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L'Algérie a-t-elle une véritable politique industrielle : cas des unités de montage de voitures, du phosphate et du fer ?
Publié dans La Nouvelle République le 16 - 01 - 2017

Au lieu de discours chauvinistes sous la pression des évènements auxquels personne ne croit, il faut analyser lucidement la situation pour répondre concrètement aux défis de l'Algérie. Ainsi, selon le rapport du 10 janvier 2017 de la Banque mondiale, les prévisions de croissance pour l'Algérie sont en baisse, passant de 3,6% en 2016 à 2,9% en 2017, 2,6% en 2018 et 2,8% en 2019, en raison du recul des dépenses dans les infrastructures, principal moteur de la croissance et du climat des affaires.
A quels coûts hors taxes, l'Algérie produira cette voiture et en tendance lorsque le dégrèvement tarifaire allant vers zéro selon les Accord qui la lie à l'Union européenne seront appliqués et dans ce cas quelle est la valeur ajoutée interne créé par rapport au vecteur prix international (balance devises tenant compte des inputs importés et de l'amortissement tous deux en devises) ? La carcasse représentant moins de 20/30% du coût total c'est comme un ordinateur, le coût ce n'est pas la carcasse (vision mécanique du passé), les logiciels représentant 70/80% et ne pouvant interdire l'importation, ces mini projets seront –ils concurrentiels en termes du couple coûts/qualité dans le cadre de la logique des valeurs internationales ? - Quatrièmement, construit-on actuellement une usine de voitures pour un marché local alors que l'objectif du management stratégique de toute entreprise n'est –il pas ou régional, voir mondial afin de garantir la rentabilité financière face à la concurrence internationale et cette filière n'est –elle pas internationalisée des sous segments s'imbriquant au niveau mondial ? - Cinquièmement, l'industrie automobile étant devenue capitalistique, (les tours à programmation numérique éliminant les emplois intermédiaires) quel est le nombre d'emplois directs et indirects créés, renvoyant à la qualification nécessaire tenant compte des nouvelles technologies appliquées à l'automobile ? - Sixièmement, quelle sera le coût et la stratégie des réseaux de distribution pour s'adapter à ces mutations technologiques? - Septièmement, ces voitures fonctionneront-elles à l'essence, au diesel, au GPLC, au Bupro, hybride ou au solaire ? - Huitièmement, comment pénétrer le marché mondial à terme avec la règle des 49/51% avec le risque que l'Algérie supporte tous les surcoûts conduisant à l'endettement? 2.- Quelle rentrée de devises pour le phosphate et le fer ? 2.1- Le phosphate substitut au pétrole ? La valeur en bourse du phosphate a varié entre 2015/2016 entre 100/115 dollars la tonne, le prix du phosphate brut ayant été divisé par trois depuis son pic de l'année 2008 et chuté de -43,2% depuis l'année 2011. Pour les dérivés du phosphate, il faut se poser la question stratégique de la cession du prix du gaz par Sonatrach à ces unités fortes consommation d'énergie et polluantes comme la sidérurgie. La tonne de diammonium de phosphate est descendue sous les 400 dollars, d'autant que la Chine inonde actuellement le marché. le marché des engrais subissant la déprime des prix agricoles et indirectement la baisse des prix du pétrole, ,le prix de cession du gaz étant indexé .Selon les prévisions de la Banque mondiale, la tendance générale et à moyen terme des prix des produits phosphatés reste orientée à la baisse : le phosphate brut se négocierait en 2020 autour de 80-85 $ la tonne métrique, celui du DAP autour de 377,5 $ la tonne métrique (contre 464$ au mois d'avril 2015) et le TSP à près de 300 $ la tonne métrique contre 380 aujourd'hui. Ainsi, si l'on exporte 3 millions de tonnes de phosphate brut annuellement à un cours moyen de 100 $/t entre 2017 et 2020, nous aurons un chiffre d'affaires de 300 millions de dollars. Comme dans cette filière les charges sont très élevées (amortissement et charges salariales notamment) avec un minimum de 40%, le profit net serait de 180 millions de dollars. En cas d'association avec un partenaire étranger selon la règle des 49/51%, le profit net restant à l'Algérie serait légèrement supérieur à 90 millions de dollars. Pour une exportation annuelle hypothétique en vitesse de croisière de 30 millions de tonnes an - ce qui supposerait de trouver des débouchés et un lourd investissement -, le profit net ne dépasserait pas 1 milliard de dollars. On est loin des profits générés par les hydrocarbures. Pour accroître le profit net, il faut donc se lancer dans des unités de transformation hautement capitalistiques avec des investissements lourds et à rentabilité à moyen terme. Sur un marché aussi concurrentiel que l'UE, l'engrais /urée était vendu à plus de 350 euros la tonne en 2014 et a été coté le 27 juillet 2016 à 270 euros la tonne et le prix de l'ammoniac sur le marché mondial est très volatile pouvant varier ces trois dernières années entre 450 et à 600 euros la tonne, soit entre quatre et cinq fois le brut. Pour une grande quantité exportable, il faut des investissements très lourds et à rentabilité à moyen terme (pas avant 2020 si le projet se réalise en 2016). Et pour une importante quantité exportable, il faut un partenariat du fait du contrôle de cette filière par quelques firmes au niveau mondial. 