Comme à l'accoutumée, le convoi de la solidarité et du bonheur que dirige le Dr. Mohamed Mokrani ne fait que des escales qui profitent aux jeunes qui ont «des besoins spécifiques», ces jeunes que la société appelait rudement les handicapés, bien avant ce jour, quand parmi nous demeuraient avec leur indifférence, peut-être même qu'ils baignaient dans un patent égoïsme. Et alors, la solidarité, notre vertu ancestrale, a fait que ceux-là ne soient plus seuls, les handicapés, vivant leur dénuement dans la nécessité. Car, comment se peut-il que nous ne puissions pas faire ce qui nous plait..., ce qui nous séduit, quand nous avons la volonté et les moyens, se dit constamment cet adepte des actions altruistes ? Et de renchérir pour sensibiliser ses proches qui adhèrent à son projet dans la continuité, un projet au long cours : «allons-en, de pied ferme apporter ce tant soit peu de lumière, de bonté et d'amour à ceux qui en ont besoin... Allons-en dans la voie qui nous a été tracée par Dieu notre Seigneur..., il n'y a que ça de mieux qui puisse nous rapprocher de la réalité et..., de la vérité». N'est-il pas un bien voyant ce chirurgien ophtalmologique, doublé d'un bon pratiquant qui va droit dans le sens du Saint Coran qui nous recommande franchement «de donner de notre bien, quel amour qu'on en ait, aux proches, aux orphelins, aux nécessiteux, aux voyageurs indigents et à ceux qui demandent l'aide...» ? Chap. El Baqarah, verset 177. En effet, le Dr. Mohamed Mokrani n'attend pas des circonstances extraordinaires pour s'atteler à de bonnes actions, il va accomplir sa tâche dans des situations ordinaires, en des initiatives louables, convaincu que «chacune d'elles produit en lui des sentiments positifs et lui rappelle ce qui compte vraiment dans l'existence : le don, le service rendu, la gentillesse et l'amour», comme l'affirmait, si bien, Richard Carlson, le grand acteur, réalisateur et scénariste américain. Alors, en ce mardi 27 février, sa diligence s'est arrêtée à Bordj-Menaïel ou, dans la sémantique des ancêtres, à «Lverj n Imnayen», en région de basse Kabylie, cette localité où, pendant le XVIIème siècle, les Turcs ont construit le «Bordj Oum Naïl», afin de bien surveil-ler la région qui leur paraissait fortement turbulente et par trop excédée par leur comporte-ment à son égard. De là, il devait installer, à proximité, deux Smala, l'une du nom d'Oum Naïl, l'autre du nom de Abid Akbou, composée de nègres affranchis qui venaient de Boghar. «Lverj n Imnayen», dans l'Histoire Faisons une petite halte pour raconter cette ville dans l'Histoire, en peu de mots, bien sûr. C'est là, une pédagogie adoptée par la caravane de la bonté et du sourire, celle des œuvres charitables, que conduit le Dr. Mokrani, pour transmettre un pan de culture, de leur région, à ceux qu'elle visite. Lverj n Imnayen, c'est aussi cette cité au passé antédiluvien, puisqu'elle a existée déjà du temps de l'occupation de notre pays et de tout le Maghreb par l'impérialisme de Rome. Elle s'appelait Vassara et elle renferme jusqu'à nos jours les restes de cette présence romaine qui, sans aucun doute a su profiter des bienfaits que lui offraient la région en matière de cli-mat, de produits agricoles et, on ne le dira pas assez, en matière de sécurité de part son site naturellement stratégique et donc, bien protégé. D'ailleurs, dans ce cadre-là, et pour ce qui est de cette pédagogie expliquée précédemment, le Pr. de cardiologie, Mohamed Toumi, originaire de la Cité, et qui était l'invité d'honneur de cette «Caravan to Bordj-Menaïel», se donnait le plaisir de faire, devant une assistance de jeunes, un large commentaire sur les origines et la culture de celle-ci. D'emblée, le professeur-moudjahid, s'est appesanti sur les origines de cette ville qui l'a vu naître. Ainsi, selon ses recherches ou, simplement, ses convictions, Bordj-Menaïel serait le «fort bleuté», El Meniyel (venant du bleu de méthylène). Là, notre Pr, très respecté, tout comme le journaliste-écrivain Kouider Djouad, qui est le produit du même