Faut-il attendre à ce que de très grosses affaires de corruptions éclatent au grand jour pour réagir ? C'est en tout cas, la crainte exprimée par les professionnels, médias, observateurs et les consultants. On garde encore la résonance de la déclaration du président de l'US Biskra qui avait affirmé lors d'une assemblée générale de la Fédération algérienne de football en 2014, devant les présidents de clubs et les caméras de télévisions, que la corruption existe bel et bien en Algérie. Il s'était adressé aux présidents de clubs pour leur dire, «nous avons arrangé les résultats des matches». La corruption ne se cache plus, elle se fait à ciel ouvert. Certains gestionnaires sont à la pointe du combat, d'autres sont dans une attitude de déni. Combien sont-ils à se mobiliser pour alerter les autorités en cas de soupçon ? En France, un mardi de novembre 2014, plusieurs dirigeants de clubs ayant évolué en Ligue 2 Mobilis ont été interpellés et placés en garde à vue pour une affaire de corruption présumée. Un joueur s'est confié au journal Le Figaro. «Vous n'imaginez pas la corruption chez les jeunes, ça commence dès les catégories des U15, U16, U17 et U18 (joueurs entre 15 et 18 ans), atteste le dirigeant. Des clubs qui se ‘rendent des services' en déclarant forfait ou en laissant filer des matches au centre de celle-ci. Les montants s'élèvent à plusieurs centaines de milliers d'euros. Pour un club de Ligue 1 Mobilis, ce n'est pas grand-chose, mais pour les autres, les exemples sont nombreux. Comment expliquez-vous que des équipes de jeunes déclarent forfait dans les dernières journées d'un championnat ? Le foot amateur est synonyme de laxisme. Il n'y a que très peu d'enquête ouverte quand il y a suspicion. Les instances ont peur de faire sortir des scandales qui pourriraient le foot amateur. La ‘vitrine' du foot français, comme disent certains». En Allemagne, une nation de football, les lanceurs d'alerte de football sont «totalement indépendants» et aucun n'est rémunéré. Leur travail, proclame-t-il, s'inscrit dans une démarche citoyenne qui a pour but «d'aider l'industrie du football à devenir plus transparente». Pas seulement en Allemagne, un peu partout dans le monde ce fléau continue de frapper très fort. La veille de la Coupe du monde 2018 «pour avoir sollicité un pot-de-vin auprès d'un club saoudien, l'arbitre saoudien Fahad al-Mirdasi a été accusé de corruption alors qu'il était appelé initialement pour officier durant la Coupe du monde en Russie, il s'est vu sévèrement sanctionné par la FIFA, retiré de la compétition avec effet immédiat», rapportait F.F. Le petit pays de 4 millions d'habitants, la Croatie a, aussi, son football gangrené, l'ex-patron du plus grand club du pays, le Dinamo Zagreb, et ancien vice-président de la Fédération croate de football, Zdravko Mamic est un habitué des affaires et scandales en tous genres : conflits d'intérêt, corruption, détournement de fonds, fraude fiscale, matches truqués. Mais aussi : un sacré CV pour celui qui a été le 6 juin dernier condamné à six ans et demi de prison ferme pour avoir détourné 15,6 millions d'euros (soit 23,7 millions de dollars) des caisses du club de la capitale croate et pour avoir floué le fisc à hauteur de 1,7 million d'euros (2,6 millions de dollars). En Afrique, trois présidents de Fédérations de football en Afrique, (Aisha Johansen de la Sierra Leone, Constant Omari de la RDC et Kwesi Nyantakyi du Ghana), connaissent des ennuis judiciaires dans le cadre de leurs activités fédérales. Iha Johansen a été inculpée dans son pays pour abus de fonds publics. Le deuxième cas date d'avril 2018 avec l'arrestation de Constant Omari et de trois de ses collaborateurs de la fédération. Il leur est reproché d'avoir détourné des fonds publics d'une valeur de 500 millions de F CFA (soit 1 million de dollar), destinés à quatre matches de football. Selon la BBC, en juin, «Kwesi Nyantakyi, ancien président de l'association ghanéenne de football, a démissionné de ses fonctions à la Fifa et de la CAF après avoir été filmé recevant 65 000 dollars (43 000 dollars) en espèces d'un journaliste infiltré. Il lui est reproché ainsi qu'à 15 autres membres, depuis quelques jours, d'avoir réclamé la somme de 5 500 000 000 F CFA (soit 11 millions de dollars) à des investisseurs privés au nom du chef de l'Etat ghanéen. La Fédération nigériane de football a confirmé qu'elle enquêtait sur une allégation de corruption contre l'entraîneur Salisu Yusuf - allégations réfutées par Yusuf». Une bonne partie des transferts peut transiter par les paradis fiscaux où le secret bancaire et l'absence de taxe facilitent les maquillages financiers. Les opérateurs sont souvent les agents des joueurs qui peuvent venir de tout bord, sans être forcément inscrits sur une liste des instances de foot. Que font-ils ? Les sommes des transferts peuvent être par exemple surévaluées. Un joueur est acheté 10 millions d'euros pour un coût réel de 5 millions. L'autre moitié correspond à de l'argent sale. Lorsque le joueur acheté a évolué dans le club et qu'il est revendu, les criminels récupèrent de l'argent blanchi. Le cas des transferts est une partie d'un vaste problème.Le blanchiment concerne aussi la rédaction des contrats des joueurs. L'une des fraudes est le maquillage des droits d'exploitation d'image. Le versement de ces droits peut être réalisé sur des comptes offshore et peuvent rémunérer entièrement les joueurs sans que le club ne les exploite réellement. Cet instrument peut cacher des financements surévalués ou occultés au fisc. Parmi les conditions de rémunération des joueurs, les criminels jouent également sur les multiples bonus et avantages en nature, payés cash aux joueurs : maison, voitures, arrangement financiers pour la famille… Autant d'opportunités pour le blanchiment. En 2007, Jacques Rogge, président du Comité international olympique déclarait, «le sport dans son ensemble est en danger», ceci lors de la réunion organisée à Lausanne sur les paris sportifs illégaux et la corruption, à laquelle étaient conviés, entre autres, des représentants de gouvernements, des Comités olympiques, des Fédérations sportives, Interpol, des opérateurs sportifs en ligne etc. Apparemment ni Europol, ni aucune instance quelconque européenne n'était présent. La corruption dans le sport ne peut que prendre une ampleur considérable si une action vigoureuse n'est pas entreprise et à l'évidence un tel phénomène ne peut connaître les frontières.