Le système de collecte des déchets, telle que géré chez nous, est devenu un véritable fléau environnemental. Si la responsabilité de la propreté semble relever des pouvoirs publics, l'on est tenté d'oublier facilement que le problème de l'accumulation des déchets est aussi le fait des citoyens. Ces citoyens qui n'hésitent plus à utiliser la rue comme dépotoir. Pour beaucoup «les agents de l'hygiène sont payés pour…». Et pourtant, la multiplication des déchets et de leurs accumulations à travers les quartiers et les marchés, mettent en exergue un facteur important : la responsabilité citoyenne. Au cours de notre reportage à Ferdjioua, deux phénomènes contradictoires ont attiré notre attention. A la fois, les gens veulent se débarrasser le plus vite possible de leurs poubelles, quitte à les jeter n'importe où, et, en même temps, beaucoup d'habitants ne supportent plus les amas d'ordures qui empestent leur quotidien. Entendons par là, surtout ceux qui résident à la cité CNEP, proche du marché des fruits et légumes, un site devenu une vraie décharge publique. En matière de responsabilités, les avis sont notamment partagés. «Autrefois, personne n'osait mettre ses poubelles sur la route. Maintenant c'est devenu une décharge sauvage où chacun jette son sachet n'importe où», témoigne cheikh Salah, un ancien habitant du quartier Bardot. Saïd, éboueur, se plaint, pour a part, de ces points noirs anarchiques qui sont plus selon lui, le fait des gens qui n'attendent plus les heures de passage pour sortir leur poubelles. Un cercle vicieux s'installe au fur et à mesure que les poubelles sont ramassées. D'autres, sont à nouveau déposées et les points noirs s'incrustent. Sur la question des heures de passage, les avis divergent. Du côté des citoyens, si certains témoignent que les heures de passage ne sont plus aussi régulières qu'avant et qu'il n'y a jamais de communication sur le sujet, d'autres, par contre, semblent plus objectifs. C'est le cas de Saci, enseignant qui blâme le manque de civisme de certains habitants ainsi que l'impunité pour ceux qui ne respectent pas les règles. «Ce n'est pas rare de voir quelqu'un jeter sa poubelle en pleine nuit du haut de son balcon parce qu'il a la flemme de la descendre.», affirme-t-il. Du côté de l'APC, on assure que les horaires sont très bien connues dans chaque quartier. On accuse aussi le citoyen d'un laisser-aller et d'un manque de coopération : «On ne peut pas forcer les gens à garder leurs détritus chez eux pendant deux jours ; toutefois, ils doivent respecter ces horaires», nous déclare Djamel Taxana, vice-président de l'APC. Le marché des fruits et légumes : un cas concret Aujourd'hui, les déchets du marché des fruits et légumes sont souvent amoncelés à côté des déchets ménagers, créant d'avantage de travail pour les éboueurs. Les revendications des habitants portent souvent sur les odeurs nauséabondes, et partant, le le risque d'un impact sanitaire et de pollution. Près du marché, un habitant témoigne de ces problèmes quotidiens : «J'ai du passer maintes fois à l'APC pour convaincre les responsables d'intervenir car les odeurs nauséabondes qui empestent nos foyers sont devenues insupportables. On ne peut même pas ouvrir nos fenêtres». Du côté de l'APC, il existe bien une volonté d'établir des programmes relatifs à la propreté, à l'hygiène et à la protection de l'environnement, et de suivre leur exécution, en avec les comités de quartier. Mais est-ce assez suffisant pour le développement et la promotion d'une écocitoyenneté ? «Nous avons mené des campagnes de propreté pendant un mois, des initiatives citoyennes, mais le système nécessite une réforme plus profonde», explique Moaouiya Bechnoune, chargé des travaux auprès de l'APC. Les services de l'APC n'ont aucun moyen d'agir pour sanctionner les personnes concernées et l'absence de conscience citoyenne tout comme celle d'une police municipale, alimentent un cercle vicieux où l'entassement des déchets en tous genres dans les rues, se poursuit. Aussi, tente-t-on de sensibiliser les citoyens aux dangers d'une crise sanitaire et des problèmes de pollution liés à la question des déchets ; surtout après la récente manifestation de l'épidémie du choléra. Pour le vice-président de l'APC, Djamel Taxana, le problème tient aussi du fait qu'il n'y a jamais eu, à proprement parler, de vraie police municipale. Ce qui, au fait, crée un vide car la mairie n'a finalement pas d'agents pour faire respecter la propreté et la protection de l'environnement sur la voie publique. «Nous n'avons personne pour sanctionner les citoyens qui jettent leurs ordures n'importe où, ou ceux qui ne respectent pas la voie publique», ajoute-t-il. Et la solution ? Rédha, un fonctionnaire de la santé, pense qu'il faut inclure les citoyens dans toutes les actions visant à préserver l'environnement au sens large du terme. Cette nécessité d'impliquer d'avantage le citoyen a aussi été soulignée par Ahmed, inspecteur des sciences islamiques dans l'enseignement secondaire : «Je pense que la meilleure façon de mettre un terme à cette anarchie est de consulter les citoyens et les impliquer dans la gestion de leur quartier, notamment à travers les différents comités et associations». En effet, «Allah a crée la nature, et a placé l'homme dans un environnement sain. C'est pour cette raison qu'il est de notre devoir de protéger notre espace de vie», renchérit-il. Châabane, psychologue, quant à lui, pense que le problème se situe sur un plan «psychosociologique». «Il faut imposer le respect de la voie publique et de l'environnement, car le rapport du citoyen à ses déchets est souvent lié à la perception qu'il a des pouvoirs publics», dit-il. Et d'ajouter : «Tant qu'il se pose dans un rôle de défiance face à l'Etat, qui se montre soit absent, soit répressif, les multiples campagnes de propreté, et les plans d'action des pouvoirs publics auront du mal à résoudre une certaine crise de confiance». Cela dit, amener le citoyen à s'approprier son environnement, et agir comme un consommateur responsable en participant activement aux actions de réhabilitation et de protection de son environnement, demeure une norme sociale, une tendance socioculturelle forte et durable qui devrait s'infiltrer progressivement dans la vie quotidienne du citoyen. Enfin, respecter, ou agresser l'environnement, sont des faits qui ont des conséquences sur la santé et le bien-être individuel et social. Aussi, la récente épidémie du choléra constitue-t-elle le meilleur exemple. Se sentir membre de la société, et entre autres, faisant partie d'une cause humaine commune, à savoir la protection de l'environnement, doit indubitablement déboucher sur l'émergence d'une nouvelle culture, en l'occurrence, celle de l'écocitoyenneté qui veut tout simplement dire : un citoyen averti et responsable envers son environnement.