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Accroissement de la dépense publique et tensions budgétaires
Publié dans La Nouvelle République le 30 - 08 - 2014

Selon le communiqué du Conseil des ministres en date du 26 août 2014, la loi de Finances pour 2015 prévoit l'encouragement de l'investissement, la promotion de la production nationale et la simplification des procédures fiscales. Je m'en tiendrai dans cette brève contribution aux équilibres macro-économiques déterminants pour une croissance durable à terme.
1.- Le budget de fonctionnement est évalué à 4 969 milliards DA, englobant notamment l'ouverture de près de 48 000 postes budgétaires au profit de plusieurs secteurs 2014 soit une hausse de 5,4 par rapport à 2014%. Le budget d'équipement s'élèvera à 3 908 milliards DA, en hausse de près de 43% par rapport à 2014, englobant notamment le financement d'un «programme en cours» de plus de 1 600 milliards DA et l'inscription d'un «programme neuf» de plus de 1 100 milliards DA, pour les secteurs de l'habitat, de la santé, de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de l'hydraulique, de l'énergie et de la formation professionnelle, en plus de 700 milliards DA qui sont prévus pour l'action économique de l'Etat. Cet accroissement du budget d'équipement est un signe positif sous réserve de ventiler cette rubrique pour voir si les segments créateurs de valeur ajoutée durable en sont les bénéficiaires. Les travaux d'infrastructure qui ont mobilisé les 70% de la dépense publique entre 2000-2013, ne sont qu'un moyen, c'est l'entreprise qui crée la richesse permanente. Sur la base d'un cours de 37 dollars le baril, les recettes budgétaires sont estimées à 4 684 milliards DA et les dépenses budgétaires à 8 784 milliards DA donnant un déficit budgétaire de 4 100 milliards de dinars, soit 51,90 milliards de dollars au cours de 79 dinars un dollar), qui sera alimenté par le Fonds de régulation des recettes. Selon le ministère des Finances (DGT), le Fonds de régulation des recettes a évolué ainsi de 2011 à 2013. En 2011, il était évalué à 4 842 milliards de dinars, en 2012 à 5 381 milliards de dinars et en 2013 à 5 633 milliards de dinars. Lors de la loi prévisionnelle de Finances 2014, le FRR devait atteindre 7 226,4 milliards de dinars, soit 39,7% du PIB permettant d'alimenter trois ans d'importation. Or, selon le rapport récent de la banque d'Algérie, il ressort qu'en dépit de réserves de changes en augmentation de près d'un milliard de dollars (194,961 milliards de dollars à fin mars contre 194,012 milliards à fin décembre 2013), le niveau du Fonds de régulation des recettes FRR a chuté de 5 238,80 milliards de dinars à fin décembre 2013 à 4 773,51 milliards de dinars à fin mars 2014. 2.-Lors du Conseil des ministres du 27 août 2014, il a été décidé que le gouvernement devra finaliser le projet de programme quinquennal d'investissements publics 2015 à 2019, dont l'esquisse financière a été arrêtée à hauteur de 21 000 milliards DA, pour le présenter au Conseil des ministres avant la fin de l'année, soit au cours de 79 dinars un dollar 265,82 milliards de dollars. Rappelons que le pré-programme 2001-2003 était de 7 milliards de dollars et le programme de la relance économique 2004-2009, selon les rapports de différents Conseils de gouvernement repris par l'APS, de 55 milliards de dollars fin 2004, à 100 milliards fin 2005, le justificatif «étant les enveloppes additionnelles pour les Hauts-Plateaux et le Sud)», 140 milliards de dollars fin 2006 et aurait été clôturé, selon les déclarations officielles à 200 milliards de dollars. Quant au programme 2009-2014, il a été estimé en Conseil des ministres à 286 milliards de dollars dont 43% étaient des reliquats des projets non terminés entre 2004-2009 avec des surcoûts allant de 25 à 30% du fait de la non maturation des projets et d'une non maîtrise de la gestion pour ne pas parler de corruption. Ces retards qui s'accumulent dans la réalisation des projets sont confirmés par le communiqué du Conseil des ministres où il est précisé les crédits d'équipement de 2015 «serviront à financer le programme d'équipement en cours d'un montant de 1 600 mds de DA ainsi qu'un nouveau programme de 1 100 mds de DA destiné aux secteurs de l'habitat, de la santé, de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur, de l'hydraulique, de l'énergie et de la formation professionnelle». 