Surfacturations, importations fictives, fausses déclarations au fisc et commerce de drogues sont les principaux leviers permettant d'amasser des fortunes obtenues illégalement et placées à l'étranger. «Le nombre d'affaires traitées par plusieurs institutions nous placeraient au premier rang mondial», dit A. Hibouche. Nous apprenons de la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF) que cette dernière a transmis 125 affaires à la justice depuis son entrée en activité en 2005, et que dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d'argent, la CTRF a eu à signaler 1 500 affaires, dont 85 ont été traitées par la justice. Ces informations émanent du président de la Cellule du traitement du renseignement financier, Abdenour Hibouche, lors de son interview accordée à la Chaîne III. Ces affaires se rapportent, pour la plupart, aux soupçons d'infractions à la législation des changes et aux mouvements de capitaux vers ou provenant de l'étranger, notamment le transfert illicite de capitaux. La majorité de ces dossiers proviennent des déclarations de soupçons adressées par les banques à la CTRF, tandis que le reste émane des Douanes et de la Banque d'Algérie, sachant que cette cellule, placée auprès du ministère des Finances, n'est pas habilitée à procéder par auto-saisine. Jusqu'à 2011, seulement trois affaires de blanchiment avaient été transmises à la justice par la CTRF même si le nombre des déclarations de soupçons envoyées à cet organisme avait atteint 3 188 entre 2007 et 2011 avec un «pic» enregistré en 2010 lorsque la Banque d'Algérie a entamé une large opération de contrôle au niveau des banques et établissements financiers. Depuis, des mesures de vigilance et des procédures de contrôle édictées par la Banque d'Algérie ainsi que la sensibilisation des banques pour une transmission sélective des déclarations à la CTRF, excluant toutes les opérations sans lien avec le blanchiment, ont fait baisser le nombre des déclarations de soupçon reçues par la cellule. Mais en 2015, la CTRF a vu le nombre des déclarations de soupçon envoyées par les banques augmenter à 1 290 déclarations contre 661 en 2014 et 582 en 2013. Cette augmentation du nombre des déclarations «ne signifie nullement que le nombre d'affaires de blanchiment d'argent ait augmenté» en Algérie, tient à préciser la CTRF. Elle s'explique par «le souci de certaines institutions financières de se conformer strictement à l'obligation de vigilance alors que certaines affaires signalées n'ont aucun lien avec le blanchiment d'argent», commente la cellule. M. Hibouche rappelle que l'organisme qu'il dirige a eu, ces dernières années, à traiter 85 affaires portant, dans leur majorité, sur les évasions de devises «dont les soupçons sont confirmés». Il ajoute, par ailleurs, que 1 500 autres affaires ont été signalées pour traitement aux services de sécurité et des Douanes. Ajoutés à ce chiffre, il fait part des délits faisant l'objet d'examen au niveau d'autres administrations, à l'exemple de la Banque d'Algérie, des Douanes, de l'administration fiscale ou des services des Domaines, «dont le nombre -très important-, nous placerait, dit-il, au premier rang mondial». Des moyens par le biais desquels sont opérées les fuites de capitaux, M. Hibouche fait notamment état de pratiques de surfacturation de marchandises introduites dans le pays, d'importation fictives ainsi que du transfert de montants vers l'étranger, tirés pour une part, du commerce des narcotiques. Le président de la CTRF, qui affirme ne pas connaître le montant des sommes placées frauduleusement à l'étranger, signale, toutefois, que certaines parmi ces pratiques illicites sont facilitées par des professions libérales à l'exemple de celles des notaires, des avocats et des intermédiaires en bourse, en particulier, «qui ne signalent pas les transactions opérées». De la vente libre de devises sur la place publique, dont on lui rappelle qu'elle facilite la fraude fiscale, M. Hibouche répond que la Banque d'Algérie et d'autres institutions sont concernées par ce problème, sans plus. Du phénomène d'enrichissement immédiat d'individus et des signes extérieurs de richesse auxquels il donne souvent lieu, l'invité indique qu'il a figuré parmi les indicateurs à l'origine du déclenchement de certaines enquêtes.