Les monts de l'Ouarsenis et le paradis du cèdre «beauté», ex-Vialar «pauvreté» et Tissemsilt «charité», ici dans une région les années se suivent et se ressemblent et son vaste sol est loin des regards, le premier gère a sa manière, le second la tête clouée au sol, et la capitale de l'Ouarsenis est aujourd'hui que l'ombre d'elle-même, une ville fantôme et une assiette toujours en chantier si l'argent fait le trottoir, le malade mental fait le boulevard . Ceux qui ont connu, visité et aimé la capitale de l'Ouarsenis, et ses paradis du haut au bas après l'Indépendance diront combien cette ville était fascinante, du plat traditionnel à la station thermique sur les monts de Bordj Bounaama, ainsi que des paysages magnifiques de Teniet El Had et du bas avec ses sources et son vrai paradis au milieu de ses trente huit marabouts, les saints patrons de la région. Aujourd'hui, leurs coupoles semblent triste à fendre l'âme, seuls les corbeaux, fidèles à leurs habitudes juchés sur des fils électriques, continuent à croasser. Une malédiction frappe Tissemsilt peut-être celle de Sidi Ben Tamra..., le saint patron de la cité que l'on a oublie et piétiné à bien des égards. Tissemsilt de son vrai nom, la boue, le noir et la soif, autrefois orgueilleuse et belle, hospitalière et accueillante, avec ses coutumes traditionnelles (poésie, à ouled Kacem, fantasia de la tribu de Belhamissi, waâda aux quatre coins du vaste sol de l'Ouarsenis, chants bédouins...), n'est aujourd'hui que l'ombre d'elle-même, une ville fantôme et une capitale toujours en chantier. Ses habitants, autrefois pleins d'humour et gais à souhait, sont devenus les gens les plus taciturnes de notre pays. En fait, leur ville est devenue un véritable bidonville pour ne pas dire le couloir de la honte uni avec une toile d'araignée de tous les mots et tous les maux. Le fameux quartier Ebni oua ouskot où végètent les (quarante cinq milles âmes, vivant dans ce lieu appelé par dérision Sami Ibni Ouaskot), le visiteur ou l'invité non avisé se retrouve complètement déconcerté et agressé par les émanations nauséabondes provenant des monticules d'ordures et risque sa vie sous les fils électriques suspendus d'une baraque à autre Gourbi. Au milieu de ce vaste carrefour de tous les maux, le chômage a atteint des niveaux occasionnant des fractures aux conséquences durables et les différents programmes tant attendus n'ont pas été concrétisés. A Tissemsilt, rien ne se perd, tout se transforme, il parait que même le bureau de main d'oeuvre est au chômage, et son collectif à la recherche d'un boulot. Les organismes de l'emploi sont aussi à la recherche d'un bloc népotisme, corruption, interventions, connaissances, dressent des murailles infranchissables pour une catégorie de la population à laquelle les quelques postes d'emploi d'un maigre salaire, créés, sont inaccessibles, parce que réservés à certains. L'autre visage de la capitale de l'Ouarsenis est représenté par, la drogue, les attaques à l'arme blanche, le faux usage de faux, la misère, le boom éthylique; une ville liée aux problèmes socioéconomiques dont la population a fui ses terres,exode rural oblige. La drogue, parfois remplacée par d'autres liquides achetés chez le buraliste du coin par des chérubins devenus des sniffer, à l'âge de la marelle, est l'un des fléaux sociaux dangereusement ancré dans nos meurs; le fait de sniffer représente aussi un mal qui commence à prendre des proportions alarmantes chez les nains de la ville de Tissemsilt. Quant aux ruraux, une autre conduite des ancêtres. De quoi peut-on rêver? Certes, certains ont des rêves pleins la tête, ne demandent qu'à s'évader, écouter de la musique et ne songent qu'à el harraga, c'est-à-dire la fuite vers d'autres cieux. D'autres ont bien choisi le chemin qui mène au développement pour gagner une croûte, là où les chantiers ont poussé comme des champignons chez les nordistes et les sudistes du bled. Déjà, de nombreux paumés portent le poids de la misère. La délinquance, les vols, et les casses en série sont enregistrés quotidiennement. A Tissemsilt comme dans toutes les villes du pays, la réalité crève les yeux. Si les jeunots du monde rural se ravitaillent d'une caisse de limonade pour l'écouler au milieu de son douar à Tissemsilt, les bars au noir, comme celui appelé El mahchacha, s'ouvrent plus vite que les lieux de loisir pour jeunes, les lieux de détente et la bière se vend mieux que tout autre produit comme le pain et le lait Et la ville vit, ces dernières années, un boom éthylique. La capitale de l'Ouarsenis, comme le disaient les Vialaris, a perdu sa splendeur; si les mines sont déconfites, les rues n'ont rien à leur envier; les nids-de-poule sont légion, les fuites d'eau partout, les feux tricolores clignotent. Pour les automobilistes et les piétons, les premiers roulent pour l'achat d'une pièce détachée et les seconds pour faire la chaîne pour récupérer des bottes en nylon. Les anciens quartiers sont devenus de vraies décharges publiques à ciel ouvert et le pactole injecté dans le programme des routes a pris une autre destination pour ouvrir des pistes afin de consommer la poussière en été et la boue en hiver et aucun projet ne répond aux normes de Lardjem , à Sidi el Antri, Maacem, Gouacem et autres patelins restent actuellement coupés du monde Même le centre-ville de la capitale n' a pas échappé au système D, devenu par la force des choses un vrai bourbier pour ne pas dire la politique du rafistolage te le bricolage est toujours en chantier et les autorités font la sourde oreille. A travers plusieurs douars et villes implantés sur le fond de la cuve de l' Ouarsenis, les habitants sont confrontés au danger permanent d'inondations générées par les Oueds voisins des groupements d'habitations dont plusieurs habitants restent coincés chez eux. Les dernières chutes de pluies et les variations climatiques qu'a connu la région n'ont fait qu'accentuer la peur de ces familles. L'autre vitrine de l' Ouarsenis, les routes sont dans des états de dégradation avancés paralysant la circulation, le manque de transport. Le tronçon Ammari-Sfifia et le relais sur la RN. Ces voies sont inscrites au registre des souffrances quant à Maacem et ses douars voisins et de l'autre rive de Tamelahet Sidi el Abed, ils ont bien choisi le chemin qui mène au cimetière. Cette région, oubliée de tous, un sol plongé dans la boue le noir et la soif est une ville cicatrisée comme le signale l'un des chouyoukhs de la tribu d'Adalla, elle n'a connu aucun changement depuis des dizaines d'années, malgré les différents programmes dont a bénéficié la wilaya. Ici, on consomme les nuits restantes au milieu de la boue, le noir et la soif. (A suivre)