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Pour de profondes réformes économiques et politiques, les aspirations de changement de la majorité de la société, doivent être entendues Anniversaire d'Al Hirak
Le président de la République dans son discours à la nation le 8 février a tenu à rendre un vibrant hommage au Hirak dans ses manifestations pacifiques qui a eu l'admiration du monde. L'Algérie, acteur indispensable à la stabilité euro-méditerranéenne et africaine, peut faire aboutir un processus des réformes inséparables d'une profonde démocratisation. Seules les réformes permettront la croissance économique et la réduction des lancinants problèmes du chômage et de la pauvreté. Tout obstacle à ces réformes ne fait que diminuer le taux de croissance, accroît l'insécurité du pays et, par là, contribue à la déstabilisation sociale et politique. 1- Privilégier le volet politique au détriment de l'Economique en cas de retour au FMI courant 2022, remettra forcément en cause les réformes politiques que l'on veut engager avec des conditionnalités draconiennes sur le plan social, économique, voire sécuritaire et géostratégiques. Dans ce cas, les réformes seront dictées indirectement, quelque soit le gouvernement, de l'extérieur. D'où l'importance tout en n'oubliant pas le volet des réformes politiques, afin de mettre en place des institutions crédibles, de privilégier le redressement économique, garant de la sécurité nationale. Car la situation socio-économique est préoccupante, selon l'avis de la majorité des experts nationaux et internationaux, résultante tant des politiques passées 2000/2019 que de l'incohérence de la politique économique actuelle qui rend urgent sa révision, loin des promesses utopiques et démagogiques, source de névrose collective. Certes, nous avons assisté à la non proportionnalité entre la dépense publique et le faible impact, le taux de croissance moyen malgré une recette en devises ayant dépassé les 1 000 milliards de dollars entre 2000/2019 et une importation de biens et services en devises ayant dépassé les 935 milliards de dollars (le solde étant les réserves de change au 31/12/2019) sans compter les dépenses internes en dinars en moyenne 2/3% alors qu'il aurait dû dépasser les 8/10% : mauvaise gestion ou corruption ou les deux à la fois. Pourtant, l'Algérie possède encore quelques marges, sous réserve de luter contre la corruption et la mauvaise gestion ainsi que des choix astucieux de projets à valeur ajoutée nécessitant leur maturation, du fait que le stock de la dette extérieure est passé de 21,1 milliards de dollars (33,1% du PIB) en 1986 à 29,5 milliards de dollars (70% du PIB) en 1994 e à 5,7 milliards (2,3% du PIB) en 2019 et que le service de la dette était de 9 milliards de dollars (82% du PIB) en 1994 à 5,5 milliards (16,7% du PIB) en 2005 et 0,2 milliards (2,1% du PIB) en 2019. C'est que l'Algérie en ce mois de février 2021 est toujours dépendante à 98% des recettes d'hydrocarbures avec les dérivées dont plus de 33% proviennent du gaz naturel dont le cours a chuté en 8 ans de plus de 70% avec une forte baisse en volume physique (moins 11%). L'Algérie, selon le FMI, le prix d'équilibre budgétaire était estimé de 104,6 dollars en 2019 et à plus de 110 dollars pour les lois de Finances 2020/2021. Il s'ensuit que selon le PLF2021, nous aurons un déficit budgétaire record de plus de 21,75 milliards de dollars contre à la clôture 2020 de 18,60 milliards de dollars avec un déficit global du trésor de 28,26 milliards de dollars, soit 17,6% du PIB. Le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) à prix courants, a été en 2015, de 3,7% – 2018, 1,4 % – 2019, 0,8%, en 2020 moins 6,5%, donc une croissance inférieure à la pression démographique et selon la Banque mondiale dans son rapport du 21 janvier, pour 2021, +3,8% et 2,1% en 2022. Il s'ensuit face à cette décroissance, le taux de chômage tend à augmenter, étant de plus de 15% de la populations active en 2020, incluant les emplois temporaires, certains travaux improductifs faire et refaire les trottoirs et la sphère informelle qui représente plus de 50% de la superficie économique hors hydrocarbures. Le FMI estime que l'inflation est de 3,5% en 2020, mais devant relativiser ce chiffre, l'indice dont la composition du panier n'a pas été actualisé depuis 2011, donc sous estimant le taux d'inflation. Or, le besoin est historiquement daté, évoluant, fonction de la stratification du revenu national. Face à la détérioration