Le dernier rapport de suivi de la situation économique de l'Algérie, automne 2021, publié par la Banque Mondiale a suscité une vive polémique dans les milieux médiatiques et économiques. La lecture de ce rapport révèle une volonté délibérée des experts de la Banque Mondiale de minimiser les performances de l'économie algérienne en 2021, après une difficile année 2020 marquée par les graves retombées socio-économiques de la pandémie du Covid-19, qui pourtant, n'a épargnée aucun pays. Nous citons ici les quelques conclusions de la Banque Mondiale qui remettent en cause l'objectivité de son rapport sur l'Algérie : « Le rebond de la production des hydrocarbures masque une reprise économique fragile », « l'envolée des recettes des hydrocarbures finance également un rebond significatif des dépenses publiques », « l'inflation croissante détériore les conditions de vie » et enfin « l'amélioration des agrégats macroéconomiques devraient être de courtes durée ». Sur quelle base et sur quelles données les experts de la banque Mondiale ont élaborés leurs conclusions négatives sur la situation économique de l'Algérie ? L'Algérie est un pays membre du Fonds monétaire international et de la Banque Mondiale. Régulièrement, des experts de ces deux institutions internationales effectuent des visites d'évaluations des économies des pays membres. Lors de leurs visites, les chargés de missions des institutions de Bretton Woods rencontrent les représentants du ministère des finances, de la Banque d'Algérie et d'autres départements ministériels et institutions chargées de l'économie et du social pour faire le point. Le rapport des experts et élaboré suivant les données et les chiffres communiqués par les institutions du pays visité. Et ce dernier ne peut pas mentir sur les chiffres à partir du moment où ils sont facilement vérifiables par l'organisation mondiale du commerce, les banques internationales, l'Opep ou autre agence internationale. Donc, tout mensonge ou manipulation des chiffres et des données sont à écarter. Revenant maintenant à l'observation du rapport qui relève que l'inflation croissante détériore les conditions de vie des algériens. L'année 2021 a été marquée par la reprise de l'économie mondiale après une sévère récession en 2020 dû à la pandémie. Cette forte reprise a entrainée une flambée des prix de l'ensemble des matières premières (pétrole, gaz naturel, charbon, minerais, produits agricoles, etc..). Une inflation qui n'a épargnée aucun pays, qu'il soit développé ou non, dont l'Algérie. Lors de sa récente rencontre avec les banques et établissements financiers, le Gouverneur de la Banque d'Algérie, Rostom Fadli, avait annoncé, en toute transparence, que l'inflation s'est accélérée de 5,96 point de pourcentage pour atteindre les 9,2% en octobre 2021. Une inflation qui a surtout touchée les produits alimentaires. Pour atténuer l'impact de ces hausses sur les couches les plus vulnérables, le gouvernement a déjà annoncé de nouvelles mesures sociales pour 2022 avec la réduction de l'IRG et la révision du point indiciaire des salaires. Une réforme de la politique des transferts sociaux a été également adoptée. Elle vise à orienter ces aides aux couches sociales les plus vulnérables. Concernant la hausse du nombre de chômeurs recensés par l'Agence nationale de l'emploi, elle est inévitable à partir du moment où le gouvernement a décidé d'instituer une allocation chômage pour les primo demandeurs d'emplois. Une première en Afrique. Ces mesures n'ont à aucun moment étaient citées par le rapport de la Banque Mondiale. Passant maintenant à la croissance économique. L'office national des statistiques (ONS) avait déjà annoncé une croissance de l'économie réelle de 2,3% le premier trimestre 2021, de de 6,4% au second trimestre et 6% au troisième trimestre. Ce qui nous donne une croissance moyenne de 4,9% durant les neuf premier mois de 2021. De son côté, le gouvernement table sur une croissance de clôture de l'année 2021 à 4,40%. Un taux qui compense la récession de l'économie algérienne qui a été de -4,9% en 2020. Malgré ces données, la Banque mondiale a décidée que la croissance en Algérie ne serait de 4,1% cette année. Les hydrocarbures et malgré leurs poids dans les recettes des exportations de biens ne représentent que 23% du produit intérieur brut (PIB). Au second trimestre de 2021 la croissance du secteur des hydrocarbures a été de 11%. Mais elle a été tout de même inférieure à celle du secteur du bâtiment et des travaux publics qui a réalisé 13,7%, alors que le secteur industriel affichait de son côté 9,3% de croissance. Seule l'agriculture avait réalisée une croissance négative de 0,3% en raison de la sécheresse. A fin novembre 2021 l'économie hors hydrocarbures a réalisée des exportations de 4,5 milliards contre seulement 2,34 milliards de dollars pour toute l'année 2020. Pour être plus précis, l'économie hors hydrocarbures a produit et exportée de 2,5 milliards de dollars de plus qu'en 2020. Ce qui représente une croissance de 1,7% du