La salle est immense, un parquet donne de la chaleur au tout, les murs blancs donnent le ton à cet espace fabuleux. Le High tech le partage avec une chaleur ambiante dégagée par les spots allumés. Sur toute la salle des figures chimériques donnent un effet mystérieux décliné sur une vingtaine de tableaux qu'on aurait cru à l'huile de prime abord. Aujourd'hui, 13 février 2016, l'ambiance est grisâtre, le temps est à la pluie. Dans nos contrées, c'est bénéfique, de bon augure pour ceux qui produisent. Lui est là comme perdu dans l'immensité qu'il a pourtant domestiquée par une série de travaux fulgurants. Longue silhouette un peu dégingandée, engoncée dans une sorte de parka qui nous fait oublier sa chemise à carreaux rouges et blancs. On nous présente, il déclare me connaître... Tous les discours qu'il provoque finissent par exaspérer, on parle de lui comme de la nouvelle révélation de la peinture contemporaine algérienne, il rejoint bien malgré lui l'effet de mode et les discussions mondaines, on le cite à la télé, à la radio et dans la presse libre comme un exemple du renouveau de la peinture algérienne, son retour à la vie...il est un peu au-dessus de tout ça, mais le problème est que c'est vrai. Entre Mehdi Djellil, Ameur le fils, Krinah, Maya Bencheikh Lefgoun, Agagnia et bien d'autres, heureusement fort nombreux, la génération montante, déliée de ses douleurs terroristes, affranchie de ses monstrueuses images mortifères revient aujourd'hui vers la lucidité, l'intelligence d'une esthétique farouchement tournée vers la vie, même si cette dernière possède ses notes acidulées faites d'un art résolument contemporain, ancré dans sa politique et dans les méandres tortueux de sa sociologie si particulière. Le problème de ce que l'on dit de ce jeune plasticien qui monte, qui monte est fondamentalement réel. Premières images, léchées à l'acrylique sur de la toile, souvent immense, et puis de temps à autres de moyens formats, ici quelques sept ou huit dessins, gribouillés génialement à coups d'empâtements nerveux mais aussi limpides qu'une poésie de Boris Vian dans ses meilleurs jours. Jaunes agités, rouges timides, des masses de bleus d'une tonalité oubliée, et ces noirs, des noirs partout pour finir de «signer» énergiquement des œuvres nombreuses qui font de ce jeune plasticien un artiste prolifique, présent sur de nombreuses phases de la jeune histoire de l'art algérien, entre présences collectives marquées de succès notables, une exposition individuelle réalisée à Oran à l'Institut français en 2013, il vibre de mille et une couleurs au Carrousel du Louvre en 2014-2015, à la Bastille et bientôt en Espagne et France ou Paris lui a ouvert les bras suite à une exposition virtuelle sur un réseau social qui lui a valu une présence plus concrète dans l'hexagone suite à un coup de cœur d'un mécène amoureux de sa peinture. On le verra aussi à Strasbourg toujours en 2014-2015 et aussi à Maastricht en Hollande... Adlène Samet, jeune plasticien, est loin d'être le bobo que l'on s'imagine, élevé avec une cuillère d'argent dans la bouche. Il naît en 1989 à El-Harrach, fait ses études dans ce quartier populaire mythique et intègre ensuite un lieu aussi légendaire, l'Esba d'Alger pour quelques sessions mémorables de dessins et de peinture dont il sortira diplômé en 2014, avec des outils qui seront ses meilleurs viatiques pour un parcours déjà étoffé. Il est à la Tna Galery en 2014 pour une séance inauguratrice attendue et dont on attend le réveil d'un jour à l'autre. Pour « Regard's » Adlane Samet, ment effrontément son absence de culture dessinée, son apprentissage du pinceau, et sa relative ignorance affirmée par souci de modestie, ses compositions vivaces animées des plus belles intentions font mouche, couleurs flamboyantes, équilibre des masses, formes originales, gestuelle virevoltantes et touches subtilement menées sur les supports, toiles et papier...il réalise des performances dessinées qui nous mènent bien loin dans l'histoire de l'humanité, la touche en avant et la couleur en bandoulière, mettant en scène moult personnages chimériques volés à l'histoire de l'humanité, entre faunes étranges chevauchant des créatures célestes foudroyées par les lames de la trahison «Trahison» ou les incroyable doutes et appréhension «joués» par deux ébauches de personnages qui s'oublient dans une gestuelle colorée de l'artiste qui compose un tourbillon de nuages autour de ce fameux «Bouton Rouge» si mystérieux. Pourtant Adlène Samet est limpide dans son expression, elle est violente, acerbe, méchante avec les hommes, mais si réalistes avec les personnages hybrides qu'elle représente, il s'agit entre « à Coups de sabots », de « Toi et moi », « Maman je t'en supplie ! », « Koufa » d'autant de peinture d'une réalité volée avec talent à la fantasmatique qui nous appartient tous, Samet jeune héros né entre les colonnes d'Hercule et l'océan indien aurait pu être scribe à Thèbes ou artiste à Pompeï. Il est l'un des rares artistes algériens à porter en lui la méditerranée dans une vérité palpable, que la lumière l'accompagne dans les rets perturbés d'un art en recherche de soi...que la vérité continue de l'accompagner, il y va de notre plaisir à tous... «Regard's», exposition de peinture de Adlène Samet, visible à l'Espaco, Résidence CMB 196, Oued Terfa, El Achour, du 13 février au 13 mars 2016, entrée libre.