Au Mondial en Russie, la plupart des 32 sélections en lice alignent des joueurs nés en dehors de leurs frontières nationales. Un phénomène qui n'échappe pas à l'équipe de Tunisie qui affronte l'Angleterre aujourd'hui à Volgograd. Rejoindre la sélection du pays d'origine des parents ou jouer dans l'équipe de son lieu de naissance ? Un dilemme qui n'en est plus vraiment un. Depuis le changement du règlement FIFA en 2009 donnant la possibilité à un joueur de changer de sélection nationale après 21 ans (à condition de n'avoir auparavant jamais évolué en sélection A), les choses se sont accélérées. Le «choix du cœur» ? La Tunisie s'est qualifiée pour sa cinquième Coupe du monde de football, la première depuis 2006. Si Wissam Ben Yedder, Franco-Tunisien du FC Séville, convoité un long moment par les Aigles de Carthage, n'a pas fait le «choix du cœur» - une expression qui revient en boucle dans la bouche des binationaux - d'autres n'ont pas hésité dans l'espoir de fouler les pelouses russes. Ellyes Skhiri, Mouez Hassen, Seïfeddine Khaoui et Yohan Benalouane, tous formés en France, ont récemment rejoint la Tunisie. Ils y ont retrouvé d'autres joueurs nés en France : Wahbi Khazri, Naïm Sliti, Anice Badri ou encore Syam Ben Youssef. «J'avais décidé de prendre mon temps. Aujourd'hui, j'ai fait mon choix et je suis prêt à répondre aux sollicitations et à mener de front club et sélection. Jusque-là, j'ai favorisé mon club où j'avais besoin de m'aguerrir et faire ma place», a justifié le vice-capitaine de Montpellier, Ellyes Skhiri. Les soucis de formation liés aux ennuis financiers de certains clubs tunisiens ont visiblement obligé la fédération à se tourner vers les binationaux. Elle a justifié sa stratégie «en brassant large, le staff technique espère créer une osmose entre joueurs du cru issus du championnat de Tunisie, et ceux issus de la deuxième génération, établis en Europe. La fédération s'emploie à assurer toutes les conditions du succès en faveur du Onze national appelé en juin prochain à négocier la cinquième campagne de Coupe du monde de son histoire.» Ce qui pourrait poser des problèmes de cohabitation entres «locaux» et «binationaux». Notamment à travers la langue. «Tout le monde m'a très bien accueilli, il n'y a pas eu de soucis», a pourtant affirmé Ellyes Skhiri qui ne parle pas l'arabe mais qui «espère l'apprendre le plus vite possible». A titre d'exemple, dans le vestiaire des Marocains, présents au Mondial, six langues coexistent. Un besoin crucial de binationaux Pour Joseph-Antoine Bell, ancien international camerounais, «les binationaux ne devrait pas être un sujet de polémique». «Ce sont les entraîneurs qui doivent s'occuper de faire en sorte que tout se passe bien. Les joueurs sont nés là où ils sont nés, ils arrivent avec une certaine éducation et le staff doit savoir qui il fait venir, et comment l'intégrer». En 2014 au Brésil, la majorité des joueurs algériens qui avaient été jusqu'en huitièmes de finale face à l'Allemagne avaient la nationalité française. Certains pays africains ont un besoin crucial de binationaux. Joint par RFI, Amir Abdou, sélectionneur des Comores, indique : «C'est indéniable, le football local est souvent de moins bonne qualité et c'est compliqué de ne faire jouer que des locaux.» «Mais ce n'est pas facile à gérer», avoue tout de même Amir Abdou. Le Franco-Algérien Carl Medjani n'a jamais caché ses débuts compliqués avec les Fennecs. «J'étais arrivé sur la pointe des pieds avec mes tatouages et mon prénom français (né d'une mère française et d'un père algérien, ndlr). J'ai finalement été adopté par les supporters et c'est une grande réussite pour moi et ma famille», avait-il raconté à RFI il y a quelques mois. Aujourd'hui, la Tunisie et ses nouveaux venus espèrent faire mieux face à l'Angleterre que les trois défaites des trois premières équipes africaines qui ont déjà débuté le Mondial-2018.