Les Etats-Unis ont joué l'apaisement face à la Corée du Nord en reportant un essai de missile à ogive nucléaire avant une semaine à haut risque sur la péninsule coréenne où Pyongyang a déployé deux missiles susceptibles d'atteindre le territoire américain dans le Pacifique. Washington a annoncé avoir reporté un essai de Minuteman 3, missile balistique intercontinental à ogives nucléaires, qui devait être tiré la semaine prochaine depuis la base aérienne de Vandenberg en Californie. Selon un responsable américain de la Défense, le secrétaire américain à la Défense, Chuck Hagel, a décidé ce report afin d'éviter que l'essai «puisse être considéré comme exacerbant la crise en cours avec la Corée du Nord». «Nous voulons éviter une mauvaise perception ou une manipulation», a ajouté ce responsable, précisant toutefois que les Etats-Unis restaient «engagés à tester (leurs) missiles balistiques intercontinentaux (ICBM) pour garantir un arsenal sûr, fiable et efficace». Séoul et Washington ont par ailleurs annulé une importante réunion prévue le 16 avril dans la capitale américaine entre le général Martin Dempsey, chef de l'état-major interarmées américain, et son homologue sud-coréen, le général Jung Seung-Jo. L'agence de presse Yonhap affirme que le Sud s'inquiétait d'une possible provocation nord-coréenne en l'absence du chef de ses armées. La Corée du Nord, qui a installé un deuxième missile de moyenne portée sur sa côte est et menacé d'effectuer des frappes, y compris nucléaires, sur des objectifs américains, a pour sa part averti vendredi qu'elle ne pouvait plus garantir la sécurité des missions diplomatiques dans la capitale Pyongyang à compter du 10 avril. La plupart des gouvernements étrangers concernés ont laissé entendre qu'ils n'avaient pas l'intention de retirer leur personnel dans l'immédiat, y compris les sept pays de l'Union européenne présents en Corée du Nord (Allemagne, Royaume-Uni, Suède, Pologne, Roumanie, République tchèque, Bulgarie). Une réunion sur la Corée du Nord des ambassadeurs des 27 pays de l'UE doit se tenir aujourd'hui à Bruxelles, selon une source européenne. Pékin a demandé à Pyongyang d'assurer «instamment» la sécurité de ses diplomates, a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Hong Lei. Les Nations unies n'envisagent pas non plus d'évacuation. Les personnels de l'ONU en Corée du Nord «restent engagés dans leur travail humanitaire et de développement dans tout le pays», a déclaré Martin Nesirky, porte-parole de l'ONU à New York. Le chef de la diplomatie britannique William Hague a estimé hier qu'il n'y avait pas de «nécessité immédiate» de rapatrier les diplomates britanniques, fustigeant la «rhétorique» nord-coréenne. «Nous n'avons pas vu les troupes (nord-coréennes) se repositionner ou les forces terrestres se redéployer, ce qu'on s'attend à constater dans la période précédant une attaque» militaire, a déclaré M. Hague sur la BBC. «C'est la raison pour laquelle il est important de rester calmes, mais aussi fermes et unis», a-t-il ajouté à l'adresse de la communauté internationale. Pyongyang a multiplié ces dernières semaines les déclarations belliqueuses, furieux du nouveau train de sanctions adopté par l'ONU après son nouvel essai nucléaire début février et des manœuvres militaires conjointes en cours entre les Etats-Unis et la Corée du Sud. Son allié chinois, qui a voté les dernières sanctions à son encontre, s'est inquiété hier à mots couverts de la poussée de fièvre sur la péninsule coréenne. «Personne ne devrait être autorisé à précipiter dans le chaos une région, et à plus forte raison le monde entier, par égoïsme», a déclaré le président chinois Xi Jinping sans toutefois nommer ni la Corée du Nord, ni les Etats-Unis. Le Musudan aurait une portée de 3.000 kilomètres, soit la capacité d'atteindre la Corée du Sud ou le Japon. Avec une charge légère, il pourrait toucher des cibles à 4 000 kilomètres, et donc, en théorie, frapper Guam, île du Pacifique située à 3 380 km de la Corée du Nord et où sont stationnés 6 000 soldats américains. Les médias japonais ont rapporté hier que le ministre de la Défense Itsunori Onodera donnerait l'ordre, «dans un jour ou deux», d'abattre tout missile nord-coréen qui se dirigerait vers l'archipel nippon. Pour Yang Moo-Jin, un universitaire sud-coréen spécialiste de la Corée du Nord, Washington a renoncé à son tir de missile ICBM pour éviter la surenchère. «Si le Nord lance des missiles de moyenne portée comme tout le monde le craint, les Etats-Unis auraient pu être tenus en partie responsables», estime-t-il. Au cours d'un entretien téléphonique avec le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wan Yi, a fait part de «(sa) grande inquiétude» concernant les tensions croissantes dans la péninsule coréenne.