Le président américain Donald Trump a accepté de participer à un sommet historique avec le leader nord-coréen Kim Jong Un, un rebondissement spectaculaire dans un des conflits les plus épineux du globe. Impensable il y a quelques semaines, cet accord intervient après deux années de très vives tensions entre Washington et Pyongyang liées aux programmes nucléaire et balistique nord-coréens. Dans une brève allocution devant la West Wing de la Maison Blanche, à la nuit tombée, Chung Eui-yong, conseiller national sud-coréen à la Sécurité, a annoncé jeudi soir que le 45e président des Etats-Unis avait accepté l'invitation du Nord. Le leader nord-coréen «a fait part de son désir de rencontrer le président Trump le plus vite possible», a-t-il dit. «Le président Trump a apprécié le compte-rendu et a dit qu'il rencontrerait Kim Jong Un d'ici fin mai pour parvenir à la dénucléarisation permanente, a-t-il ajouté. La Maison Blanche a confirmé que le président américain, 71 ans, avait accepté la proposition du dirigeant trentenaire. Une évolution de taille quand ont sait que le milliardaire américain qualifiait, il y a peu, M. Kim de «petit homme fusée» et de «petit gros», tandis que ce dernier traitait l'occupant de la Maison Blanche de «malade mental gâteux». Russie et Chine satisfaites La Chine et la Russie ont salué vendredi l'annonce. «Nous nous félicitons du signal positif que constitue ce dialogue direct», a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Geng Shuang. Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a pour sa part salué «un pas dans la bonne direction». «Nous espérons que cette rencontre va avoir lieu», a-t-il souligné. Le Premier ministre japonais Shinzo Abe a pour sa part nuancé qu'il n'y avait «pas de changement de politique» de Tokyo et Washington. «Nous continuerons à exercer une pression maximale jusqu'à ce que la Corée du Nord prenne des mesures concrètes vers une dénucléarisation», a-t-il dit. D'un tweet, Donald Trump, a salué de son côté de «grands progrès» sur le dossier nord-coréen, insistant sur le fait que l'homme fort de Pyongyang avait parlé de «dénucléarisation», pas seulement d'un «gel» des activités nucléaires. «Les sanctions doivent rester en place jusqu'à ce qu'un accord soit trouvé», a-t-il ajouté. M. Chung a par ailleurs précisé que Kim Jong Un s'était engagé à oeuvrer à la «dénucléarisation» de la péninsule coréenne et a promis de s'abstenir «de tout nouveau test nucléaire ou de missile» pendant d'éventuelles négociations. «La rencontre de mai restera comme le tournant historique qui a permis de réaliser la paix sur la péninsule coréenne», a déclaré vendredi le président sud-coréen Moon Jae-in. L'annonce s'inscrit dans le cadre d'une remarquable détente sur la péninsule depuis que M. Kim a annoncé qu'il enverrait une délégation aux Jeux olympiques d'hiver de Pyeongchang, vendus par M. Moon comme les «JO de la Paix». Frénésie diplomatique Après deux années de montée des tensions, ces deux derniers mois ont été marqués par une frénésie diplomatique entre le Nord et le Sud de la Zone démilitarisée (DMZ). Ultime illustration en date, la visite au Nord en début de semaine d'une éminente délégation sud-coréenne, pour la première fois en dix ans. Après s'être longuement entretenu lundi à Pyongyang avec Kim Jong Un, M. Chung avait assuré que ce dernier était prêt à bouger sur le dossier longtemps tabou de son arsenal nucléaire. Nord et Sud ont décidé selon Séoul de la tenue fin avril d'un troisième sommet intercoréen qui aura lieu dans le village de Panmunjom, au milieu de la DMZ. Ennemis pendant la Guerre de Corée (1950-1953), Washington et Pyongyang se sont enfermés ces 20 dernières années dans un face-à-face des plus dangereux, avec notamment 30.000 militaires américains postés au sud de la DMZ. Victoire de Kim Après des années de fuite en avant vers le nucléaire, Pyongyang affirme désormais être en capacité d'envoyer une bombe atomique sur le sol continental américain. Visé par une série de sanctions imposées par le Conseil de sécurité des Nations unies et plusieurs pays, le régime nord-coréen avait jusqu'ici toujours affirmé que le développement de son programme nucléaire n'était simplement pas négociable. Dans ce contexte, la perspective d'un sommet est un virage radical. Les présidents américains avaient toujours refusé de placer le régime nord-coréen sur un pied d'égalité. Le pari de M. Trump est donc risqué. Mais ceux de Richard Nixon face à la Chine et de Barack Obama face à Cuba l'étaient tout autant. Pour certains analystes, ce sommet est clairement une victoire de M. Kim. «Cela lui confère un statut d'égalité avec le président américain et accrédite ses efforts pour faire reconnaître son pays comme une puissance nucléaire», a estimé Evan Medeiros, un ancien conseiller de Barack Obama collaborant au thinktank Eurasia Group thinktank. Pour Jeffrey Lewis, de l'Institut Middlebury des études stratégiques, M. Trump fait le jeu de la Corée du Nord. «Kim n'invite pas Trump pour lui livrer les armes nord-coréennes. Il invite Trump pour prouver que ses investissements dans des capacités nucléaire et balistique ont obligé les Etats-Unis à le traiter d'égal à égal».