Sur les étals des quartiers huppés de la capitale, on ne peut acquérir un kilogramme de viande rouge bovine ou ovine à moins de 1 500 DA. Dans les villes de l'intérieur du pays et même dans celles qui sont dans la banlieue d'Alger, les gens peuvent se permettre, à des prix relativement accessibles, de consommer de la viande rouge au moins une fois par semaine. Le reste du temps, c'est de la viande blanche. Les prix sont restés stables, depuis voilà plus de trois ans, malgré l'augmentation sensible après le rituel des sacrifices de l'Aïd El- Adha. Cette année, toutes les familles se sont permises de s'offrir le mouton de l'Aïd. Près de 6 700 000 moutons ont été sacrifiés. Le record absolu a été atteint, c'est l'équivalent du total du cheptel de deux pays voisins qui a été abattu en une matinée. Quelques jours avant, le kilogramme de viande de mouton était cédé à moins de 1 000 DA, à Alger, entre 700 et 900 DA. Trois semaines après la fête, le prix du kilogramme de viande ovine est passé à 1 100 DA à l'intérieur du pays et à 1 300 DA sur les étals des boucheries de la capitale. Il atteindra les 1 500 DA à Hydra et chez les approvisionneurs des VIP. Ce n'est pas la seule raison pour l'augmentation des prix des viandes rouges. Un autre phénomène voit le jour. Le niveau de vie évolue et une classe moyenne commence à se former. Avec le dégel et la mise à niveau des salaires, la moitié des onze millions de célibataires déjeune et dîne dans les restaurants. Ils consomment à chaque repas de la viande. Ils peuvent se permettre ce «luxe». Le nombre des restaurants se multiplie. Les fastefoods à «kalantica» diminuent même devant les campus universitaires, ils sont remplacés par les vendeurs de chawarma, ainsi, la «kebda beïda» faite à base de pois chiches est remplacée par la viande de dinde un peu plus chère. Ainsi, les fonctionnaires et les étudiants issus de familles aisées se permettent 14 repas par semaine de viande. La morphologie de ces consommateurs change. Ils deviennent obèses. Les vieilles demoiselles ne sont plus regardantes sur leur ligne. Donc, ce sont les restaurants qui deviennent les plus grands consommateurs de viandes rouge et blanche. Ils achètent en gros et parfois ils abattent eux-mêmes les animaux. C'est un gain qui est réalisé à la source. Les bénéfices engrangés sont importants. Depuis moins d'une année, la situation commence à changer et c'est le retour vers les anciennes traditions. Très peu de restaurants restent ouverts la nuit sauf ceux des grandes villes ou des villes traversées par les voyageurs. La consommation des viandes diminue d'un tiers. Ce sont les produits carnés sous forme de sandwich qui remplacent les repas copieux. C'est une transition qui est en train de s'opérer. La demande diminue par rapport à l'offre. Cette dernière est très importante, car le taux de mortalité des moutons est très faible par rapport aux années de disette. La vaccination du cheptel ovin à la charge de l'Etat est presque générale. Quant au cheptel bovin, qui a connu cette année une épizootie vite endiguée, il ne peut être considéré comme cheptel de boucherie. Il est constitué en grande partie de vaches laitières. La viande bovine, bien qu'elle est passée de 10% à 30% et raflé une part du marché à celle de l'ovin qui recule de 87% à 63%, reste moins consommée par rapport au besoin sanitaire. Deux facteurs défavorables à la consommation de la viande bovine se développent actuellement : d'abord, l'effet de l'épizootie, ensuite, les restaurants deviennent à thème et font de la cuisine du terroir, donc, c'est le retour au mouton. Un autre facteur favorable mais très faible est celui de la consommation de la viande bovine par les personnes obèses qui veulent maigrir. Le nouveau phénomène qui tire vers le bas les prix des viandes rouges est celui de la consommation de la viande caprine. Dans tous les cas de figure, les prix des viandes rouges resteront à ce niveau pour une bonne période.