PIB réalisée uniquement à l'export et en hors hydrocarbures. Une performance jamais réalisée depuis l'indépendance du pays. Difficile de comprendre sur quelle analyse les experts du Fmi ont qualifiés cette croissance « de fragile ». Concernant les prévisions de croissances pour 2022 et 2023, le rapport de la Banque Mondiale annonce des taux pessimistes presque inférieur à 2%. Alors que le gouvernement algérien prévoit une croissance de 3,28% en 2022 et 2,92% en 2023. Les experts de la Banque Mondiale connaissent t-ils mieux que le gouvernement algérien le potentiel économique du pays ? En 2022, la nouvelle loi sur les hydrocarbures et le nouveau code des investissements passeront au stade de la concrétisation sur le terrain. Pas moins de 40 nouvelles découvertes d'hydrocarbures doivent être développées avec des partenaires étrangers. Tandis que des dizaines de projets industriels rentreront en activités. Les investissements directs étrangers connaitraient inévitablement une hausse. Et une année agricole meilleure que celle de l'année en cours pourrait booster la croissance. Les prévisions des experts de la Banque Mondiale concernant une faible croissance en 2022 et 2023 ne s'appuient sur aucune donnée fiable. Mais la conclusion la plus déroutante de ce rapport concerne les agrégats macroéconomiques. Le rapport a conclut que « les agrégats macroéconomiques devraient être de courtes durée ». Qu'en est-il exactement de ces agrégats. Lors de sa récente réunion avec les banques et les établissements financiers le Gouverneur de la Banque d'Algérie annonçait que le déficit de la balance commerciale a fortement reculé passant de prés de 9 milliards de dollars durant les neuf premiers mois de 2020 à 1,57 milliards de dollars durant la même période de 2021. A titre de comparaison, la balance commerciale du Maroc avait enregistrée un déficit dépassant les 16 milliards de dollars à fin septembre 2021. Cette baisse du déficit de la balance commerciale de l'Algérie s'est positivement répercutée sur le solde du compte courant. Ce dernier a vu son déficit passé de prés de 9 milliards de dollars à fin septembre 2020 à 5,5 milliards de dollars à fin septembre 2021. Ce qui s'est répercuté positivement sur les réserves de change qui se sont stabilisées à 44,72 milliards de dollars. Mais ce qu'ignorent les rédacteurs de ce rapport, c'est que la balance commerciale de l'Algérie est devenue excédentaire de plus de un milliards de dollars à fin novembre 2021. Ce qui constitue une première depuis 2014, année du début de l'effondrement des marchés pétroliers. L'autre mauvaise appréciation de ce rapport, c'est que cette amélioration des équilibres financiers externes n'est pas seulement le résultat d'une embellie des marchés pétroliers. En 2018, année où le baril de pétrole avait dépassé les 71 dollars le solde courant extérieur avait enregistré un déficit dépassant les 16,60 milliards de dollars. Et ceci en raison d'une facture des importations de marchandises dépassant les 48,5 milliards de dollars et celle des services les 11,48 milliards de dollars. Les 41 milliards de dollars d'exportations ne pouvaient couvrir la facture des importations. Le pays vivait au dessus de ses moyens en puisant dans son épargne, les réserves de changes. En 2021, les équilibres financiers externes ont été rétablis avec un baril à 70 dollars, inférieur d'un dollars à celui de 2018. Concernant les équilibres financiers interne, les rédacteurs du rapport ont conclut que la dette publique explose en 2021...mais elle est stable et n'atteint que 49,8 % du PIB. Au Maroc, la dette publique devrait atteindre les 98% du PIB en 2021, sans que la Banque Mondiale ne rappelle à l'ordre ce pays. En Afrique du Sud, la dette publique est à 79% du PIB en 2020 et en Egypte elle est à 93%. Dire qu'à 49% du PIB la dette publique algérienne explose relève de la provocation. Concernant la dette extérieure, un récent rapport de la Banque Mondiale mentionnait que la dette extérieure de l'Algérie, classée la quatrième économie en Afrique, n'était que de 5,17 milliards de dollars à fin 2020. A un moment où la première économie africaine, le Nigéria, comptabilisait 70 milliards de dollars de dette extérieure et l'Egypte, seconde économie avec 131,58 milliards de dollars. L'Afrique du Sud, troisième africaine, totalisait plus de 170 milliards de dollars. Quand au Maroc, cinquième économie africaine, il a une dette extérieure de 65,68 milliards de dollars, dont 43 milliards de dollars de dette publiques extérieures. Même si la situation économique et financière s'est sensiblement améliorée par rapport au cinq dernières années, le Gouvernement algérien n'a pas caché sa volonté de mener des réformes audacieuses pour sortir définitivement de la dépendance des hydrocarbures. Ces réformes, seule l'Algérie décidera de la façon de les mener, loin de toute pression étrangère et en préservant le caractère social de l'Etat. Et c'est cette liberté de manœuvre qui semble déranger les experts de la Banque Mondiale.