérie de celui qui gagne le SNMG au chef d'entreprise national ou étranger, bénéficient des prix subventionnés, n'existant pas de système ciblé de subventions. Pour 2012-2013, le pouvoir algérien ne voulant pas de remous sociaux jusqu'aux élections présidentielles d'avril 2014, les subventions seront encore un tampon pour juguler la hausse des prix internationaux, avec ce retour à l'inflation. Le prix du pain étant subventionné depuis 1996, sans subventions, le prix de la baguette actuellement à 8,50-10 dinars – officiel – dépasserait 25 à 30 DA. Selon le ministère de l'Energie et des Mines, le prix réel des carburants devrait fluctuer entre 60 et 80 DA le litre sans subventions. Mais conserver cette politique coûte de plus en plus cher. En effet, ces dernières années, l'Algérie est devenue importatrice de produits raffinés dont le gasoil et l'essence sans plomb, sans compter les trafics aux frontières. Fait important montrant les limites de l'action du Premier ministre : depuis la révision de la Constitution, c'est un régime présidentiel, et tous les pouvoirs sont concentrés à la présidence, n'ayant plus de chef de gouvernement mais un Premier ministre. Ce sera donc la continuité, comme précisé par le nouveau Premier ministre, l'application du programme présidentiel. Mais n'ayons pas une vision de sinistrose. Beaucoup de réalisations mais beaucoup d'insuffisances liées à la gouvernance. Comparons la situation de l'Algérie de 1963 et celle de 2012. L'Algérie peut mieux faire. (Suite et fin)