Longtemps cantonnée au recrutement de stars vieillissantes, la Süper Lig les attire de plus en plus jeune, au point de s'être érigée en destination tendance ces dernières années. Samuel Eto'o, Robin van Persie, Nani. Cet été, la Turquie a encore réalisé des coups probants sur le marché des transferts et semble être l'un des seuls pays à pouvoir concurrencer la Premier League. Mais qu'on ne s'y trompe pas, la Süper Lig ne se limite plus aux stars vieillissantes et parvient depuis quelques années à attirer des joueurs de premier ordre dans la force de l'âge – Sow, Kjaer, Muslera, Quaresma, Podolski et surtout Sneijder en sont la preuve. Alors, comment expliquer cette nouvelle attractivité ? Interrogé par nos soins, Mathieu Markaroglu qui travaille chez Foot&Ball, une société fondée par l'agent licencié turc Ahmet Bulut qui a notamment participé au transfert d'Arda Turan au Barça et qui est proche des très influents Jorge Mendes et Pini Zahavi, nous explique les raisons de cet emballement des clubs turcs dans ce mercato estival. La croissance économique Pendant que les pays de l'UE voyaient leurs taux de croissance chuter à partir de la fameuse année 2008 pour frôler les 0, la Turquie, frappée par le phénomène au début du siècle, poursuivait elle son développement. 8,9% en 2010, 8,5% en 2011, un ralentissement en 2012 à 2% puis une progression jusqu'à rester accrochée à 4%... A titre de comparaison, la France était à 2% en 2010... et 0,2% en 2014. Concrètement, cette flopée de chiffres signifie que sous l'impulsion de la croissance, les Turcs consomment davantage de football. Et que parallèlement, les clubs voient les sponsors leur octroyer des offres toujours plus juteuses. Meilleur exemple, les droits TV : passés de 160 à 250 M€ en 2011, ils ont été renégociés à 422 M€ pour la période 2015-2017. Les salaires attractifs Si les clubs turcs ont de l'argent à investir sur le marché des transferts, ils en ont aussi à proposer aux joueurs à l'heure des négociations. Mais sans parler d'offres plus élevées qu'ailleurs – quoi que –, l'argument tient du taux d'imposition, tout bonnement imbattable sur le Vieux continent. Depuis 2003 en Turquie, les footballeurs ne sont imposables qu'à hauteur de 15% de leurs revenus annuels. En Angleterre, les joueurs le sont à 50%, pourcentage commun aux grands championnats européens. De quoi faire réfléchir n'importe qui. Le nombre d'étrangers Là où les clubs européens doivent composer avec un nombre limité de joueurs extra-communautaires, restriction qui se traduit souvent en casse-tête pour les recruteurs, les pensionnaires de Süper Lig se dirigent peu à peu vers la fin des quotas. Depuis 2010, dix joueurs étrangers peuvent composer un effectif de l'élite turque. A compter de la saison qui se profile, ce nombre sera porté à 14, une bouffée d'oxygène pour les clubs bloqués à six étrangers depuis deux ans. «Concernant la nouvelle règle pour les joueurs étrangers, chaque club aura droit sur un noyau de 28 joueurs à 14 joueurs étrangers + 14 joueurs locaux, sur la feuille de match de 18 joueurs, chaque club pourra inscrire 11 joueurs étrangers et 7 locaux», nous explique-t-on chez Foot&ball. Autant dire que les clubs peuvent quasiment recruter sans compter à l'étranger. Le challenge sportif pas inintéressant La Süper Lig est certes, sportivement, loin du big five. Mais elle est aussi devant les championnats dits «mineurs» avec lesquels on l'a souvent rangée. Comme l'Ukraine ou la Russie, elle se situe dans une sorte de zone intermédiaire. Mais au-delà de l'évaluation de son niveau actuel, notons qu'elle reste attractive pour un footballeur car elle lui permettra de disputer les compétitions européennes. Autant dire qu'aux yeux de la star du ballon rond, signer en Turquie ne signifie pas faire une croix sur toute ambition sportive au profit d'un gros contrat. La ferveur Passé le purement sportif, l'environnement du football turc est attrayant. Très attrayant : des stades bouillants, des supporters passionnés et des rivalités – surtout stambouliotes avec les mythiques Galatasaray, Fenerbahçe et Besiktas – qui donnent lieu à des chocs électriques... Une folie permanente confirmée par Mathieu Markaroglu dont la société gère les intérêts de plus de 70 joueurs. «Niveau ambiance, la Turquie n'a là rien à envier aux «grands championnats» d'Europe de l'Ouest. La population vit à travers le football, il y a plus de nombreuses chaînes de tv et de journaux sportifs qui suivent au quotidien chaque équipe, quatre clubs sont cotés en bourse, la plupart des clubs ont leur propre chaîne TV. L'Etat a investi depuis trois ans dans des nouveaux stades, huit d'entre eux sont terminés et plus de vingt stades de plus de 30 000 places sont actuellement en construction (D1 et D2).