2.2- Qu'en est-il de l'apport en devises pour le fer ? Pour le fer, les réserves mondiales sont évaluées par les organismes internationaux à 85 000 millions de tonnes (Mt). L'Algérie n'est pas citée dans les statistiques internationales mais selon les données algériennes, ses réserves (gisements exploitables) varient entre 1 500 et 2 000 Mt. La production mondiale de fer s'élève 3,32 milliards de tonnes, et de très loin, la Chine est le premier producteur, suivie par l'Australie et le Brésil. Le prix du fer est fluctuant. Si l'on s'en tient aux statistiques de l'Union européenne en termes d'importation, les cours ont évolué ainsi : 84,49 euros la tonne métrique en janvier 2009, 116,84 en janvier 2012, 83,77 en janvier 2013, 96,27 en janvier 2014, 63,51 en janvier 2015. En octobre 2016, le prix du fer s'est s'établi à 58 dollars la tonne et en janvier 2017 s'oriente vers 78 dollars la tonne. La Banque canadienne SCOTIA, spécialisée dans l'évolution des cours des matières premières, prévoit, dans une note de conjoncture datée du 6 juillet 2016, un prix international entre 48 et 50 $ la tonne métrique entre 2017 et 2018, tout dépendant de la relance de l'économie de la Chine, dont les aciéries ont absorbé 70 % de la demande mondiale du minerai de fer entre 2014 et 2015. Pour le cours de l'acier très fluctuant, il a été coté début janvier 2017 à 622 USD dollars la tonne, contre 550 dollars la tonne la fin du premier semestre 2016 et pouvant, selon les qualités, fluctuer entre 500 à 900 dollars la tonne. A un cours de 60 $ la tonne de fer (hypothèse optimiste), pour une exportation brute de 3 millions de tonnes /an, nous aurons un chiffre d'affaires de 180 millions $ dont il faudra retrancher 40% de charges (le coût d'exploitions est très élevé) ; resteraient 108 millions $ à se partager selon la règle des 49/51%, ce qui ferait moins de 55 millions $ pour l'Algérie. Et même si on exportait 30 millions de tonnes /an, le profit net pour l'Algérie ne dépasserait pas 600 millions $/an. C'est que l'exploitation du fer de Gara Djebilet nécessitera de grands investissements dans les centrales électriques, des réseaux de transport, une utilisation rationnelle de l'eau, le règlement du problème de l'éloignement des sources d'approvisionnement, des mesures de protection de l'environnement et, surtout, une formation pointue des travailleurs. Seule la transformation en produits nobles peut procurer une valeur ajoutée plus importante à l'exportation. Il ne faudrait pas renouveler les expériences négatives d'El Hadjar, qui, malgré les nombreuses promesses et les assainissements répétées, est toujours en difficulté. Conclusion : éviter les utopies Environ 83% de la superficie économique est constituée de petits commerce /services , plus de 95% du tissu industrie, de PMI/PME à structures familiales peu innovantes, directement et indirectement 97/98% des recettes en devises provenant des hydrocarbures à l'état brut ou semi brut, et 70% du taux de croissance et du taux d'emploi irrigué par la dépense publique via la rente des hydrocarbures. Tant pour l'industrie automobile que du phosphate et du fer (brut ou semi-brut), la commercialisation dépend tant des contraintes d'environnement, du management stratégique interne, de la teneur chimique - donc de leur pureté qui détermine le coût d'exploitation et la croissance -, et, enfin, de la croissance de l'économie mondiale . Du fait de la structure oligopolistique de la filière automobiles, et des mines, au niveau mondial, la seule solution est un partenariat gagnant/ gagnant avec les firmes de renom qui contrôlent les segments du marché international et qui n'accepteront pas la règle restrictive des 49/51% avec ses lourdeurs bureaucratiques, la souplesse et les décisions du temps réel régissant le commerce international.. Aussi, les responsables ne doivent pas diffuser des données biaisées qui induisent en erreur l'opinion publique et avoir un langage de vérité. Elles doivent éviter certaines déclarations utopiques comme celles prétendant que l'Algérie économiserait 30 milliards de dollars durant les trois ou quatre prochaines années grâce aux mines et aux montages de voitures, alors que l'économie productive de 2017 est embryonnaire. Je ne rappellerai jamais assez que le moteur de tout processus de développement réside en la recherche développement, que le capital argent n'est qu'un moyen et que sans l'intégration de l'économie de la connaissance aucun projet n'a d'avenir, en ce XXIème siècle, face à un monde turbulent et instable où les innovations technologiques sont en perpétuelle évolution. L'Algérie doit investir dans des segments à avantages comparatifs tant dans l'agriculture, le tourisme, importants gisements et les nouvelles technologies que dans des sous-segments de filières industrielles tenant compte des changements dans le monde. (Suite et fin) Professeur Abderrahmane Mebtoul expert international

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