terroir, ayant publié un ouvrage, intitulé : «Bordj-Menaïel, une ville, une histoire», aux éditions Dar El-Awtane, Alger, en 2011, semble privilégier cette thèse au détriment, bien-sûr, de «fort de la vierge Naïl» ou de «tour des cavaliers», puisqu'en langue berbère «imnayen», veut dire «cavaliers». Mais de la longévité de cette ville et son histoire, le Pr. Mohamed Toumi racontait à l'assistance de jeunes, dans un style démuni de substantifs compliqués, loin de ce discours très recherché, très affiné, que même lui, dans son enfance, espiègle et habile qu'il était, il passait son temps, pendant les vacances scolaires, dans les ruines romaines, en quête de pièces de valeur datant de cette lointaine époque. Et, il en avait tellement trouvé, leur confiait-il, qu'il les conservait jalousement chez lui, à la maison, à l'abri des regards indiscrets. «J'avais conscience – leur disait-il – que je gardais quelque chose d'important chez moi, une sorte de petit trésor.» Il racontait cette histoire, avec patience, en allant dans les détails, malgré son âge avancé, qui lui donnait cet air paternaliste, avec un brin de ton d'innocence. De la période qui va des Ottomans jusqu'à l'insurrection de 1871, à laquelle Bordj Menaïel a tenu haut le flambeau du djihad contre l'occupation française, le Pr. Mohamed Toumi, a fait aux élèves et à ceux qui les entouraient, un autre cours magistral dans lequel il leur a révélé toutes ces fractions qui ont formé la grande tribu des Zmoul dont les Oum Naïl, les Abid, les Teurfas et les Ouled Moussa. Ces fractions, leur expliquait-il, «n'avaient aucune analogie pendant la période turque». Cependant, en 1859, avant que le colonialisme ne prenne la ville de Bordj Menaïel, les Zmoul ont formé un Caïdat indépendant qui a été confié au Caïd Saïd Ben Mohamed, celui-ci a été remplacé des années après, en 1866, par Mohamed Ben El Hadi Ben Sakhri des Ouled Smir. Cette dernière fraction, affirment les autochtones, trouve ses origines dans la ville d'Izmir, en Turquie. Enfin, le Pr. Toumi, en moudjahid fidèle à son combat, du temps de la révolution de Novembre 1954, n'a pas manqué de souligner, avec une pointe de satisfaction et d'honneur, que Bordj-Menaïel, sa ville natale, sa région, a dû verser un lourd tribu durant la guerre de libération nationale, pour que vive l'Algérie. Il a cité des frères d'armes qui ont consenti le sacrifice suprême. Ils sont nombreux, disait-il, ceux-là au passé glorieux, ceux-là mêmes qui, de Baghla, Timezrit, Ain Skhouna, Boumissra, des montagnes avoisinantes la région de Bordj-Menaiel, ont été, des années durant, les pires cauchemars des généraux français. L'action altruiste du Dr. Mokrani C'est là, dans ce bled des autochtones, les fougueux amazighs, que le Dr. Mohamed Mokrani a décidé de faire son escale afin de poursuivre, dans la constance, la ténacité et la régularité, l'exécution de son important et généreux programme. Il n'était pas seul car, dans ce genre de mission, il y a toujours ceux qui veulent être utiles, comme d'habitude, à l'image des Pr. Mohamed Toumi que nous avons déjà évoqué, la Dr. Malika Mokrani, l'ancien ministre et auteur Kamel Bouchama – ce dernier est toujours du voyage pour ce genre d'activités humanitaires –, auxquels s'est associé, dès leur arrivée, Mr. Rabah Deridj, le Maire de la commune. En effet, «le toubib des œuvres charitables» était bien chargée du fait qu'en plus des personnes volontaires qui l'accompagnaient, on peut dire, sans risque de nous abuser, que la volonté, l'engagement, l'amour du prochain et le respect d'autrui, étaient bel et bien au rendez-vous pour s'arborer dans leur naturel, leur éclat et, surtout, leur efficience. De prime abord, on voyait les résultats de cette entreprise à travers les marques de sympathie qui s'imprimaient sur les visages radieux des jeunes enfants qui se trouvaient là, dans la grande salle de l'Ecole des non-voyants de Bordj-Menaïel, remarquablement bien tenue, et pour causes, Mme Naïma Maïz, étant une sérieuse et compétente directrice. Ils attendaient