La multiplication des provocations et de l'hostilité du Maroc envers l'Algérie ont finis par aboutir à une situation de rupture. A la mi-juin passé et juste après la réunion des pays Non-alignés à l'ONU, le représentant du roi du Maroc distribue une note où il est mentionné la reconnaissance et le soutien de son pays au mouvement pour l'autonomie de la Kabylie (Mak), classé par l'Algérie comme mouvement terroriste. Cette grave provocation entraînera le rappel de l'ambassadeur d'Algérie à Rabat. A défaut de s'expliquer, le Makhzen poursuit ses provocations et permet au ministre israélien, Yaïr Lapid, de s'attaquer à l'Algérie lors de sa visite à Rabat les 11 et 12 août passés. Ce dernier déclarera lors d'une conférence de presse ce qui suit : «J'exprime mes inquiétudes au sujet du rôle de l'Algérie dans la région, son rapprochement avec l'Iran et la campagne qu'elle a menée contre l'admission d'Israël en tant que membre observateur de l'Union africaine». Une menace à peine voilée lancée à partir d'un pays qualifié de «frère» par le roi du Maroc lors de son discours de la fête du trône, quelques jours avant la visite du ministre israélien. Cette déclaration du ministre des Affaires étrangères israélien a été faite à un moment où l'Algérie pansait ses blessures et luttait contre les flammes qui ravageaient une vingtaine de wilayas. L'implication de présumés coupables appartenant aux mouvements terroristes Mak et Rachad fera encore plus dégrader les relations avec Rabat. Lors de la réunion du Haut Conseil de sécurité, présidée par Abdelmadjid Tebboune, il a été souligné, entre autre, dans le communiqué «...les actes hostiles incessants perpétrés par le Maroc contre l'Algérie, ont nécessité la révision des relations entre les deux pays et l'intensification des contrôles sécuritaires aux frontières de l'Ouest». Le message est clair, la révision des relations avec le Maroc ne concerne pas seulement la diplomatie, mais y compris les autres secteurs, dont l'économie. Ce message a été rapidement compris par le Makhzen. Moins de vingt-quatre heures après le communiqué de la Présidence algérienne, la directrice générale de l'Office marocain des hydrocarbures et des mines annonçait «la volonté du Maroc de maintenir cette voie (le gazoduc Maghreb Europe) d'exportation qui a été clairement affirmée de manière constante, à tout les niveaux, depuis plus de trois ans». Pourtant, le gazoduc Maghreb Europe n'a plus sa raison d'être compte tenu du degré d'hostilité affiché par le Maroc à l'égard de l'Algérie. En 1996, le gazoduc Maghreb Europe (GME) est inauguré. Il alimente l'Espagne et le Portugal en gaz naturel algérien. Sa capacité s'élève à 12 milliards de mètres cubes. Le GME passe ainsi par le Maroc. Ce qui permet à ce dernier pays de bénéficier d'un droit de passage qui pourrait être monnayé en dollars ou en gaz naturel. Le GME était censé consolider les relations de bon voisinage entre l'Algérie et le Maroc, presque cinq ans après la signature de l'accord de cessez-le-feu entre le Polisario et le Maroc en 1991. Mais, contre toute attente, Rabat n'affiche aucune volonté de normaliser ses relations avec Alger et poursuit ouvertement sa politique de blocage de toute solution pacifique à l'occupation du Sahara occidental. Ayant des engagements fermes avec l'Espagne et le Portugal, qu'elle doit honorer, Sonatrach met en service un nouveau gazoduc en 2011. Ce dernier relie Beni-Saf à Almeria sans passer par le Maroc. Il est doté d'une capacité dépassant de 8 milliards de mètres cubes, portée à 10 milliards de m3 cette année. Une quantité qui couvre les besoins de l'Espagne et du Portugal. Ce nouveau gazoduc est la propriété de Sonatrach à 51% et de la société espagnole Naturgy avec 49% Connaissant bien le Makhzen et la politique du chantage qu'il pratique, il n'est pas question que le GME soit utilisé comme moyen de pression sur l'Algérie. Depuis 2012, les nouveaux contrats d'approvisionnement en gaz naturel de la péninsule ibérique passent par le gazoduc de Beni Saf, tandis que les anciens contrats du GME, qui transitaient par le Maroc, ne sont pas renouvelés. Les quantités de gaz naturel qui transitent par le Maroc vont sensiblement baisser dès 2014. En 2019 le Maroc n'a bénéficié que de 105 millions de dollars de droit sur les exportations de gaz naturel par ce gazoduc. En 2020, ces revenus n'ont été que de 51 millions de dollars. Le Maroc doit importer près d'un milliard de mètres cubes de gaz naturel annuellement. Une bonne partie de ce gaz lui était fourni en contrepartie du passage du gazoduc sur son territoire. Cette quantité est surtout utilisée pour produire de l'électricité. Le Maroc dispose d'une puissance installée de production d'électricité de 10.570 MW en 2020, alors que l'Algérie s'est dotée d'une puissance dépassant les 23.000 MW, soit le double de celle du Maroc. Il arrive également très souvent à l'Algérie de vendre de l'électricité au Maroc avec une moyenne de 200 MW, surtout lors de la saison estivale. La majorité du peuple marocain n'a pas les moyens d'utiliser la climatisation durant la saison des grandes chaleurs. Le prix du kilowattheure d'électricité est trois fois plus élevé qu'en Algérie. Il est de 0,131 dollars le kWh au Maroc, contre 0,040 dollars en Algérie. Le gaz de ville est un luxe dans le pays de Mohamed VI qui doit importer plus de 2,7 millions de tonnes de butane et de propane pour permettre au peuple de faire la cuisine et au secteur du tourisme de fonctionner. On est bien loin de cette image d'un Maroc moderne et prospère que veux véhiculer la propagande du Makhzen. Et ceci ne concerne que l'énergie. Avec l'arrêt de la manne du GME, le Maroc sera obligé d'importer du gaz naturel liquéfié (GNL) à un prix fort sur le marché mondial. Alors qu'auparavant, il bénéficiait d'une source sûre d'approvisionnement par gazoduc et ne payait que la moitié de ses importations. Au premier semestre de 2021, le déficit commercial du Maroc a dépassé les 10 milliards de dollars tandis que la dette extérieure est de 60 milliards de dollars. Etant très endettés et dans l'incapacité d'améliorer les conditions de vie de la majorité des Marocains, Mohamed VI n'a pas trouvé mieux que de faire de l'Algérie la cause de tous les maux du Maroc, tout en miroitant les retombées positives de la normalisation avec Israël. Sauf qu'il a oublié de dire à son peuple qu'Israël n'a jamais investis un seul dollar dans les pays arabes avec lesquels il a normalisé ses relations.