Grâce à l'aisance financière générée par les hydrocarbures en voie d'épuisement, le gouvernement, au nom de la paix sociale, généralise les subventions, objet de cette présente contribution. Examinons quelques cas avant de dresser les lignes générales de correction. 1. Les subventions du prix du pain, de la semoule, du lait, des carburants de l'électricité et de l'eau Le prix du pain étant subventionné depuis 1996, sans subventions, le prix de la baguette actuellement à 8,50-10 dinars – officiel – dépasserait 25/30 DA, les boulangeries se rabanant sur les pâtisseries pour équilibrer leur budget avec souvent du gaspillage . Les subventions octroyées coûtent au Trésor public un différentiel qui reste mobile en fonction des fluctuations du prix d'achat de la matière première sur les marchés mondiaux. Toutefois, le Trésor public paie ce différentiel, quel que soit son niveau. D'une manière générale, le différentiel pris en charge par l'Etat pour ces produits coûte entre 2,5/3 milliards de dollars par an, ce qui représente entre 3 à 5% de la rente pétrolière par an entre 2009-2015, selon l'évolution du vecteur prix international. L'Algérie, malgré les légères augmentations contenues dans la Loi de finances 2016, est classée troisième pays où le prix du carburant est le moins cher au monde, selon les organismes internationaux. Mais conserver cette politique coûte de plus en plus cher. En effet, ces dernières années, l'Algérie est devenue importatrice de produits raffinés et paradoxe avec une importation de carburants dépassant les 2 milliards de dollars entre 2014/2015 avec un plafond de plus de 3 milliards de dollars en 2013. On importe le gas-oil par exemple au prix international et on le vend à un prix plafonné. Cela favorise la contrebande aux frontières. La différence du prix à la pompe avec les pays voisins fait que de grandes quantités de carburants traversent quotidiennement les frontières vers le Maroc et la Tunisie, sans compter les pays riverains du grand Sud. Pour l'électricité, selon un rapport du ministère de l'Energie de 2012 , car, il faut comparer le comparable, les pays du Maghreb et non pas les pays européens dont le niveau de vie est plus élevé, , la tarification algérienne tant pour la consommation des ménages que pour la consommation industrielle est la suivante avant la promulgation de la loi de fiances 2016 : pour les clients résidentiels (ménages) : entre 2 DA et 3,20 DA/kwh selon le niveau de consommation, alors que ce prix est entre 3,45 DA et 4,94 DA/kwh en Tunisie, et entre 5,27 DA et 6,40 DA/kwh au Maroc. Pour les clients industriels en Algérie, le prix oscille entre 1,48 DA et 2,15 DA/kwh selon le niveau de consommation, en Tunisie entre 2,35 DA 3,54 DA/kwh, et au Maroc entre 4,21 DA et 5,53 DA/kwh. La plus grande partie de ces écarts en faveur du consommateur algérien provient du prix du gaz fixe par l'état à l'entrée du système de production-transport-distribution de l'électricité. Le niveau du prix du gaz concédé aux centrales est de l'ordre de 10% de celui qui correspond aux transactions internationales du gaz. Le problème de la tarification de l'eau se pose à peu près dans les mêmes termes que les carburants. Son prix de cession demeure inchangé malgré des coûts croissants, problème aggravé par les déperditions du réseau de distribution (45 à 50 % de pertes, en moyenne nationale). Sur la base du prix du gaz de 0,25 dollar le million de BTU, le prix de revient de l'eau atteint environ 69 DA/m3. Le prix facturé aux consommateurs varie en fonction des volumes consommés entre 16,20 DA/m3 et 24,70 DA/m3 pour les usages industriels, et entre 3,60 DA/m3 et 24,70 DA/m3 pour les usages domestiques. Le différentiel payé par l'Etat varie entre 34 et 53 DA environ par m3 consommé, l'investissement n'étant pas pris en compte dans les prix en vigueur du mètre cube d'eau potable. Selon le ministère, si on le répercutait, le prix réel du mètre cube reviendrait à près de 60 DA, contre 39 DA/m3 pour un prix de vente de 18 DA/m3. 2. Les subventions de la santé - le transport et l'emploi Pour le système de santé, les subventions supportées par l'Etat sont importantes. En effet, l'hospitalisation coûte de 7 000 à 12 000 DA par jour selon les administrations des structures sanitaires, par jour et par patient. Un montant qui couvre l'intervention, les examens et les IRM. Le patient paye 100 DA pour une hospitalisation et 50 DA pour une visite médicale dans un CHU, un dispensaire ou un centre sanitaire. Dans une clinique privée le coût d'une hospitalisation dans le secteur privé varie entre 15 000 et 20 000 DA/jour ; celui d'un accouchement oscille entre 35 000 et 40 000 DA et à partir de 70 000 DA pour une césarienne et le montant est largement supérieur pour des interventions pointues fluctuant entre 150 000 et plus de 500 000 dinars. Pour le transport, il n'y pas uniformité devant distinguer le transport par rail subventionné des autres moyens de transport. Pour Air Algérie, les tarifs appliqués à destination de Paris oscillé entre 250 et 500 euros selon les saisons pour la classe économique alors que le même billet pour la même destination à partir de Rabat sur la compagnie Royal Air Maroc, est de 187 à 248 euros. Pour le transport routier de voyageurs, on assiste à des conflits permanents du fait du bas tarif et de la confusion de l'interprétation de l'ordonnance 95/06 et du décret 96/39 où l'on parle d'une limitation à 0,25 centimes/km pour un service de ramassage et l'autre explicite que tous les tarifs sont libres et soumis à la concurrence sauf ceux spécifiques et stratégiques. Selon l'Organisation nationale des transporteurs algériens (Onta) l'augmentation demandée n'excède pas les 2,6 dinars par kilomètres, en rappelant que la dernière révision à la hausse des prix des transports remonte à 1996. En 2016, après négociations, du fait de la hausse du prix du carburant , il y aurait augmentation de 10% on 2016. Les subventions s'appliquent également au logement social où le prix du mètre carré dans les grandes agglomérations varie de 40 000 à 300 000 DA, non supportés par les bénéficiaires, ce qui occasionne un transfert de rente. Un logement social revient à l'Etat, selon l'endroit, entre 3 et 4 millions de dinars inclus le terrain. Pour les logements sociaux qui ont été programmées pour 2012 par exemple (100 000 logements) , l'Etat devrait supporter selon certains experts 30 milliards de dinars. Quant au logement promotionnel aidé d'un prix réel de 6 millions de dinars, l'Etat le cède à environ 3 millions de dinars. Pour l'aide à l'emploi où l'entreprise qui recrute, bénéficie d'importantes facilités financières et fiscales, d'importants abattements sur la cotisation de sécurité sociale à leur charge, soit l'équivalent de 25% de l'assiette globale de cotisation. A titre d'exemple, pour un salaire de 20. 000 DA le SMIG, l'employeur ne contribue qu'à hauteur de 21%, soit 4 200 DA seulement. 15800 000 DA sont pris en charge par le Trésor public. Pour financer la retraite, l'employeur cotise à 10% et le salarié 6,75%, soit un total de 17,25%, 82,75%, étant financés par l'Etat. Les assurances sociales, notamment celles relatives à la maladie, à la maternité, à l'invalidité et au décès, sont couverts par l'Etat pour un total de 86%, sachant que les 14% restant sont assumés par les cotisations versées par l'employeur (12,5%) et le salarié (1,5%). Financées totalement sur le budget de l'Etat depuis 1995 les allocations familiales varient de 300 à 800 dinars par enfant. Enfin la charge financière du transport des étudiants, de la restauration et de l'hébergement des étudiants internes sans distinction ce qui se répercute sur la gestion des œuvres universitaires comme les frais de la carte d'abonnement annuel du transport universitaire d'un montant de 300 DA et le prix de la restauration, toujours fixé depuis les années 1970 à 1,20 DA le repas. Qu'en sera-t-il avec plus de 2 millions d'étudiants horizon 2015-2017 où uniquement pour le repas, le prix réel dépasse 500 dinars. Cela concerne également les œuvres sociales des CEM et des lycées. 3. La politique actuelle des subventions est intenable L'Etat algérien dépense sans compter, subventionne un grand nombre de produits de premières nécessités, comme les céréales, l'eau et le lait, l'électricité et le carburant. En Algérie de celui qui gagne le SNMG au chef d'entreprise nationale ou étrangère, bénéficient des prix subventionnés, n'existant pas de système ciblé de subventions. Dans son rapport en date du 18 avril 2012, la Banque mondiale fait remarquer qu'en moyenne dans le monde, 20% des plus riches bénéficient six fois plus que 20% des plus pauvres des subventions recommandant que les programmes d'aide sociale doivent être ciblés de manière à aider les ménages pauvres et vulnérables à y faire face. En 2012, 277 milliards de dinars ont été réservés aux produits de large consommation (blé, lait en poudre, etc.), soit l'équivalent du quart des subventions accordées au budget d'équipement. A cela s'ajoutent les assainissements répétés aux entreprises publiques qui ont couté au trésor public plus de 50 milliards de dollars entre 1971 et 2012, les exonérations fiscales et de TVA accordées par les différents organismes d'investissement (Andi- Ansej) y compris pour les entreprises