J'ai consulté bon nombre d'amis étrangers et nationaux experts dans ce domaine, car il faut éviter de raconter n'importe quoi, sur un sujet sensible. Aussi je tiens à faire les remarques suivantes afin de ne pas induire en erreur l'opinion publique algérienne, en analysant sans passion les impacts de l'exploitation du gaz de schiste en Algérie, objet de cette contribution. Quelles sont donc les réserves de pétrole et de gaz conventionnel? Etant évolutif en fonction des nouvelles technologies et des nouvelles mutations énergétiques mondiales, selon CIA World Factbook de janvier 2012, les cinq pays où les réservent de pétrole conventionnel sont les plus importantes sont l'Arabie-Saoudite, le Venezuela, le Canada, l'Iran et l'Irak. Arabie-Saoudite avec 264.600.000.000 barils ; Venezuela avec 209.400.000.000 ; Canada avec 173.600.000.000 ; Iran avec 151.200.000.000 ; Irak avec 143.100.000.000 ; Koweït avec 101.500.000.000 ; Emirats Arabes Unis avec 97.800.000.000 ; Russie avec 60.000.000.000 ; Libye avec 48.080.000.000, Nigeria avec 38.500.000.000, l'Algérie avec environ 12 milliards de barils (données 2011). Qu'en est-il du gaz conventionnel ? Toujours selon CIA World Factbook de janvier 2012, pour le gaz traditionnel, les réserves s'établissent comme suit en mètres cubes : Russie avec 44.800.000.000.000 ; l'Iran avec 29.610.000.000.000 ; le Qatar avec 25.370.000.000.000 ; Arabie saoudite avec 25.370.000.000.000 ; les USA avec 7.716.000.000.000 ; Turkménistan avec 7.504.000.000.000 ; Emirats arabes unis 6.453.000.000.000 ; Nigeria avec 5.292.000.000.000 ; Algérie avec 4.502.000.000.000 (données de BP non actualisées depuis 1999 étant estimées entre 2.500 et 3.000 milliards de mètres cubes au 01 janvier 2014), Libye avec 1.548.000.000.000 (à peine exploitée à 10% avec une production avant les événements de 16 milliards de mètres cubes gazeux). Concernant les réserves de gaz de schiste, (ces données sont provisoires car évoluant d'année en année en croissance), selon le rapport de l'AIE de 2013, le monde aurait environ 207 billions de mètres cubes répartis comme suit: la Chine 32, l'Argentine 23, l'Algérie 20, les USA 19, le Canada 16, le Mexique 15, l'Australie 12, l'Afrique du Sud 11, la Russie 8 et le Brésil 7 billions de mètres cubes. Les gisements de gaz de schiste en Algérie sont situés essentiellement dans les bassins de Mouydir, Ahnet, Berkine-Ghadames, Timimoun, Reggane et Tindouf. Il est à signaler que le Congrès chinois a donné son feu vert et qu'une intensification du gaz de schiste entraînerait, avec les USA, tous deux possédant le savoir-faire, une véritable révolution énergétique. L' énergie étant au cœur de la sécurité des nations et des enjeux géostratégiques, cela explique le déplacement en force des USA et récemment des Français en Algérie pour contrebalancer à la fois la Chine et être moins dépendant, à l'avenir, du gaz russe. Mais s'imposent plusieurs précisions a. Il faut savoir d'abord que le gaz de schiste est concurrencé par d'autres énergies substituables et que les normes internationales donnent un coefficient de récupération en moyenne de 15/20% et exceptionnellement 30%, ce qui donnerait entre 3000 et 4000 milliards de mètres cubes gazeux commerciales pour l'Algérie. On peut découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement, les réserves se calculant selon le couple prix international des énergies substituables et le coût, b.- Par ailleurs, pour les 1000 puits, la durée de vie ne dépasse pas cinq années, devant se déplacer vers d'autres sites assistant donc à un perforage sur un espace détermi-né comme un morceau de gruyère. - c.-1000 puits donnent environ 50 milliards de mètres cubes gazeux par an. Le coût du forage d'un puits est estimé entre 15/20 millions de dollars, pouvant retenir cette hypothèse dans la mesure où le coût du brevet et de l'assistance étrangère est contrebalancé par le bas coût de la main-d'œuvre et que le terrain est presque gratuit alors qu'il est privé aux USA. d.-La rentabilité implique – au vu de la structure des prix actuels au niveau international, et en fonction de la profondeur, concurrencé par le gaz conventionnel - un coût minimum de 12 dollars le MBTU et un prix de cession supérieur à 15/17 dollars le MBTU, tenant du coût de transport - s'alignant sur l'Asie puisqu'aux USA le MBTU varie entre 4/5 dollars et en Europe après la catastrophe au Japon entre 9/12 dollars le MBTU, existant une déconnexion du prix du gaz sur celui du pétrole depuis plusieurs années. -e.