Les prix du mouton de l'Aïd sur les marchés et les points de vente ouverts dans la wilaya de Bordj Bou Arréridj maintiennent leur «altitude», suscitant un profond désarroi parmi les chefs de famille à la veille de la célébration de la fête du sacrifice. De nombreux citoyens au portefeuille chétif continuent néanmoins de sillonner les marchés à bestiaux dans l'espoir — de plus en plus infime — de voir la tendance s'inverser. Il faut dire que, comparativement à l'année dernière, une hausse allant de 10.000 à 20.000 DA, est signalée par les habitués de ces marchés qui soulignent qu'un jeune mouton d'à peine six mois est proposé entre 30.000 et 40.000 DA alors que la bête de huit mois n'est jamais cédée à moins de 42.000 DA. Que dire alors du bélier calibré aux cornes en spirale... De l'avis de plusieurs maquignons, cet enchérissement du prix du mouton est la conséquence directe de l'augmentation du prix des aliments de bétail dont le prix du quintal a grimpé de 1.300 à 2.300 DA. Certains autres relèvent que les intempéries, marquées l'hiver dernier par d'importantes chutes de neige, ont empêché l'accès aux pâturages et causé, parfois, la mort d'importants troupeaux. D'autres citoyens estiment également que la contrebande de moutons vers des pays voisins, notamment la Tunisie et le Maroc, a réduit l'offre face à une forte demande, entraînant fatalement l'augmentation des prix. Des chefs de famille de condition modeste soutiennent que cette situation rend hors de portée l'agneau bien portant, nécessaire au rituel du sacrifice par les ménages à faibles revenus, surtout que l'Aïd intervient juste après les dépenses de la rentrée des classes et de l'Aïd El Fitr. «Pour un salarié moyen, joindre les deux bouts dans de telles circonstances devient très difficile, pour ne pas dire carrément impossible», assure Djamila B., fonctionnaire, qui affirme qu'avec son salaire et celui de son mari, elle n'arrive «qu'après une intense gymnastique à faire face aux charges inévitables par ces temps d'inflation et de dépréciation de la monnaie nationale». Un malheur ne venant jamais seul, l'approche de la fête de l'Aïd semble aussi avoir affolé la mercuriale des fruits et légumes. «Alors que nous nous triturons les méninges pour essayer de réunir la somme nécessaire à l'achat de l'agneau de l'Aïd, les marchands de fruits et légumes nous assomment encore avec leurs augmentations débridées», lâche amèrement Abdelbaki L. (55 ans), comptable dans une entreprise publique, père de cinq enfants. Les commerçants qui ne sont jamais en panne d'excuses, soutiennent mordicus que ces hausses répercutent celles qui «règnent» dans les marchés de gros où l'offre s'est contractée depuis quelques jours. La raison, pour ces détaillants, réside dans les pratiques spéculatives de certains gros distributeurs qui stockent certains produits pour les écouler ensuite à leur convenance, loin de tout contrôle. Face au «décollage incontrôlé» des prix, il arrive de plus en plus souvent que deux ou trois chefs de famille à faible revenus unissent leurs bourses pour acheter un mouton qu'ils se répartissent pour partager la joie du sacrifice et de la fête. Dans certains autres cas, 5 ou 6 personnes, souvent des proches, achètent ensemble un veau dont ils partagent équitablement la viande après s'être acquittés en compagnie de leurs épouses et autres membres de famille de la cérémonie de l'immolation et du dépeçage dans une ambiance de joie commune.