sociale amplifiée par l'épidémie du coronavirus, il est prévu des transferts sociaux budgétisés s'établissant à 14,04 milliards de dollars au cours de 128 dinars un dollar au moment de l'établissement de la loi de Finances, soit 8,4% du PIB. 2- La dissolution annoncée par le Président de la République de l'APN permettra-t-elle lors des nouvelles élections législatives en principe au mois de juin 2021 de faire émerger de nouvelles forces politiques crédibles qui sera fonction du taux de participation ? Car s'impose un profond changement, ce qui implique de bien analyser les aspirations de la société. Au moment où le monde traverse des bouleversements politiques, sociaux et économiques, où l'Algérie est interpellée par quelque 70% de sa population revendiquant de véritables réformes démocratiques tenant compte de sa riche anthropologie culturelle – condition d'un développement harmonieux et durable face aux nouvelles mutations mondiales s'imposent. Nous devons rendre un grand hommage à notre jeunesse qui n'a pas connu le drame des années 1990-1999, et veut un changement. Saluons sa maturité politique et les marches pacifiques sans violence, où les partis politiques toutes tendances confondues n'ont joué aucun rôle pour la mobilisation. Saluons aussi nos forces de sécurité et l'ANP qui ont su gérer d'une manière moderne ces évènements. Selon certaines sources, le nombre de partis dépasse la soixantaine, souvent avec des alliances contre nature alors que dans les pays démocratiques, ces alliances se font par affinité idéologique et sur un programme clair. Aussi, excepté une dizaine d'entre eux, les autres manifestent une présence formelle et ostentatoire lors des élections... meublant le vide, impuissants presque toujours à agir sur le cours des choses et à formuler clairement les préoccupations et les aspirations de la société réelle. Quant à la société civile avec différents courants idéologiques contradictoires, elle est éclatée. Contrairement aux idées reçues et illusoires des années passées, dans un contexte de désintégration sociale et d'une jeunesse «parabolée», la majorité des confréries religieuses officielles ont de moins en moins d'impact. D'autre part, la confusion qui prévaut actuellement dans le mouvement associatif national rend malaisée l'élaboration d'une stratégie visant à sa prise en compte et à sa mobilisation. Sa diversité, les courants politico-idéologiques qui la traversent et sa relation complexe à la société et à l'Etat ajoutent à cette confusion et rendent impérative une réflexion urgente pour sa restructuration. La dynamisation du système partisan et de la société civile afin d'en faire un instrument efficace d'encadrement de forces vives et un levier puissant de leur mobilisation n'a de chance de réussir que si le mouvement qui le compose ne soit pas au service d'ambitions personnelles inavouables et parfois douteuses. Trois scénarios sont envisageables possibles en fonction de l'état des rapports de force au niveau interne, tenant compte de l'évolution de la stratégie des acteurs au niveau externe. Le premier scénario : échec du processus des réformes. Les conditions de l'échec sont réelles et réunies dans l'environnement juridique et économique en cas de manque de visibilité et de cohérence dans la démarche économique et sociale. L'ambiguïté des textes juridiques permet le blocage légal des réformes, tandis que la multiplicité des intervenants autorise une confusion des prérogatives. Autres paramètres concourant au risque d'échec : la méfiance générée auprès des investisseurs internes et externes par des modifications continuelles de textes de lois, alors que la stabilité doit être de rigueur, la forte pression d'une fraction des acteurs internes et externes liés aux intérêts de la rente, cela pour préserver des postures protectionnistes car la libéralisation maîtrisée, loin du capitalisme sauvage, détruit une fraction de la rente. Le deuxième scénario est le statu quo. Il conduirait à la régression car tant au niveau social que physique, le monde est en perpétuel mouvement. Cette hypothèse préparera les conditions de l'échec en imputant les conditions sociales actuelles (pauvreté et chômage) aux réformes, ou à des organes techniques alors que l'essence réside dans l'absence de volonté politique (neutralisation des rapports de force). Ce statu quo participera à un échec programmé et serait suicidaire pour le devenir de l'économie et de la société algérienne. Cela est entretenu par