- Mais 1000 puits est une hypothèse puisque même pour le gaz traditionnel, le maximum de forage n'a jamais dépassé 200 puits. Même dans cette hypothèse maximale de 200 puits donnant 10 milliards de mètres cubes gazeux non conventionnel, un peu plus que le projet GALSI actuellement gelé, dont le coût est passé de 2,5 à 4 milliards de dollars fin 2013, non rentable au vu du prix actuel, dont la capacité prévue était de 8 milliards de mètres cubes gazeux. -f.-Pour s'aligner sur le prix de cession européen actuel, le coût du forage d'un puits devrait être moins de 10 millions de dollars. L'exploitation de ce gaz implique de prendre en compte que cela nécessite une forte consommation d'eau douce, un (1) million de mètres cubes pour un milliard de mètres cubes gazeux, et en cas d'eau saumâtre, il faut des unités de dessalement extrêmement coûteuses, autant que les techniques de recyclage de l'eau. - g.-Surtout, cela peut avoir des effets nocifs sur l'environnement, (émission de gaz à effet de serre). Par ailleurs, la fracturation des roches peut conduire à un déséquilibre spatial et de l'équilibre écologique avec des possibilités d'effondrement avec la fracturation des roches, rendant inhabitable toute la zone qui peut connaître des affaissements réguliers avec parallèlement des effets négatifs pour toute les zones touristiques proches de ces exploitations au Sud. Et en cas de non-maîtrise technologique, (entre 200 et 300 produits chimiques injectés pour fracturer la roche combiné avec le sable), elle peut infecter les nappes phréatiques au Sud, l'eau devenant impropre à la consommation avec des risques de maladies comme le cancer. Cependant, concernant la pollution des nappes phréatiques, régulièrement pointée par les opposants au gaz de schiste, elle ne serait pas due à la fracturation hydraulique pour certains experts, mais « à des défauts de cimentation des puits ou des déversements en surface ». S'il n'est effectivement pas possible, en l'état des connaissances scientifiques, d'incriminer la technique de fracturation hydraulique elle-même, il y a une probabilité en cas de non-maitrise technologique, le risque de pollution des eaux souterraines. En juin 2013 une étude publiée par le biologiste Robert Jackson dans la revue de l'Académie des sciences américaine mettait ainsi en évidence de fortes teneurs en méthane des eaux souterraines prélevées autour des puits de gaz non conventionnel dans le nord-est de la Pennsylvanie. - h.-Comme cela implique une entente régionale, du fait que l'Algérie partage ces nappes avec le Maroc, la Libye et la Tunisie. -i.- Il s'agit ni d'être contre, ni d'être pour, l'objectif stratégique est de l'insérer dans le cadre de la transition énergétique reposant sur un mix énergétique en n'oubliant pas l'efficacité énergétique qui peut permettre des économies de 20/30%, notamment dans de nouvelles méthodes de construction, dont les énergies renouvelables où le solaire combiné au gaz notamment torché par le système de récupération permet de réduire les coûts. Sans la maîtrise technologique, il faut être très prudent, revenant à la ressource humaine pilier de tout processus de développement fiable. En résumé, les firmes multinationales sont essentiellement guidées par le profit maximum et cela est normal dans la pratique des affaires où n'existent pas de sentiments. Evitons les expériences négatives pour le pétrole et gaz conventionnel le Delta du Nigeria qui connaît une pollution inégalée, ainsi que les impacts écologiques négatifs récents au Mexique et dans d'autres cotrées du monde. Seuls les USA, et quel-ques compagnies européennes maîtrisent, encore imparfaitement, cette technologie. Un co-partenariat incluant des clauses restrictives avec d'importantes pénalités en cas de non-respect de l'environnement et la formation des Algériens pour tout opérateur étranger, USA et autres, est indispensable. Pour éviter ces effets pervers, cela implique un Etat régulateur fort, qui n'est fort que par sa moralité, sa bonne gouvernance et l'implication de l'élite. (suite et fin)