Cela semble être la grande maladie de ce début de XXIe siècle, du moins au sein du système impérial et de ses dépendances. Désormais, tout n'est plus que complots russes, piratages moscovites, sombres manigances kremliniques et ombre poutinesque... Shakespeare doit se retourner dans sa tombe en voyant la sottise gagner le royaume de Sa Gracieuse Majesté, où le ministre de la Défense accuse sans rire le leader travailliste Jeremy Corbyn, qui a eu le malheur de remettre en question l'existence et les menées de l'OTAN, de «collaborer avec le Kremlin». Son homologue danois ne craint visiblement pas le ridicule en avertissant que son pays est en danger imminent : «les hackers d'Etat russes sont prêts à attaquer nos hôpitaux, nos infrastructures et notre système électrique» (il a oublié les parcs d'attraction...). Avec l'investiture du Donald, les tragi-comiques accusations du Deep State semblent avoir fait un flop et Poutine a beau jeu d'ironiser sur ce «délire total»: «L'administration Obama donne l'impression qu'après s'être entraînée à Kiev, elle est prête à organiser un Maïdan à Washington même (...) Ceux qui sont derrière ce rapport (accusant Trump) sont pires que les prostituées qu'ils décrivent. » Toutefois, le spectacle donné ces dernières semaines restera dans toutes les mémoires et les psycho-historiens du futur se pencheront avec délice sur l'hystérie de l'empire déclinant. Mais la palme revient peut-être à la junte ukrainienne installée par Washington en 2014. La dernière trouvaille des petits génies de Kiev : payer 20% plus cher du gaz russe transitant par l'UE pour ne pas avoir à s'adresser directement à Moscou ! «Poroclown» s'imagine peut-être que passé par les tubes européens, l'or bleu russe perd sa marque d'infamie... Nul doute que l'Ukrainien de base, qui voit son pays au bord du gouffre économique et financier, appréciera. Et puisque nous sommes dans la région, faisons un détour par la Moldavie. Comme beaucoup d'autres, les Moldaves découvrent que le système impérial se paye de mots, grande spécialité occidentale s'il en est. Envolées lyriques, symboles, grandes promesses (non tenues), coups de menton... mais derrière ? Biden - Joe l'Indien pour les intimes - peut bien comparer la «démocratisation de l'Ukraine» (comprendre : le passage sous la coupe euro-atlantique) à un voyage sur la lune, ça ne changera rien à l'ornière dans laquelle s'enfonce toujours plus l'Ukraine depuis le putsch du Maïdan.