Benyamin Netanyahou a réagi vivement à la résolution 2334, qui pointe la contradiction entre son soutien aux colonies et son engagement en faveur d'un Etat palestinien. Déjà partis en vacances, certains ont été remplacés au pied levé. D'autres ont bousculé leur agenda familial. Dix ambassadeurs en Israël, parmi les quinze pays qui ont permis l'adoption au Conseil de sécurité des Nations unies de la résolution 2334 condamnant la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, ont été convoqués au ministère israélien des affaires étrangères, dimanche 25 décembre. Après la volte-face du Caire, quatre pays – la Nouvelle-Zélande, la Malaisie, le Sénégal et le Venezuela – avaient finalement obtenu qu'un vote soit organisé vendredi 23 décembre. Le représentant américain, Daniel Shapiro, a bénéficié d'un traitement spécial, à la hauteur de l'offense faite par la Maison Blanche, aux yeux de Benyamin Netanyahou, en s'abstenant lors du vote du texte onusien. Il a été reçu dans la soirée par le premier ministre en personne. C'est peu de dire que la résolution 2334 a provoqué la colère des autorités israéliennes. Celles-ci ont rivalisé d'emphase et de mesures symboliques pendant le week-end, feignant de découvrir le consensus international existant depuis des décennies contre la colonisation. La résolution votée est «biaisée» et «honteuse», a estimé M. Netanyahou, qui a mis en cause l'administration Obama, «à l'initiative». Utilisant un ressort habituel, il a détourné le sens du texte onusien, en prétendant qu'il remettait en cause la présence juive au mur des Lamentations, alors que le site n'est nullement mentionné. Les semaines à venir sont semées d'obstacles En réaction, le Premier ministre a annoncé une réévaluation de «tous les engagements d'Israël avec l'ONU». Il a donné l'ordre de réduire de 30 millions de shekels (7,5 millions d'euros) le financement de cinq organismes qui y sont rattachés. De son côté, le ministre de la Défense, Avigdor Lieberman, a proclamé la fin, en Cisjordanie, des contacts non sécuritaires entre le Cogat (l'administration israélienne chargée de la coordination des activités gouvernementales dans les territoires) et la direction palestinienne. «Ces contacts sont très utiles en cas de tensions, dans un village par exemple, explique Kobi Lavy, ancien chef du renseignement au Cogat. Ils empêchent beaucoup de problèmes de survenir.» Le Premier ministre israélien a demandé à ses ministres de réduire les échanges avec leurs homologues des pays impliqués dans le vote. Mais il les a aussi appelés à agir «de façon responsable», donc d'éviter les provocations. M. Netanyahou craint les conséquences juridiques de la résolution 2334, qui pourrait nourrir des recours devant la Cour pénale internationale, mais aussi l'émergence d'une dynamique diplomatique défavorable. Les semaines à venir sont semées d'obstacles. Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, devrait tenir un discours en guise d'adieu, et rappeler les paramètres d'une solution négociée avec les Palestiniens. Puis, le 15 janvier, se tiendra à Paris la seconde conférence internationale sur le Proche-Orient voulue par la France, qui accueillera près de 70 pays. Une forme d'impunité diplomatique Le communiqué final de la conférence de Paris sera convenu entre conseillers dès le 6 janvier. «Il faut fixer de grands principes par écrit, avant d'entrer dans une période d'incertitude totale», explique un diplomate français, en référence à l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. Israël redoute dans l'immédiat un phénomène d'émulation, qui conduirait au dépôt d'une nouvelle résolution au Conseil de sécurité de l'ONU, cette fois sur les paramètres d'un règlement final du conflit. D'où l'ampleur et le volume de la réponse officielle. «On crée un climat pour que rien d'autre ne puisse arriver, par effet épouvantail», glisse un haut fonctionnaire. Le gouvernement israélien vivait, jusqu'à vendredi, dans une forme d'impunité diplomatique, protégé par le parapluie américain au Conseil de sécurité. Or, depuis les élections législatives en 2015, la coalition la plus à droite de l'histoire a radicalisé M. Nétanyahou, sans farouche résistance de sa part : prédominance de la question identitaire, idée de plus en plus répandue que la solution à deux Etats est morte, tentation d'une annexion de la zone C (60 % de la Cisjordanie). La perspective d'une présidence Trump est vue comme une bénédiction par les tenants de cet enterrement définitif des accords d'Oslo. La désignation par le président élu américain d'un partisan déclaré des colonies comme ambassadeur américain, David Friedman, et le déménagement promis de l'ambassade de Tel-Aviv vers Jérusalem annoncent une rupture inédite. Double langage M. Netanyahou feint la surprise et l'outrage face à la résolution du Conseil de sécurité. Il en est pourtant le premier responsable, après avoir défendu des positions inconciliables. Il se dit toujours favorable à l'émergence d'un Etat palestinien – démilitarisé et reconnaissant Israël comme Etat juif – conformément à son discours de l'université Bar-Ilan en 2009. Mais, en même temps, il ne cesse de donner des gages aux colons, jusqu'à la caricature dans le cas de l'avant-poste d'Amona. Au lieu d'appliquer fermement une décision de la Cour suprême ordonnant son démantèlement avant le 25 décembre, M. Netanyahou a monté une opération de sauvetage avec l'extrême droite. Il a consenti des efforts et des moyens extravagants, pour quarante familles installées illégalement sur des terres privées palestiniennes. Le 18 décembre, M. Netanyahou assurait même qu'«aucun gouvernement n'avait montré autant d'attention envers les colonies», et cela «par amour». C'est ce double langage, l'un à l'étranger et l'autre en Israël, qui est aujourd'hui exposé au grand jour. Les membres du Conseil de sécurité n'ont pas seulement condamné la colonisation. Ils ont aussi sommé le chef du gouvernement israélien de cesser ses dérobades. «Il faut faire un choix entre les colonies et la séparation», a résumé l'ambassadrice américaine à l'ONU, Samantha Power. A sa façon, le chef de file du parti extrémiste Le Foyer juif, Naftali Bennett, a dit la même chose dimanche, sous forme d'avertissement pour l'avenir de la coalition au pouvoir en Israël : «Soit on fait partie du camp national et on est contre un Etat palestinien, soit on a des résolutions de l'ONU contre nous.» Selon la presse, M. Bennett compte profiter de cette crise pour militer au Parlement en faveur d'une annexion de la colonie de Maale Adumim (40 000 habitants), près de Jérusalem.