L'activisme américain au Niger n'a rien de surprenant, compte tenu de leurs intérêts stratégiques dans le pays. Cependant, la visite de Victoria Nuland à Niamey, qui n'était pas inscrite à son agenda, a surpris tout le monde. Quelques jours plus tôt, Catherine Colonna s'enorgueillissait d'être sur la même ligne que celle de Washington, apparemment ce n'était pas réciproque. En s'asseyant et discutant pendant deux heures à la table des militaires, Victoria Nuland a signifié à Paris qu'elle prenait la direction des opérations. Dans le langage fleuri de la diplomate cela pourrait se résumer ainsi : «On ne peut pas laisser les mangeurs de grenouilles gérer ce dossier, ils vont nous ramener Wagner» ! Deuxième message envoyé à l'Elysée et au camp des durs de la Cédéao qui se préparaient à employer la manière forte : nous privilégions le dialogue. En cela, la secrétaire d'Etat par intérim, réitérait la position de Anthony Blinken qui dès le 2 août s'accordait avec le président de l'Union africaine, Moussa Faki, pour convenir qu'«il n'y a pas de solution militaire acceptable» à la crise au Niger. Il ne faut pas se méprendre, l'administration Biden ne souffre pas d'un brusque accès de pacifisme. À quelques mois de l'élection présidentielle de 2024, ils ne peuvent tout simplement pas prendre le risque de soutenir un nouveau conflit. Ils sont embourbés en Ukraine où la contre-offensive patine pendant que leur aide à Kiev devient chaque jour plus impopulaire à l'intérieur du pays. Ils sont également dans une position délicate en Syrie et dans le détroit d'Ormuz face à l'Iran où la marine américaine vient de déployer 3000 hommes. Pendant ce temps, les tensions en mer de Chine persistent. Rome et Berlin, tous deux présents militairement au Niger, se sont ralliés à la position américaine. Depuis le départ des troupes françaises du Mali, les deux capitales cherchent à se démarquer de Paris sur les dossiers africains pour ne pas être contaminés par la «bronca» envers la politique française. Si l'Allemagne a fait dans la sobriété en indiquant «privilégier la médiation», l'Italie n'a pas pu s'empêcher de tacler la France. Dans un entretien à la Stampa, le ministre des Affaires étrangères Antonio Tajani a ainsi déclaré «L'Europe ne peut pas se permettre un affrontement armé, nous ne devons pas être vus comme de nouveaux colonisateurs. Au contraire, nous devons créer une nouvelle alliance avec les pays africains, qui ne soit pas basée sur l'exploitation. Nous devons reporter l'option de la guerre le plus possible».n