3.-Pour la loi de Finances 2015, il est prévu un taux de croissance de 3% (4,2% hors hydrocarbures), en baisse par rapport aux lois de Finances 2012-2014. Or, avec une dépense publique de 630 milliards de dollars entre 2000-2013 (équipement et fonctionnement), le taux de croissance aurait dû dépasser en moyenne annuelle les 8/9%, taux indispensable pour une croissance durable et réduire les tensions sociales à l'avenir. L'Algérie peut-elle continuer à fonctionner sur la base d'un cours de 110/120 dollars au risque d'épuiser totalement le Fonds de régulation des recettes et les réserves de change d'environ 195 milliards de dollars dont 83/86% sont placées en bons de trésor américains, en obligation européenne et une fraction dans des banques cotées dites AAA ? Se pose la question stratégique en cas de baisse des recettes d'hydrocarbures, quelle sera la valeur des exportations en devises sachant que Sonatrach qui a engrangé 700 milliards de dollars en devises entre 2000-2013 et a permis 500 milliards d'importations en devises durant la même période, or, Sonatrach a exporté environ 63 milliards de dollars en 2013, 10 milliards de dollars de moins qu'en 2011 et dont la part du marché de gaz en Europe est passé de 13/14% en 2010 à 9% en 2013 avec une chute de 50% du marché américain du fait de la révolution du gaz de schiste. Les sorties en devises en 2013 ont été de 55 milliards de dollars de biens, 12 milliards de dollars de services et entre 5/7 milliards de transferts légaux de capitaux, soit entre 72/74 milliards de dollars. Il semble que cette tendance se poursuit entre 2014-2015, accroissant les tensions budgétaires au risque d'éponger le Fonds de régulation des recettes et une grande fraction des réserves de change horizon 2020. 4. Il est prévu l'abrogation de l'article 87-bis de la loi n°90-11 du 21 avril 1990, relative aux relations de travail, qui aura une lourde répercussion sur le Trésor public. Le gouvernements avait déjà évalué l'impact en 2006 à 500 milliards de dinars pour la Fonction publique et 44 milliards de de dinars pour les entreprises publiques. Entre temps en 2012, ont eu des augmentations de salaires, ce qui a permis de relever le plafond de ceux qui percevaient moins de 20 000 dinars par mois. Mais également entre temps, nous avons eu une augmentation des fonctionnaires qui dépassent 2,1 millions en 2014 et ajouté aux emplois temporaires dont la majorité perçoivent moins de 20 000 dinars. Au total nous avons plus de 3 millions de fonctionnaires permanents et non permanents. Par ailleurs, l'abrogation de cet article nivelle par le bas les salaires. Ainsi, une femme de ménage qui percevra 20 000 dinars se rapprochera du technicien qui perçoit 25 000 dinars, ou d'un jeune docteur d'Etat qui commence sa carrière à 40 000 dinars. Il faut donc s'attendre à moyen terme, à des revendications salariales pour accroître l'écart nécessaire pour ne pas réduire la productivité du travail. Ainsi, l'impact, ce que l'on oublie annuellement, pourrait aller vers 9/11 milliards de dollars. Comme plus de 50% des PMI-PME, qui constituent 95% du tissu productif, ne pourront pas supporter cette augmentation des salaires, la masse salariale dépassant souvent 50% de la valeur ajoutée, licencieront ou demanderont au gouvernement des dégrèvements fiscaux ou des taux d'intérêts bonifiés, supportés par le Trésor public. Faute de quoi, ils alimenteront la sphère informelle qui représente déjà 50% de la superficie économique. Attention donc à la dérive par la