l'arrivée de la délégation. Ahlem Lamri, Nacer Baziz et Abdou Chikhe, pour ne citer que ceux-là – les meilleurs élèves, nous a-t-on dit – devisaient en des apartés silencieux, comme s'ils pressentaient déjà la valeur concrète, même si elle demeure modeste et symbolique, du contenu de ce lot de matériel didactique et non moins spécifique qu'ils allaient recevoir. Ces jeunes qui sont tous des lauréats du Brevet d'enseignement moyen (BEM) et qui poursuivent leurs études au lycée de la ville, montrent au quotidien, selon les informations reçues ça et là dans ce périmètre éducatif qui est le leur, toute leur volonté et leur détermination qui nous transmettent, dans leur langage, on ne peut plus audible, le message de la réussite et de la pro-gression constantes. On les voyait en ce mardi 27 février, bien présents, et bien entourés de leurs anciennes maîtresses et des autres membres faisant partie du personnel de l'encadrement, dont nous pouvons nous enorgueillir de les avoir rencontrés, dans une ambiance de résolution et d'espoir dans l'avenir. Une belle et bonne rencontre qui a été cette occasion propice d'échanger nos points de vue sur différents aspects de notre quotidien, notamment sur la culture et l'éducation. Et comment, n'allions-nous pas nous entendre sur ces points, aussi pertinents que nécessaires, quand nous avions en face, en ces moments de grands débats, les Mahdia Dakhan, médecin de l'Ecole, Adel Akroum, chef du service pédagogique, Fatima Khalfan, Férial Bakhti, Souad Ratni, enseignantes, de même que Nadia Roumane, la secrétaire et Hamida Chouh, l'administratrice ? Car, avec ce personnel aussi présent que dévoué, les jeunes pen-sionnaires ne pouvaient être qu'assez conscients de leur situation et des efforts que l'Etat et les organismes philanthropiques leur dispensent afin de s'épanouir dans leurs études, voire dans leurs vies de tous les jours. En les côtoyant, nous sentions cette hauteur dans les sentiments qui sont les leurs. En effet, nous avons remarqué, au cours de nos débats, engagés avec plusieurs d'entre eux, qu'il ne résultait aucune allusion aux stéréotypes et aux préjugés, que véhiculent malheureusement certaines personnes à leur égard, consciemment ou inconsciem-ment, jusqu'à leur faire toucher du doigt cette discrimination, qui peut les empêcher de réussir leur intégration dans le monde du travail pour évoluer, comme toute personne normale. Ainsi, les gens sensés réfutent ce raisonnement ségrégationniste, inacceptable, à la limite révoltant, et vont lutter contre tous les mécanismes d'exclusion et, par là même, relever le taux des pro-cessus d'intégration des populations souffrant d'handicap et qui, quelquefois, sont marginalisées. Quelquefois, disons-nous ? Notre question qui, en fait, n'est qu'une affirmation de ce comportement qui existe parmi les élèves, dans l'enceinte de nos Etablissements scolaires nous donne ce droit d'espérer connaître des changements dans le proche avenir. Ainsi, nous nous permettons de faire quelques propositions aux responsables, tout en attirant leur attention afin qu'ils œuvrent encore plus pour faciliter le quotidien de ces jeunes non-voyants, qui sont aujourd'hui élèves au lycée. Il faut peut-être insister sur le respect que méritent ces jeunes enfants qui doivent avoir les mêmes droits que tous les autres élèves de l'Etablissement. Il faut qu'on les ménage davantage, parce que l'objectif est de maintenir l'enfant handicapé dans un milieu ordinaire, chaque fois que possible. Cette première proposition est nécessaire parce qu'en pratique, les dispositions réglementaires – si elles existent – sont rarement respectées et l'intégration reste souvent un combat quotidien. Ainsi, les élèves sévèrement handicapés ont besoin pour poursuivre leur parcours scolai-re d'être accompagnés pour réaliser certains gestes, certaines tâches de vie quotidienne à l'école, au collège ou au lycée. Nos autres souhaits, nous les énonçons également sous forme de propositions qui sont réalisables, avec beaucoup de volonté et peu de