Au moment où les représentants de la diplomatie internationale, à leur tête l'Algérie, conjuguent et multiplient leurs effets pour un règlement pacifique du conflit libyen ; au moment où un brin d'espoir se profile, de temps à autre, à l'horizon politique, voilà que le train des intérêts personnels vient altérer les efforts et les acquis déjà enregistrés depuis presque deux ans. Dans ce sens, les enjeux diffèrent d'un camp à l'autre. Entre les deux camps, l'Est et l'Ouest, la priorité ne semble pas être donnée à la lutte commune contre Daech. Et pour cause, la récente reprise de Syrte des mains de Daech semble constituer une considération assez secondaire dans les opérations militaires actuelles. Les mouvements de troupes de ces derniers jours visent, en fait, à gagner un maximum de terrain dans la guerre de positions qui s'annonce pour le contrôle de tout le centre de la Libye et dont l'issue préfigurera les frontières en cas de partition du pays. Les affrontements les plus sérieux, entre les hommes de Khalifa Haftar et les milices de l'ouest, ont ainsi eu lieu le 3 mai à Zallah, bourgade située à 300 km au sud-est de Syrte, en dehors de tout axe d'accès à la ville ! Elle permet en revanche de protéger le flanc sud du très stratégique croissant pétrolier qui s'étend, à l'est de Syrte, d'Es Sider à Zueitina, par où transite la quasi-totalité du pétrole produit par la Libye. Plus près de Syrte, la base aérienne de Ghardabiya (qui est aussi un aéroport civil), actuellement hors d'usage, fera aussi l'objet des convoitises des deux camps. Même chose pour les réservoirs d'eau situés à proximité, qui sont une pièce maîtresse de la «Grande rivière artificielle» alimentant en eau toute la côte libyenne depuis le sud du pays. Enfin, l'offensive de Khalifa Haftar risque toutefois de dégénérer en affrontement généralisé entre l'est et l'ouest. Les milices de Fajr Libya ont déjà réagi en attaquant ses colonnes, notamment par voie aérienne, le 3 mai. Et les députés de la Chambre des représentants de Tobrouk, qui voulaient se réunir à Ghadamès pour voter la confiance au gouvernement «d'union nationale» de Fayez Sarraj (dominé par les Misratis), hésitent désormais à se mettre en porte-à-faux avec Khalifa Haftar et leur base électorale de l'est.