création massive des emplois/rente notamment dans l'administration et cette tertiarisation croissante. Pour atténuer l'impact négatif sur le Trésor public, il faudra donc forcément relever le niveau de production et de productivité. Ce dernier est un des plus faibles au niveau du bassin méditerranéen (l'Algérie dépensant deux fois plus pour avoir deux fois moins d'impact au niveau de la région MENA), la cause essentielle étant la bureaucratie, le système financier et socio-éducatif non adapté, la solution étant d'encourager l'entreprise publique, privée locale ou internationale à valeur ajoutée et son fondement le savoir. Attention donc à la dérive par la création massive des emplois/rente notamment dans l'administration et cette tertiarisation croissante. 5.-Le projet de budget 2015 prévoit un taux d'inflation à hauteur de 3%, ce taux étant compressé artificiellement par les subventions sans lesquelles, il approcherait les 10%. Aussi, un débat national sur les subventions généralisées, non ciblées, (25 milliards de dollars en 2013) devient urgent. Il y a lieu de prévoir leur budgétisation par le Parlement avec une affectation précise et datée par une Chambre de compensation aux secteurs inducteurs et les catégories les plus vulnérables afin d'éviter le gaspillage et les fuites hors des frontières. Concernant la promotion de la production nationale, le projet de loi de Finances 2015, prévoit une exonération en matière d'IBS ou d'IRG et de la TAP pour une durée de 5 ans, une bonification à 3% des taux d'intérêts applicables aux prêts bancaires notamment pour les investissements dans les Hauts-Plateaux et le Sud et pour les jeunes ayant bénéficié de crédit Ansej qui ne payeront pas d'impôts ni taxes pendant les cinq prochaines années. Mais le gouverneur de la Banque d'Algérie a annoncé, le17 août 2014, que le retour au crédit à la consommation, qui avait été suspendu en 2009, sera accompagné par l'entrée en service de la centrale des risques prévue dès le deuxième semestre de 2015. Existe-t-il un lien dialectique entre la logique rentière et la sphère informelle à dominance marchande contrôlant 40% de la masse monétaire en circulation et 65% des segments des produits de première nécessité ? Les exportations d'hydrocarbures représentant 98% permettant d'assurer l'importation de 70% des besoins des ménages et des entreprises qu'elles soient publiques ou privées dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15%, (le secteur industriel représentant moins de 5% du produit intérieur brut), cette mesure ne risque-t-elle pas de gonfler davantage les importations de biens finis
et de décourager la production locale ? En résumé, l'objectif stratégique pour l'Algérie est d'engager des réformes micro-économiques et institutionnelles indispensables, devant réhabiliter l'entreprise créatrice de richesses et son fondement le savoir, pour s'adapter tant à la mondialisation de l'économie dont l'espace euro-méditerranéen est son espace naturel, qu'aux mutations internes qui impliquent l'instauration de l'économie de marché concurrentielle à finalité sociale, qui est inséparable de l'Etat de droit, de la démocratie sociale et politique. Car, le cadre macro-économique relativement stabilisé grâce à la rente des hydrocarbures est éphémère, sans de profondes réformes structurelles. L'entrave principale au développement et d'une bonne gouvernance en Algérie, provient de l'entropie. Le défi majeur est de réfléchir aux voies et moyens nécessaires pour contrôler et réduire cette entropie à un niveau acceptable afin de dynamiser le tissu productif comme j'aurai l'occasion de le démonter le 18 octobre 2014 au cours d'une conférence à l'Assemblée nationale française à l'invitation du président de l'Association France–Algérie, le professeur Jean Pierre Chevênement. Abderrahmane Mebtoul Professeur des universités Expert international en management stratégique


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