moyens. N'est-il pas possible de recruter des assistants d'éducation par le ministère concerné – c'est-à-dire l'Education nationale –, des assistants qui assurent cette mission d'auxiliaire de vie scolaire ? De même, n'est-il pas possible d'agir dans la multiplication des manuels didactiques en braille qui seront vendus normalement dans les librairies et, pourquoi pas, envisager le recrutement des «donneurs de voix» qui faciliteraient la scolarité à ces non-voyants? Mais en attendant que vienne cette sollicitude de nos «officiels», à tous les niveaux, et dans ce chapitre même, le Dr. Mohamed Mokrani opérant sous la houlette de l'organisation des «Lions-Clubs», au sein de la Section «Alger-Icosium», une organisation qui fait dans les actions humanitaires, sous la devise «We Serve» («nous servons»), adoptée en 1953, se crée d'innombrables occasions pour se frayer une voie porteuse et conséquente dans le «vivre ensemble». Cet autre modèle dans lequel il agit, entouré constamment de ses amis, qu'il recrutent soit dans le monde des spécialistes en médecine – pour des missions spécifiques –, soit dans le gotha des volontaires que recèle la société civile, lui donne cette disponibilité, plutôt cette possibilité, de pouvoir disposer pour partager, notamment au travers d'actions bien dé-terminées, émotions, valeurs et responsabilités. Et ce jour du 27 février, la boussole du «Toubib» ou du Past-président des Lions-Clubs d'Alger-Icosium, s'est selon, l'a conduit droit à l'Ecole des non-voyants de Bordj-Ménaïel, avec un lot de dictaphones, de tablettes conçues dans l'écriture braille et d'autres affaires sco-laires adaptées à leurs besoins. Cette cérémonie, était rehaussée par la présence du maire de Bordj-Menaïel – nous l'avons déjà signalé – qui a grandement apprécié le travail accompli par l'équipe visiteuse, de même que par la direction de l'établissement et les élèves dont certains se sont distingués par une production qui n'a pas manqué de retenir l'attention de Mme Ghania Eddalia, ministre de la Solidarité nationale de la Famille et de la Condition de la Femme, au cours de sa dernière visite lors de sa sortie sur le terrain. Ainsi, le maire, et au vu de ces résultats probants, venants notamment de ces élèves à qui nous leur devons plus d'attention et de considération, a promis d'être davantage à leur écoute et, pour traduire tout son intérêt, il a pris comme première décision, de fixer, en leur bonne place, dans la ville de Bordj-Menaïel, toutes les plaques minéralogiques qui indiquent la direction de leur Etablissement. En consé-quence, les visiteurs, les parents et ceux qui viennent d'ailleurs en tournées de travail n'auront aucune difficulté à le joindre facilement. Enfin, quant à lui, le Dr. Mohamed Mokranl, chef de file de ces projets humanitaires, al-truistes, philanthropiques –, les substantifs ne manquent pas, appelons-les comme on veut – leur a promis, en leur annonçant, en ce 27 février, une prochaine visite à leur Etablissement, dans le très proche avenir, pour une aide substantielle, que représentera un important lot de matériel pour l'internat. Donc, rendez-vous est pris pour très prochainement... Et la caravane est toujours prête pour redémarrer..., avec ce sentiment d'être utile, et servir ceux qui ont le plus besoin de son aide et du sourire de ceux qui l'accompagnent. Oui, le sourire que nous avons longtemps perdu, cette expression si simple du visage qui témoigne de la sympathie, de l'affection et de la gentillesse. Alors, pour suivre les bons préceptes de Mère Teresa : «Ayez un sourire pour votre prochain, donnez-lui du temps.», continuons dans cette morale, notre conscience n'en sera que bien plus reposée. Pour conclure sur un ton modeste, celui qui anime tous ceux qui se mobilisent inlassa-blement dans la solidarité agissante pour le bonheur d'autrui, faisons nôtre cette sagesse de l'auteur américain H. Jackson Brown Jr qui disait : «Si vous faites de votre mieux, vous n'aurez pas le temps de vous inquiéter de l'échec». Par Kamel Bouchama - Auteur