la confusion de certains concepts assimilant faussement réformes à bradage du patrimoine national, une posture nous rappelant les temps de l'inquisition contre ceux qui prônaient l'économie de marché et l'instauration de la démocratie. Le troisième scénario est la réussite des réformes politiques et économiques solidaires, contenues dans l'environnement juridique, économique et politique de l'Algérie, grâce à une jeunesse de plus en plus consciente des enjeux futurs du pays. Les expériences réussies ont montré que la voie gradualiste insérant les conservateurs dans une dynamique réformiste a impliqué un réaménagement profond des structures du pouvoir et de nouvelles personnes acquises aux réformes avec la démystification culturelle, les rumeurs dévastatrices au sein de l'opinion n'étant que la traduction de la faiblesse du système de communication, surtout en Algérie où la voie orale est prédominante. Cela implique une collaboration étroite des partisans acquis aux réformes, des partis politiques, des associations et de toute la société civile, l'administration, des entreprises publiques et privées, les collectifs des travailleurs, des syndicats, en aplanissant les divergences par le dialogue et la concertation afin de faire émerger une symbiose des intérêts individuels et l'intérêt collectif, en montrant que les gagnants à moyen terme des réformes seront plus nombreux que les perdants à court terme. 3- D'où l'importance d'une vision stratégique pour dépasser une crise multiforme. Il est temps d'avoir des prospectives à moyen et long terme, afin de corriger les erreurs du passé, comme naviguer à vue en ignorant les aspirations de la société. La question stratégique est la suivante : ira-t-on vers un réel changement salutaire en réorganisant la société, du fait des bouleversements géostratégiques mondiaux annoncés entre 2021-2025-2030 ou, grâce à la distribution passive de la rente, se satisfera-t-on simplement d'un replâtrage, différant dans le temps les inévitables tensions sociales ? Ce sont là des raisons suffisamment importantes pour envisager sérieusement de réorganiser le système partisan et la société civile, conciliant la modernité et notre authenticité, loin des injonctions administrative. La refonte de l'Etat, dont l'administration, l'intégration de la sphère informelle, par des mécanismes transparents, loin des injonctions bureaucratises, les réformes des systèmes financier, fiscal, douanier et socio-éducatif, les mécanismes nouveaux de régulation sociale, l'optimisation des dépenses publiques et la nouvelle gestion des infrastructures reposant sur la rationalisation des choix budgétaires... posent la problématique du devenir de l'économie algérienne pour renouer avec la croissance. L'économie algérienne est une économie actuellement totalement rentière, avec moins de 47 milliards de dollars fin 2020 de réserves de change, après une chute drastique des importations qui a paralysé tout l'appareil de production, dont le taux d'intégration ne dépasse pas 15%. L'Algérie traverse avant tout une crise de gouvernance, ce qui implique d'avoir une vision stratégique du devenir de l'Algérie à l'horizon 2030 ayant toutes les potentialités pour dépasser les tensions politiques, sociales et économiques actuelles. La nouvelle politique doit s'attaquer à l'essentiel et non au secondaire, où 20% d'actions bien ciblées ont un impact de 80% d'actions mal ciblées ayant un impact seulement de 20%. L'Algérie dans cette conjoncture difficile a besoin en raison des tensions géostratégiques au niveau de la région et budgétaires 2021-2025 de rassembler tous ses enfants dans leur diversité et non de nous diviser, nécessitant un minimum de consensus économique et social qui ne saurait signifier unanimisme, signe de décadence de toute société afin de stabiliser le corps social. Donc, les cris de la jeunesse et de la société, pour un profond changement, doivent être entendus afin que l'Algérie puisse relever les défis du XXIe siècle caractérisés, en ce monde interdépendant en perpétuel mouvement, où toute nation qui n'avance pas recule forcément. La réussite des réformes doit reposer, sur quatre axes : rassemblement tolérant les différentes sensibilités, réformes politiques et des institutions par la refondation de l'Etat, démocratisation participative par une réelle décentralisation, et réformes économiques conciliant efficacité économique et une profonde justice sociale. Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul