L'Espaco est le nouvel éden des jeunes artistes algériens et internationaux. Ouvert depuis deux ans, l'espace de 400 mètres carrés est l'un des rares espaces avec les Ateliers sauvages ou Seen Art Galery qui ont été conçus exclusivement pour la monstration professionnelle d'œuvres d'art. Mais l'Espaco reste un endroit qui recèle bien plus de ressources de fait. En effet, il est possible ici de faire de la cuisine en ateliers, d'apprendre le dessin à la carte pour adultes et enfants, on peut lire des livres, se raconter des histoires, voir des films, et apprendre l'histoire de l'art à travers des master-class de haut niveau, dont la première a été fructueuse du 13 juin au 13 juillet 2017. Et puis, à l'Espaco, en sus de la présentation d'artistes confirmés et d'artistes émergents, le domaine du possible est avéré par la possibilité aux amateurs de belles lettres de se parfaire en écriture créative par l'organisation de Master-class proposées par des professionnels, écrivains, réalisateurs ou universitaires dans le domaine des scenarii, d'écritures de pièces de théâtre, ou de romans, essais, ou nouvelles. Une expérience inédite qui ne peut être organisée qu'avec un nombre minimal et où le public semble encore bouder ces propositions qui répondent pourtant d'une manière inédite à la demande générale. On peut dire aussi que les amateurs de vers ou de mélodies et de concerts unplugged en auront pour leur frais puisque l'espace propose son agora à toute vente-dédicace de livres ou de récital de poésie ainsi que les présentations de mini-concerts pour les parutions d'albums par exemple. La culture dans tous ses états donc pour, l'Espaco (l'Espace contemporain) qui possède à son actif plus d'une cinquantaine d'évènements majeurs dans la scène algérienne, revient cette fois ouvrir ses espaces à une très belle exposition de photo de Sofiane Bakouri et d'arts plastiques de Noureddine Benhamed qui viennent respectivement de Béjaïa et de Tlemcen. Bakouri présente une série de photos de format 30/40 prises en Algérie et en Tunisie entre 2016 et 2017 qu'il accompagne d'une plume féminine de Amel Safia Belhabib et des ombres tutélaires de Salgado, Hans Steiner ou Ferhat Bouda. Dans cette série de travaux en noir et blanc, sur un contraste saisissant, Sofiane Bakouri, du haut de ses 29 piges, intitule ses clichés, «Artistic Autopsy», il sature ses prises de vue et le noir prend le dessus sur les blancs qui deviennent ici les faire-valoir d'une expression qui dépasse le simple contraste de valeurs pour inscrire la technique dans le pur expressionnisme qui délivre sa part de messages ultimes, chacune des photos évoque «un moment de perte, d'égarement, de solitude, de douleur enfouie... de ce besoin de liberté inné de briser les chaînes qui nous privent d'aller de l'avant, de vivre pleinement sans ce « il ne faut pas, c'est interdit par... ». Sincérité, amitié, affection, Sofiane Bakouri, multiprimé, reste très expressif, sans doute très modeste. Il reste puissant, noir dans son regard, mais sans jamais se départir de sincérité ni d'éthique, ses photos sont fortes, mais elles portent aussi cette affection, cette dimension humaine et la tendresse qu'il dédie au regardeur, on ne manque pas de remarquer son talent d'inscrire son art dans la durée. Les tirages limités à trois exemplaires sont un gage de plus à sa démarche intéressante, donner une nouvelle dimension à la photo. Il est à découvrir à l'Espaco, son regard vaut vraiment le détour en suivant aussi ses projets futurs avec Pierre Gassin d'ouvrir la deuxième maison de la photographie au Maghreb après celle de Tunisie. Pour son pendant de cette expression résolument excellente, Sofiane Bakouri, le travail est en lui-même un manifeste, il partage avec son pair, un allant naturel féministe, se laisse accompagner par des textes de la gent féminine, un bel exemple de cette nouvelle génération d'artistes qui font de l'humanisme un pied de nez à toutes les intolérances. Le plasticien use justement de cette esthétique très raffinée, l'homme est affable, un physique un peu phénicien, l'œil protégé par des lunettes qui finissent de compléter son look intello. Pourtant sa modestie timide lui fait un peu vouter les épaules, le doute lui rend facile cette accolade qu'il vient chercher chez vous comme pour le rassurer que vous l'aimez bien, que vous aimez bien son travail. Parlons de ce travail qui est fondamentalement inscrit dans l'humanisme le plus déférent car il intègre des hommages permanents, des tributs versés aux femmes, aux militantes, aux écrivains comme Dib, Sofiane Bakouri, né à Tlemcen en 1984, diplômé des beaux-arts d'Oran en 2007, ne laisse aucun art vacant, il est plasticien décorateur, réalisateur, peintre... Dans ses travaux présentés à l'Espaco, il fait la monstration d'une œuvre sensible en papier, laissant ses lavis dériver vers de longues plages blanches, quelques phrases pour donner des pistes, des personnages languides, statiques pour certains, pour d'autres, ils sont une incarnation du mythe de Sisyphe dans l'histoire composée en quatre planches sous-verre, le rocher illustré comme dans une planche de livre, l'illustration et le texte prennent le pouvoir sur les dessins. D'autre part, des peintures abstractives, composées sur un fond rempli et des plages blanches, le plasticien n'aime pas les fioritures, ils réalise des scènes avec des personnages sensibles, étranges, insolites qui passent leur destin homérique sur des échelles fragiles, rouges, des ballons de baudruche en guise de tête, la posture un peu d'Atlas portant le monde, la symétrie en plus...un peu comme ces citoyens lambda portant l'Algérie sur les épaules. Benhamed porte en lui les germes d'une révolte tranquille, ses travaux sont intelligents et intelligibles, l'histoire dans ses œuvres est de qualité, la fragilité et la subtilité de son trait et de ses couleurs laissent une expression de grandeur par sa qualité, les montages poétiques, aphorismes et sentences sur des notes illustrées, dessinées, peintes savamment nous emmènent en rendez-vous vers le talent pur et l'intellect. Noureddine Benhamed est à suivre de près, il nous offre avec Sofiane Bakouri une belle exposition, ces deux plasticiens, sont représentatifs d'une nouvelle intelligence artistique et c'est tant-mieux. Exposition de Noureddine Benhamed et Sofiane Bakouri, peintures et photo l'Espaco Gallery, du 8 au 22 juillet 2017, Espaco, résidence CMB 196, Oued Tarfa El Achour, entrée libre, renseignements au 066 5208798 et 0558281016.