Infatigable arpenteur des misères humaines, lucide voyageur qui connait l'humain jusqu'au fin-fond de la résistance aux aléas, digne voyageur éclairé sur les besoins de cette humanité mise au placard par la mondialisation cavalante, Nasser Brahimi pour les éditeurs et autres officiels -«Nasser» pour les lecteurs et les complices de la bonne tablée amicale- nous vient avec ses chemises ocre et ses pantalons baggy d'explorateur un livre à la main. Il revient à nous, cette année, avec un écrit fortement courageux : «La faim du monde», paru chez Balland il y a quelques semaines. Nasser Brahimi, né à Paris de parents algériens, auteur d'essais et romancier qui a déjà écrit « La mémoire de l'anchois », un roman paru aux éditions Bernard Gilson, Bruxelles, en 2008, nous fera suivre son talent à l'écriture par un roman intitulé « Ceux qui marchent sur la tête ne pensent pas avec les pieds » paru chez les éditions El Ibriz, Alger en 2014. Il récidive par une troisième œuvre qui porte sa charge d'émotion et de mystère sur « Le secret de Donna Peppina » édité chez 5sens, Genève en 2016. Nasser est consultant international auprès des agences et programmes des Nations Unies, la FAO et le FIDA. Nous avons souvent l'impression du glamour et des sens communs, le croyant souvent emprisonné dans les bras lascifs de quelques hétaïres qui peuplent les cinq étoiles les plus en vues dans les pays en guerre ou en conflits larvés, se baladant un verre de Gin à la main, contant fleurette ici et là en faisant le barbouze dans les endroits les plus improbables. Que Nenni ! la réalité est toute autre, les missions sont en rallonge, les frais pas si élevés que cela, la paperasse redoutablement fatigante, et la tristesse souvent épuisante quand elle fait réfléchir sous un arbre solitaire qui donne de l'ombre, ou dans un « maquis » suspect de l'Afrique profonde, la main occupée par un sandwich délicieux fait de viande de brousse…et assaisonné du mazout le plus enfumé du coin. En effet, la perception de la faim dans le monde, telle qu'elle est évoquée et représentée par les politiques et les médias, ne rend pas toujours compte de la situation effective des 821 millions de personnes les plus démunies de la planète et des enjeux réels qui circonscrivent ce fléau. Et pourtant, nombreuses sont les actions qui pourraient être mises en œuvre pour y remédier. Malheureusement, nombreuses également sont celles qui ne sont que poudre aux yeux, politiques de façade, gaspillage d'énergie et d'argent dont finissent par tirer profit… les pays les plus riches. C'est en fait que loin du cliché manichéen des gentils et des méchants que se place « La faim du monde », un essai très pertinent de Nasser qui est publié aux Editions Balland, Langres en mars 2019. Lui, écrivain humaniste, cadre intègre de l'entité mondiale qui étudie et essaie de remédier à la faim dans le monde, nous précise loin de tout cliché interlope que ce n'est pas une fatalité, de l'eau et du blé, il y en a pour tout le monde. Eliminer un quart ou plus des milliards de personnes qui peuplent la planète bleue, impossible, irréaliste et inhumain, mais aussi inutile…tout le monde a sa place sur la dive terre et que dans le plus simple des bons sens, il est aisé de bien penser le destin des hommes et des femmes laissés sur la marge pour les réintégrer dans la Page, dans le circuit de ceux qui peuvent produire autrement, produire différemment les éléments nourriciers de leur vie actuelle et future. Sur quelques 220 pages écrites avec les informations d'un rapport, déclinées comme le récit complice d'un ami confident, Nasser laisse son humanité faire le reste, c'est-à dire nous présenter un état de fait à rebours (en commençant sans doute par la fin !!!) sur un mode systémique, organisé pour que nous saisissions dans un style épuré de toute fioriture le système qui induit la notion de faim et l'impératif possible d'y remédier. C'est ensuite le vœu de « La fin de la Faim » pour essayer de comprendre enfin comment commencer à aborder les solutions, les perspectives et mieux comprendre la nature, les natures humaines et géographiques, la Madre Natura (mère nature) et la culture -les cultures- qui vont avec. Nulle place ici au pessimisme le plus abrupt, Nasser a fait le tour du monde plus d'une fois, plus de deux même ! Il sait tirer le meilleur de ses aventures ou chaleur accablante, leviers de freins politiques, odeurs pestilentielles de décomposition, misère et larmes humaines sont le viatique au quotidien laissent aussi place à des chiffres pertinents de projets réussis, de « Success stories » qui du Liban au Lac de Ngolomé en Angola en passant par l'Egypte, le Sénégal ou Cuba nous montrent que si on redonne à la nature ses droits, celle-ci dans un juste retour des choses, dans sa proximité avec la vie, nous prouvera qu'elle a horreur du vide, et qu'elle nous remplira les couffins de ces nutriments si nécessaires à la vie.Les gaspillages d'énergie, de ressources et de gabegies mondialisées font le lit de tous ces dégâts, le livre que nous tenons entre les mains expose à tous une vision limpide, incisive, poignante riche de ses chiffres, de ses introspections et constats sur sites, in-vivo avec cette charge d'espoir magnifique décliné et écrit sur une dimension humaine qui fait plaisir à lire. Nous découvrons dans les lignes, de la sagesse, de la lucidité et un humour quelque peu acéré, venu d'un être qui s'est mis à la disposition du monde, avec cet aveu ultime : « je suis loin d'être un héros, je suis souvent accablé par la chaleur ou le froid intense, j'ai souvent la trouille, mais j'ai un job, un sacerdoce, je le fais, c'est tout ! ». Nasser Brahimi revient souvent avec son lot d'indignation, il pose ses bagages et translate cette dernière en sublimation, perce les secrets des nuages pessimiste pour aller consciemment, conscienseusement avec méthodologie vers l'efficacité de la résilience, et c'est ce qui fait que des écrits comme « La faim du monde » arrivent à toucher d'abord notre émotion pour aller vers le réflexif transcendant la première indignation en volonté d'agir ! Il est à lire de toute urgence, pour la charge et la qualité des informations, mais aussi pour le 821 millions qui ont faim, et pour les quelques 3 milliards d'autres qui gavés n'y pensent même pas ! «La faim du monde », Essai de Nasser, Editions Balland, Langres 2019, prix 17 Euros en attendant une probable édition algérienne.