étrangères, dont il conviendrait de quantifier les résultats par rapport à ces avantages à coup de dizaines de milliards de dinars. Ainsi, les différentes lois de finances sont des mesures qui ont pour finalité de pérenniser la politique de l'Etat en matière de subvention. Se pose le problème de l'efficacité de toutes ces subventions sur le producteur local et sur le consommateur final, avec le processus inflationniste bien que compressé artificiellement par les subventions. Comme est posée la problématique de l'efficacité du programme de la dépense publique entre 2000/2015 ,avec des surcoûts exorbitants et avec parfois des abandons de projets, estimés entre 20 à 30% pour certains projets, étant des subventions indirectes supportées par le trésor, ainsi que de l'efficacité du Programme national du développement agricole (PNDA) qui a nécessité des dizaines de milliards de dollars, (aucun bilan à ce jour) et de l'effacement de la dette des agriculteurs sur la production et la productivité agricole de l'Algérie. 4. Pour des subventions ciblées L'objectif stratégique est de concilier l'efficacité économique et la justice sociale, devant aller vers le ciblage pour les catégories les plus défavorisées et les segments que l'on veut promouvoir mais provisoirement. C'est que les subventions généralisées faussent l'allocation rationnelle des ressources rares et ne permettent pas d'avoir une transparence des comptes, faussent les normes de gestion élémentaires et les prévisions tant au niveau micro que macroéconomique, aboutissant au niveau des agrégats globaux (PIB, revenu national) à une cacophonie additionnant des prix du marché et des prix administrés. Ils découragent la production locale avec un gaspillage croissant des ressources financières du pays. Comme se pose cette question stratégique : qu'en sera-t-il avec après les trois années dégrèvement tarifaire avec l'Europe horizon 2020 et son éventuelle adhésion à l'OMC où les produits énergétiques sont également concernés notamment par la suppression de la dualité du prix du gaz, l'adhésion de la Russie et de l'Arabie Saoudite à l'OMC devant être méditée par els autorités algériennes ? Se pose cette question stratégique pour l'Algérie : peut-elle continuer à fonctionner sur la base de 70 dollars pour le budget de fonctionnement et 40-45 dollar pour le budget d'équipement constitué en majorité par les infrastructures avec des surcoûts exorbitants qui ne sont qu'un moyen de développement, la véritable richesse provenant que des entreprises concurrentielles avec comme soubassement l'économie de la connaissance. L'Etat algérien pourrait ne pas avoir les moyens de continuer à subventionner certains produits alimentaires en cas où le baril descendrait en dessous de 60 dollars, fluctuant depuis janvier 2016 entre 30/40 dollars. L'instauration d'une chambre nationale de compensation indépendante, permettant des subventions ciblées, par un système de péréquation intra socioprofessionnelle et interrégionale comme je l'ai suggéré au gouvernement en 2009( voir audit sous ma direction sur la politique des carburants -Ministère Energie -assisté des cadres de Sonatrach et du Bureau d'Etudes américain Ernest Young 2007/2008- 8 volumes ), suppose un Etat régulateur fort, mais fort par sa moralité, des compétences, la ressource humaine, richesse pérenne, et la démocratisation des décisions. Cela implique forcément un réaménagement profond de la logique du pouvoir algérien reposant sur les forces sociales réformistes. Le pouvoir actuel est actuellement assis sur les couches rentières tissant des relations dialectiques avec la sphère informelle spéculative, dépensant sans compter pour une paix sociale fictive grâce aux hydrocarbures qui s'épuiseront horizon 2030 au moment où la population algérienne sera d'environ 50 millions d'habitants. Y a t-il une réelle volonté politique, loin des discours, de changer de politique économique pour l'émergence d'une économie hors hydrocarbures et ce pour le bien être de l'Algérie et des générations futures, mettant fin au cancer de l'économie de la rente qui se diffuse dans la société par des subventions généralisées et des versements de traitements sans contreparties productives décourageant l'appareil productif ? Face à la concentration excessive du revenu national au profit d‘une minorité rentière, une corruption socialisée qui menace la sécurité du pays. Cela renforce le sentiment d'une profonde injustice sociale, l'austérité n'étant pas partagée, la majorité des Algériens veulent tous et immédiatement leur part de rente, reflet du divorce Etat / citoyens, quitte à conduire l'Algérie au suicide collectif.