Après avoir réussi l'exploit de dépasser le Ghana et le Nigeria, aux richesses naturelles considérablement supérieures, la Côte d'Ivoire creuse l'écart et confirme son statut de pays le plus riche d'Afrique de l'Ouest continentale, en termes de PIB par habitant. La performance de la Côte d'Ivoire est le résultat de nombreuses réformes et d'une politique active de diversification, qui lui ont également permis de dépasser l'Angola, géant du pétrole et des diamants, ou encore le Kenya, pays le plus prospère d'Afrique de l'Est continentale (hors Djibouti). Par ailleurs, la Côte d'ivoire devance désormais assez largement des pays comme l'Angola (2.138 dollars) ou le Kenya (2.007 dollars). Une grande performance due à un dynamisme record Cette évolution constitue une grande performance pour la Côte d'Ivoire, dont les richesses naturelles non renouvelables sont très modestes en comparaison avec celles du Ghana et du Nigeria. En effet, le Ghana est le premier producteur africain d'or et le cinquième producteur de pétrole d'Afrique subsaharienne, avec une production respectivement trois fois et six fois supérieure à celle de la Côte d'Ivoire (qui extrait environ 40 tonnes d'or et 30 mille barils de pétrole par jour). De son côté, le Nigeria était encore le premier producteur de pétrole du continent en 2021, avec un niveau de production environ 50 fois supérieur à celui de la Côte d'Ivoire, qui a également été très largement dépassée en la matière par l'Angola, deuxième producteur africain avec une production environ 40 fois supérieure (et qui est aussi le deuxième producteur de diamants, après le Botswana, et le quatrième au niveau mondial). Observant une baisse progressive de sa production pétrolière, et faute d'une diversification de son économie et de ses exportations, qui reposent encore à environ 90% sur les hydrocarbures, le Nigeria devrait également être assez bientôt dépassé par le Sénégal, deuxième pays francophone le plus riche d'Afrique de l'Ouest, avec un PIB par habitant en hausse constante et s'établissant à 1.606 dollars début 2022. L'importante progression de la Côte d'Ivoire résulte de la très forte croissance que connaît le pays depuis plusieurs années. Sur la période de dix années allant de 2012 à 2021, période suffisamment longue pour pouvoir établir des comparaisons internationales, la Côte d'Ivoire a réalisé la plus forte croissance au monde dans la catégorie des pays ayant un PIB par habitant supérieur ou égal à 1.000 dollars, avec une croissance annuelle de 7,1% en moyenne. Plus impressionnant encore, elle se classe deuxième toutes catégories confondues, pays très pauvres inclus, faisant ainsi mieux que 30 des 31 pays au monde qui avaient un PIB par habitant inférieur à 1.000 dollars début 2012. La Côte d'Ivoire n'est alors dépassée que par l'Ethiopie, qui a connu une croissance annuelle de 8,6% en moyenne. Une performance qui résulte essentiellement du très faible niveau de développement de ce pays d'Afrique de l'Est, qui était le deuxième pays le plus pauvre au monde début 2012, et qui en demeure un des plus pauvres avec un PIB par habitant de seulement 944 dollars début 2022 (soit un an après le déclenchement d'une guerre civile, ayant fait jusqu'à présent quelques dizaines de milliers de victimes). De leur côté, et sur cette même période de dix années, le Nigeria a enregistré une croissance de seulement 2,5% en moyenne annuelle, tandis que le Ghana a affiché une progression annuelle de 5,1%. De même, il est à noter que la croissance ivoirienne a également été largement supérieure à celle de pays comme l'Angola (0,9 %), le Kenya (4,4 %) ou encore l'Afrique du Sud, géant minier du continent (premier producteur africain de charbon, de fer, de manganèse ou encore de nickel, deuxième producteur d'or...), et dont la hausse annuelle moyenne du PIB s'est établie à seulement 0,9% sur la période.Par ailleurs, il est à signaler que la Côte d'Ivoire est récemment devenue le premier pays africain de l'histoire (et le seul encore aujourd'hui) disposant d'une production globalement assez modeste en matières premières non renouvelables, à dépasser en richesse un pays d'Amérique hispanique, à savoir le Nicaragua dont le PIB par habitant atteignait 2 091 dollars début 2022 (hors très petits pays africains de moins de 1,5 million d'habitants, majoritairement insulaires). La Côte d'Ivoire devrait d'ailleurs prochainement devancer le Honduras, dont le PIB par habitant se situait à 2 831 dollars. Dans un autre registre, il est à noter que les performances économiques de la Côte d'Ivoire se sont accompagnées d'une maîtrise de l'endettement, avec un niveau de dette publique s'établissant à seulement 52,1% du PIB début 2022, selon le FMI, contre non moins de 82,1% pour le Ghana voisin. S'il demeure supérieur à celui du Nigeria (36,6 %), le niveau d'endettement de la Côte d'Ivoire reste largement inférieur à celui de pays comme l'Angola (86,4%), le Kenya (67,8%) ou encore l'Afrique du Sud (69,0%).Enfin, la forte croissance de l'économie ivoirienne s'est également accompagnée d'un bon contrôle de l'inflation, qui s'est située à seulement 1,3% en moyenne annuelle sur la décennie 2012-2021, contre non moins de 12,0% et 12,3% pour le Ghana et le Nigeria, respectivement, ou encore 17,8% pour l'Angola. Les difficultés économiques de ces trois derniers pays, dont les populations les plus fragiles ont été grandement pénalisées par la forte hausse du prix des produits de base, se sont notamment traduites par une importante dépréciation de la monnaie nationale, avec une perte de valeur s'établissant, respectivement, à 80%, 63% et 77% face au dollar depuis le début de l'année 2014 (soit une dépréciation de plus de 99% pour la monnaie nigériane depuis sa création). Une situation qui a notamment pour conséquence une forte dollarisation de l'économie de ces deux pays, c'est-à-dire une large utilisation du dollar pour les transactions économiques au détriment de la monnaie nationale, considérée comme risquée. Une politique active de réformes et de diversification Les résultats de la Côte d'Ivoire s'expliquent par les profondes réformes administratives, juridiques et fiscales réalisées afin d'améliorer le climat des affaires et d'attirer les investisseurs, ainsi que par une politique active de diversification des sources de revenus. Grâce aux réformes accomplies, la Côte d'Ivoire a réussi à instaurer un cadre propice à l'entreprenariat local et aux investissements étrangers. Le pays avait ainsi fait un bond considérable dans le classement international relatif au climat des affaires, qui était publié chaque année par la Banque mondiale, en passant de la 167e place en 2012 à la 110e place en 2020 (année du dernier rapport, avant suspension). Même si elle demeurait, à ce moment-là, encore moins bien classée que des pays comme le Maroc (53e) ou l'Afrique du Sud (84e), la Côte d'Ivoire faisait toutefois déjà largement mieux que le Nigeria (131e), l'Angola (177e) ou encore l'Ethiopie (classée 159e, avant le début de la guerre civile). Au passage, il convient de rappeler que la maîtrise de l'inflation, élément ayant une incidence certaine sur l'environnement des affaires, n'était hélas pas prise en compte dans l'élaboration du classement annuel de la Banque mondiale, ce qui pénalisait la Côte d'Ivoire où l'inflation est bien plus faible que dans les pays précédemment cités (et qui méritait donc d'être encore mieux classée). Ilyes Zouari